Question de M. BOYER Jean (Haute-Loire - UC) publiée le 31/12/2009

M. Jean Boyer attire l'attention de Mme la ministre de la santé et des sports sur la délicate question de la démographie médicale en milieu rural.

La difficulté de fixer durablement des professionnels de santé sur ces territoires pose de véritables questions qui contribuent à fragiliser leur développement et leur perspective d'avenir. Même si la présence et la réalisation d'un cabinet médical peuvent constituer une des réponses à cette pénurie, il n'en demeure pas moins que les schémas ne sont pas clairement identifiés en la matière. Si l'on n'y prête pas garde, des pans entiers de nos territoires risquent, dans un avenir très proche, de devenir des espaces sans couverture médicale, où l'absence de soins ne permettra plus le maintien à domicile de nos aînés entre autres. Cette situation entraînera inévitablement une augmentation des placements en établissement, avec le coût qui s'y rattache. La désertification continuera ainsi à faire son œuvre et rendre ces territoires de moins en moins attractifs et de plus en plus inhospitaliers. C'est pourquoi il devient urgent d'y répondre rapidement.

La situation du monde rural impose de procéder à des compensations permettant aux nouveaux internes de s'adapter pleinement aux conditions de travail liées à l'altitude, à l'espace, aux moyens de déplacements, à l'organisation de la vie sociale et humaine d'un territoire, aux climats mais aussi à la topographie… Comme le disait Victor Hugo « L'avenir ne se prévoit pas, il se prépare ». Dans plusieurs zones du territoire, notamment dans son département de la Haute-Loire, le service à la population ne pourra plus être assuré au fur et à mesure du départ en retraite des professionnels de la santé. Aujourd'hui, alors que sur le territoire français il y a en moyenne un médecin pour 360 habitants, on en est à un pour 540 en Auvergne… et bien pire dans les zones reculées du Mézenc ou de la Margeride. De graves disparités sont en train de se faire jour entre les zones plus urbanisées et les parties plus enclavées, créant véritablement des inégalités de traitement sur un même territoire identifié. Nous devons anticiper cette évolution. La présence médicale en milieu rural appelle de notre part une vigilance active permettant de croire encore à l'égal accès de tous les territoires à une offre de soin appropriée, la même pour tous.

Il souhaite connaître comment le Gouvernement entend répondre à cette situation de plus en plus préoccupante où l'éventualité d'un désert médical continuera d'accroître la fracture territoriale. Il lui demande précisément les mesures que le Gouvernement envisage de prendre pour assurer le maintien et la pérennité du service médical en milieu rural, permettant de répondre aux attentes des professionnels et des patients. Il lui demande également si une aide à l'installation ne pourrait pas inciter les acteurs de notre système de santé à choisir nos territoires ruraux, assurant de ce fait une meilleure répartition géographique.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé des sports publiée le 27/01/2010

Réponse apportée en séance publique le 26/01/2010

M. Jean Boyer. Madame la secrétaire d'État, la couverture médicale constitue une préoccupation majeure en milieu rural, en particulier en Auvergne et dans mon département de Haute-Loire, dont vingt-deux des trente-cinq cantons sont situés en zones de revitalisation rurale. Cette situation recouvre de nombreuses inquiétudes spécifiques : les services au public se raréfient, y compris dans le domaine médical, qu'il s'agisse des médecins, des dentistes ou des kinésithérapeutes, voire, dans certains secteurs, des services infirmiers libéraux.

Je voudrais évoquer plus particulièrement le cas des secteurs très ruraux situés en zone de montagne difficile.

Compte tenu de la faiblesse des activités administratives ou bancaires, certains secteurs de cette France rurale, « la France d'en bas » comme d'aucuns l'appellent, perdent régulièrement de leur population. Cette érosion est malheureusement contagieuse. Depuis quelques mois, nous constatons que des espaces importants seront bientôt dépourvus de présence médicale, ce qui nuira très fortement à la sécurité de la population et compliquera le maintien à domicile de nos aînés.

Une telle situation entraînera inévitablement une augmentation des placements en établissements, avec le coût que cela implique. La désertification continuera ainsi à faire son œuvre et rendra nos territoires moins attractifs et de plus en plus inhospitaliers. L'absence de couverture médicale créera, demain, des semi-déserts. Or une présence médicale est indispensable, et même vitale, notamment pour nos aînés : parmi les priorités, elle précède celle de la gendarmerie ou des pompiers.

Aujourd'hui, alors que l'on compte en moyenne un médecin pour 320 habitants sur le territoire français, le ratio est de un pour 345 en Auvergne et de un pour 523 dans la Haute-Loire ! Telle est l'inquiétante réalité dans ce département. Et encore ne s'agit-il que d'une moyenne : si l'on prenait uniquement en compte les zones rurales, le résultat serait effrayant, en particulier pour des régions comme la Margeride ou le Mézenc.

Madame la secrétaire d'État, de graves disparités se font jour entre les zones urbanisées et les zones dites « enclavées ». Dans certaines villes, il y a des médecins en surnombre de médecins, avec les conséquences que cela peut entraîner… J'ai conscience que le problème n'est pas simple, en raison du principe de la liberté d'installation. Mais gouverner, n'est-ce pas prévoir ?

Madame la secrétaire d'État, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il, notamment sur le plan législatif, pour permettre au monde rural de bénéficier de ce que j'appellerais la parité médicale ? Dans l'éducation nationale ou la gendarmerie, les personnes recrutées sont généralement affectées, pour leur premier poste, dans la France rurale, la France profonde…

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. Monsieur le sénateur, Mme Bachelot-Narquin m'a chargée de vous transmettre la réponse suivante.

Assurer l'égal accès aux soins pour tous nos concitoyens est effectivement un principe républicain et constitue le fil rouge de l'action du Gouvernement. C'est pour répondre à ce défi que la ministre de la santé et des sports a organisé les états généraux de l'organisation de la santé, qui ont permis d'identifier une série de mesures concrètes, qu'elle s'est ensuite attachée à mettre en œuvre.

Tout d'abord, la contrainte pesant sur les médecins a été allégée, par le biais d'une incitation à diminuer le nombre de secteurs de garde. Une mission nationale d'appui, constituée pour faciliter l'application de cette mesure, a ainsi accompagné plusieurs départements dans la recherche d'une organisation plus pertinente.

Grâce aux agences régionales de santé, les ARS, les règles d'organisation et de financement de la permanence des soins seront assouplies pour mieux être adaptées aux besoins des patients et aux réalités locales.

Par ailleurs, Roselyne Bachelot-Narquin et la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ont mis en place la filière universitaire de médecine générale. Dès 2009, des postes supplémentaires d'enseignants ont été créés, et ce mouvement se poursuivra dans les prochaines années. Le deuxième stage de deuxième cycle de médecine générale sera redéfini, afin que les étudiants puissent l'effectuer le plus rapidement possible et découvrir ainsi tôt cette spécialité. La création de cette filière universitaire a permis que, en 2009, près de la moitié des futurs internes – 49 % d'entre eux, contre 37 % en 2004 – aient choisi la médecine générale. Il faut s'en réjouir.

Pour compléter ces mesures, le nombre d'internes formés dans chaque région et chaque discipline sera désormais fixé en fonction des besoins de la population. De plus, des « contrats d'engagement de service public » seront proposés, dès la prochaine rentrée universitaire, à des étudiants en médecine et à des internes. En contrepartie du versement d'une allocation mensuelle, ces étudiants s'engageront à exercer dans des zones identifiées comme sous-denses.

Enfin, nous avons à cœur de faciliter l'émergence de nouveaux modes d'exercice répondant mieux aux aspirations des médecins.

C'est précisément pour encourager et soutenir ces évolutions décisives que la ministre de la santé et des sports a souhaité une vaste réforme du système de santé, volonté qui s'est concrétisée par la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », dont les décrets d'application sont en cours de parution.

Plusieurs outils seront rapidement mis à la disposition des médecins.

Par exemple, ils pourront organiser la prise en charge de leurs patients sur la base d'une nouvelle répartition des tâches avec les autres professionnels ; ces protocoles de soins seront naturellement conclus sur leur initiative.

Les médecins se verront par ailleurs proposer par les ARS des contrats collectifs, conclu sur la base du volontariat, afin de soutenir financièrement leurs initiatives. Dotés de budgets pluriannuels significatifs, ces contrats leur donneront la possibilité, notamment, de renforcer leur secrétariat ou de disposer de plus de temps pour faire face à des situations complexes.

Les schémas régionaux d'organisation sanitaire ambulatoires, consensuels et non opposables, permettront de faire converger les aides et politiques incitatives et de soutenir les projets répondant à de vrais besoins de santé.

Enfin, si les problèmes d'accès aux soins persistent localement, les ARS pourront proposer aux professionnels de santé exerçant dans les zones sur-dotées des « contrats santé solidarité », afin que ceux-ci consacrent plusieurs demi-journées par mois à l'exercice de la médecine dans les zones moins denses.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, tout est donc mis en œuvre pour répondre à notre souci commun, c'est-à-dire assurer une plus juste répartition de l'offre de soins sur l'ensemble du territoire.

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Madame la secrétaire d'État, j'apprécie votre réponse, très précise et d'une grande qualité. Ayant eu l'occasion de me pencher sur ce sujet à l'occasion de l'élaboration de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », j'ai pu constater qu'il n'est pas facile d'imposer une présence médicale dans tel ou tel secteur sous-doté. Je prends acte des incitations mises en place afin de remédier aux problèmes que rencontre la France profonde.

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