Question de Mme TERRADE Odette (Val-de-Marne - CRC-SPG) publiée le 10/12/2009

Mme Odette Terrade attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la pratique dite « des marges abusives » dans la grande distribution. Alors que notre pays traverse une crise économique dont les principales conséquences néfastes portent sur le budget des Français, une enquête de l'association UFC-Que Choisir révélerait « des marges trop élevées et des prix en rayon ne répercutant pas les baisses des prix des matières premières ». Dans son enquête, l'association a étudié les prix de trois produits peu transformés dont la matière première agricole constitue une part prépondérante et les a comparés au prix agricole les composant, dans 105 grandes surfaces franciliennes du 26 septembre au 10 octobre 2009.
Sur les trois produits testés, l'enquête constaterait un écart important entre le prix de vente du producteur et le prix payé par les consommateurs. Dans ce contexte de restriction budgétaire pour nombre de nos concitoyens et bien que l'enquête indique « ne pas savoir à quel niveau du circuit entre les centrales d'achat, les distributeurs, ou les autres intermédiaires, les marges sont retenues », ces pratiques paraissent abusives pour le portefeuille des ménages français et injustes pour le travail des producteurs.
Par ailleurs, l'enquête met aussi en valeur « l'effet cliquet », autrement dit le fait que les distributeurs répercutent systématiquement les hausses des prix agricoles mais jamais la baisse. Par exemple, selon l'INSEE, le lait a baissé de 5 % à la production et augmenté de 22 % en rayon, entre 1992 et 2009.
Cette méthode aggrave elle aussi le coup porté au budget de nos concitoyens en ne tenant pas compte de la variation des prix agricoles, prétexte pour les industriels et la distribution à se servir notamment de la baisse des prix agricoles, pour améliorer leur profitabilité au détriment des consommateurs.
Alors que le pouvoir d'achat des Français est en berne, ces pratiques de prix inadmissibles des industriels et de la grande distribution sont d'autant plus préjudiciables que le budget de l'alimentaire représente pas moins de 15.5 % du budget des consommateurs.
De plus elle lui rappelle le modèle de l'extension du coefficient multiplicateur, appliqué aux fruits et aux légumes, qui, tout en respectant la liberté du commerce, a permis de limiter la progression des marges.
C'est pourquoi, alors que les nombreuses annonces du Gouvernement relatives au pouvoir d'achat des ménages se succèdent, elle lui demande quelles dispositions elle entend prendre afin de réguler et d'entourer ces marges injustifiées de règles pertinentes comme l'instauration d'un mécanisme de coefficient multiplicateur, permettant à nos concitoyens de trouver dans les magasins des denrées alimentaires à leur juste prix.

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Réponse du Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi publiée le 11/03/2010

Depuis mars 2008, l'Observatoire des prix et des marges fait l'objet de publications régulières concernant l'évolution des prix des produits de grande consommation sur le site internet de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Les variations de prix y sont décrites et analysées selon une grille détaillée par famille de produits et une distinction par catégorie de marques (marques nationales, marques de distributeurs ou produits de type « premier prix »). L'attention y est appelée sur les notions de marges brutes et de marges nettes afin de ne pas créer de confusions dans l'interprétation et la comparaison de données. Ainsi, les résultats enregistrés en mars et avril 2009, légèrement antérieurs à ceux de l'étude de la revue Que choisir, laissent apparaître des baisses de prix mensuelles sur de nombreux produits de consommation courante. Ces résultats sont intervenus après la période d'achèvement des négociations commerciales annuelles entre fournisseurs et distributeurs, et en ont intégré les premiers effets. Concernant plus particulièrement le secteur agricole et agroalimentaire, un comité de pilotage a été mis en place en fin d'année 2008. Ce comité de pilotage, dont la coprésidence est assurée par la direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires (DGPAAT) et la DGCCRF, réunit notamment les représentants de la profession agricole, des industriels, des distributeurs et des consommateurs, dont un membre de l'association de l'Union fédérale des consommateurs (UFC). Les travaux décidés par ce comité de pilotage ont fait l'objet de publication sur le site de l'Observatoire des prix et des marges. Ils ont concerné la viande porcine, le lait UHT et certains produits laitiers (pour exemple, sur un an, à novembre 2009, le poste crèmerie [tous produits] demeure le plus déflationniste [- 2,79 %], et les fruits et légumes. Pour ce qui concerne plus spécifiquement le secteur porcin, le comité de pilotage a conclu à la nécessité de construire collectivement un outil de suivi des prix et des marges spécifique qui soit le plus pertinent possible, notamment en termes d'indicateurs de prix, de période de référence et de comparaison internationale. Le secteur des fruits et légumes se caractérise par une importante volatilité des prix due en grande partie à l'extrême périssabilité des produits. Dans ce contexte, les pouvoirs publics ont prévu, dans le cadre du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP), d'encourager la contractualisation des relations commerciales, notamment entre producteurs et distributeurs, de façon à poursuivre le processus de rééquilibrage entre toutes les parties prenantes, notamment dans le rapport de force opposant une production atomisée à une distribution concentrée. Ces dispositions devraient permettre à terme d'améliorer le revenu agricole, sans pénaliser le consommateur. De plus, le jeu de la libre concurrence à tous les stades de la filière doit garantir qu'aucun opérateur ne puisse prélever de marges excessives. Si l'un des opérateurs applique une marge excessive, ces concurrents directs pourront proposer les mêmes produits à des prix inférieurs en prélevant une marge plus faible. La DGCCRF contrôle l'absence de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties sous contrat. Pour cela, le plan de contrôle annuel a été renforcé au mois de juin dernier par la mise en place de la brigade LME, qui prévoit notamment un interlocuteur unique par région pour la mise en oeuvre des règles relatives à la négociabilité des conditions générales de vente. Les enquêtes de cette brigade ont déjà donné des résultats en octobre 2009 ont été assignés neuf distributeurs en justice pour des clauses contractuelles significativement déséquilibrées frappant majoritairement des PME du secteur agroalimentaire. La proposition de l'application d'un coefficient multiplicateur par l'UFC doit être examinée avec la plus grande prudence. Le principe du coefficient multiplicateur n'a encore jamais été appliqué depuis que l'ordonnance de 1986 a libéré les prix. Au demeurant, ce mécanisme n'est admissible que pour autant qu'il ne porte aucune atteinte à la compétence exclusive que la politique agricole commune (PAC) a conféré à la Commission européenne pour intervenir sur les prix, tant au stade de la production qu'à celui de la transformation, y compris dans les situations de crise agricole, pour les produits couverts par une organisation commune de marché (OCM). Les États membres ne peuvent ainsi intervenir, pour les produits sous OCM, qu'au stade de la distribution. Le Gouvernement attache une particulière importance à la transparence en matière de prix et de marges. C'est la raison pour laquelle il a pour projet, dans la LMA, de consacrer un article spécifique à un Observatoire de la formation des prix et des marges qui, chaque année, transmettra un rapport au Parlement pour faire le point de ses travaux.

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