Question de M. BOURQUIN Martial (Doubs - SOC) publiée le 20/01/2010

Question posée en séance publique le 19/01/2010

Concerne le thème : Plan de relance et emploi

M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, notre pays n'avait pas connu un tel record d'immatriculations depuis 1983.

Le Gouvernement a accordé un prêt de 6 milliards d'euros aux deux principaux constructeurs automobiles, mais la situation est très contrastée : les grands constructeurs se portent à peu près bien mais, dans le même temps, les plans de départs volontaires se multiplient. Comme le soulignait Mme Laborde, on constate une tendance lourde à la désindustrialisation du pays, qui a été encouragée par la vente de véhicules produits majoritairement à l'étranger.

En effet, nos deux grands constructeurs ont implanté, notamment en Europe de l'Est, des usines surdimensionnées. Or, des voitures comme la 106 ou la 107, qui appartiennent à la catégorie de voitures que les Français achètent en cette période de crise, sont fabriquées dans ces pays. Et aujourd'hui, nous sommes confrontés au déficit abyssal de notre commerce extérieur.

En octobre dernier, je dénonçais ici même l'engagement du Fonds stratégique d'investissement, le FSI, dans l'équipementier automobile Trèves, qui poursuit la délocalisation de ses activités au Maroc.

La semaine dernière, nous avons assisté à un tout débat entre M. Carlos Ghosn et le Gouvernement pour savoir si la construction de la Clio serait effectivement délocalisée en Turquie. Monsieur le ministre, mes chers collègues, quand une multinationale comme Renault décide de délocaliser, elle le fait : elle va jusqu'au bout.

On le voit, en matière d'aides aux constructeurs automobiles, qu'il s'agisse d'avantages de TVA ou de prêts, la difficulté tient à l'absence de réel pacte automobile et au que la relocalisation ne figure pas dans le projet industriel. On prête à guichet ouvert, mais, à l'heure des comptes, on constate que les emplois ne sont pas là, que les délocalisations continuent.

On nous affirme que la voiture électrique de Renault, la Zoé, sera fabriquée en France, mais la construction de la Clio sera délocalisée.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bourquin.

M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, je vous le demande, il faut dorénavant que tout euro prêté aux entreprises fasse l'objet de contreparties réelles. Aujourd'hui, ce n'est que du vent, les entreprises font ce qu'elles veulent, elles vous dictent votre politique industrielle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)


Réponse du Ministère chargé de la mise en oeuvre du plan de relance publiée le 20/01/2010

Réponse apportée en séance publique le 19/01/2010

M. Patrick Devedjian, ministre. Le problème est tout de même un peu plus compliqué, monsieur le sénateur !

D'abord, je veux rappeler que la prime à la casse a rencontré un très grand succès : elle a concerné 600 000 véhicules, les deux tiers au profit des constructeurs français.

Ce que vous dites sur les délocalisations est exact, mais sans le plan du Gouvernement, l'industrie automobile française se serait totalement effondrée, faute d'acheteurs.

Comme je l'ai indiqué tout à l'heure en réponse à M. Zocchetto, le plan du Gouvernement a permis la sauvegarde de 24 000 à 33 000 emplois. Vous me rétorquerez sans doute que ce nombre est insuffisant. Certes, mais il est déjà important.

J'ajoute qu'un constructeur qui veut vendre sur un marché étranger doit souvent s'installer dans le pays considéré. Je mets donc un petit bémol aux considérations sur les délocalisations.

En outre, lorsqu'un constructeur français est installé à l'étranger, il fait souvent appel, dans une mesure moindre que si l'usine était en France, je le concède, à la fourniture de pièces, d'éléments d'assemblages produits en France. Ainsi, une voiture française assemblée en Slovénie ou en Roumanie intègre de l'ordre de 20 % de pièces ou d'éléments de construction fabriqués en France.

Les choses ne sont donc pas aussi simples qu'elles le paraissent, monsieur le sénateur.

En tout état de cause, le choix qui se présentait au Gouvernement n'était pas d'exiger pour tout euro prêté une contrepartie : c'est l'industrie française qui était menacée dans sa survie ; il fallait la sauvegarder, et c'est ce que nous avons fait.

M. Jean-Jacques Mirassou. Et Molex ?

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour la réplique.

M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, j'ai parlé de la délocalisation de la construction de la nouvelle Clio en Turquie.

Plus généralement, les contreparties constituent un aspect fondamental du problème. Lorsque l'État accorde un prêt, il le fait avec l'argent des contribuables, le produit de la TVA.

Il fallait, je ne le conteste pas, aider l'industrie automobile. Mais lorsque l'argent des contribuables est dépensé aussi massivement, il faut en échange exiger des contreparties, notamment en termes de délocalisations.

Monsieur le ministre, je sens gonfler un vent de délocalisations. Lors des états généraux de l'industrie automobile, M Carlos Ghosn a déclaré que, si la taxe professionnelle était supprimée, il n'y aurait plus de délocalisations. Or la taxe professionnelle a été supprimée cette année, et les délocalisations continuent !

Certaines personnes ne se conduisent pas comme on devrait le faire dans notre société.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bourquin.

M. Martial Bourquin. Dans le bassin d'emplois où je vis, le chômage touche 13 % de la population. Pourtant, l'année dernière, les ventes automobiles ont explosé. Il y a là un paradoxe sur lequel il faudra se pencher pour changer en profondeur nos façons de faire et de nous comporter envers les groupes automobiles.

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