Question de M. KRATTINGER Yves (Haute-Saône - SOC) publiée le 17/12/2009

M. Yves Krattinger appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur une situation afférente à l'article L. 2213-25 du code général des collectivités territoriales (CGCT) qui, faute de modalités d'application précises, confronte certains maires à un vide juridique.
Des communes, et c'est le cas pour une commune de Haute-Saône, voient leur environnement vicié par les restes d'incendies laissés sur des propriétés privées. Les propriétaires de terrains et/ou bâtiments sinistrés par un incendie ne sont pas contraints par la législation de démolir les restes des bâtiments, ou de remettre en état le terrain, touchés par l'incendie alors même qu'ils ont été indemnisés par leur assureur. Ainsi, en dépit des efforts engagés par les municipalités, le cadre de vie de ces communes se retrouve entaché.
L'article L. 2213-24 du CGCT donne la possibilité au maire de prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices menaçant ruine dans les conditions des articles L. 511-1 à 511-4 du code de la construction et de l'habitation (CCH). Ces articles limitent l'application du précédent aux situations où la sécurité publique est compromise.
Quant à l'article L. 2213-25 du CGCT, son application soulève de nombreuses questions en l'absence de décret d'application. Une jurisprudence du tribunal administratif de Rennes indique qu'en l'absence d'un décret en Conseil d'Etat les dispositions dudit article sont suffisamment précises pour être mises en œuvre. Ainsi, cet article ne peut être appliqué dans le cas concret des restes d'un sinistre, puisque l'article L. 2213-25 s'applique aux terrains non bâtis.
Cependant, déjà interrogé sur la finalisation du décret d'application de l'article 94 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995, codifié à l'article L. 2213-25 du CGCT, le ministère de l'écologie, associé aux travaux d'élaboration de ce texte, a confirmé les difficultés juridiques de fond soulevées par ce texte. Se posent ainsi des questions relatives à l'application de cet article dans les seules zones urbaines ou également aux zones rurales, et les définitions de « terrain non bâti » et de « motifs d'environnement ».
Par ailleurs, les différents textes de loi permettant au maire d'intervenir sur un terrain non entretenu (articles L. 151-36 du code rural, L. 2243-1 à L. 2243-4, L. 2214-4 et L. 2212-2 du CGCT) relèvent d'une manière générale de procédures longues et lourdes dont la charge financière incombe systématiquement à la commune. Cette contrainte écarte donc implicitement les communes rurales de ces procédures, du fait de leurs budgets limités.
Compte tenu de ces éléments et des différentes politiques d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection de l'environnement, il lui demande de bien vouloir lui préciser, dans un premier temps, si une réglementation spécifique aux bâtiments sinistrés par un incendie est envisagée, contraignant le propriétaire à l'obligation de démolition des restes des bâtiments sinistrés et de remise en ordre de l'emplacement dans un délai imparti quand la reconstruction n'est pas envisagée. Et, dans un deuxième temps, de lui indiquer l'avancement des travaux de rédaction du décret d'application de l'article L. 2213-25 du CGCT, et plus particulièrement pour ce qui concerne les territoires ruraux.

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Réponse du Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales publiée le 14/10/2010

S'agissant en premier lieu de la création d'une procédure spécifique pour les bâtiments sinistrés par un incendie afin de contraindre le propriétaire à démolir les ruines et remettre en ordre les lieux dans un délai imparti lorsque la reconstruction n'est pas envisagée, il convient de rappeler que tout propriétaire d'un bâtiment est soumis à une obligation d'entretien. Ce dernier est d'ailleurs responsable du dommage causé par la ruine de son immeuble, lorsqu'elle résulte d'un défaut d'entretien ou d'un vice de construction conformément à l'article 1386 du code civil. Par ailleurs, l'article L. 2213-25 du code général des collectivités territoriales (CGCT) résulte de l'article 94 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement. Cet article confère au maire un pouvoir de police spéciale l'autorisant à mettre en demeure les propriétaires d'entretenir des terrains non bâtis lorsque ceux-ci sont situés à l'intérieur d'une zone d'habitation ou à une distance maximum de 50 mètres de ces mêmes habitations et cela pour des motifs d'environnement. Cet article, qui permet également au maire de faire procéder d'office aux travaux de remise en état aux frais du propriétaire, prévoit qu'un décret en Conseil d'État fixera les modalités d'application de ce dispositif. En charge de l'élaboration de ce décret, le ministère de l'écologie, à l'occasion de plusieurs réponses à des questions parlementaires (QE n° 9678, 14 avril 2003), a fait valoir les difficultés rencontrées quant à la définition des notions de « terrain non bâti » et de « motifs d'environnement », ainsi que le souci du respect de la propriété privée et de l'articulation avec d'autres dispositifs juridiques. Toutefois, le Conseil d'État, dans un arrêt du 11 mai 2007 Mme Pierres n° 284681, a considéré que ce pouvoir de police du maire est applicable même sans décret d'application. Le juge administratif a d'ailleurs été amené à définir les contours de l'expression « motifs d'environnement » puisqu'il a déjà été jugé qu'une végétation abondante et vigoureuse ainsi que la présence d'engins de chantier détériorés et abandonnés depuis de nombreuses années sur des parcelles pouvaient être considérés comme un motif d'environnement au sens de l'article L. 2213-25 du code précité (CAA de Nancy du 17 janvier 2008 n° 06NC01005). Enfin, l'intervention du maire au titre de ses pouvoirs de police générale doit avoir pour finalité d'assurer un des objectifs prévus à l'article L. 2212-2 du CGCT à savoir le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques, l'article L. 2212-4 du CGCT s'appliquant en cas de danger grave ou imminent. Le Conseil d'État admet l'intervention du maire sur le fondement de ses pouvoirs de police administrative générale quelle que soit la cause du danger, en présence d'une situation d'extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent (CE, 10 octobre 2005, commune de Badinières).

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