Question de M. DAUDIGNY Yves (Aisne - SOC) publiée le 14/01/2010

M. Yves Daudigny attire l'attention de M. le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire sur l'absence de conclusions publiques de la mission Grand Nord-Est installée le 16 septembre 2008 et confiée au préfet Hubert Blanc.

Cette mission fait suite à l'annonce en juillet 2008 du redéploiement d'unités militaires et de la fermeture de certaines bases dont celle du 1er régiment d'artillerie de marine de la base de Laon-Couvron dans l'Aisne. Cette restructuration de la carte militaire touche particulièrement le nord-est de la France, qui a déjà subi de fortes restructurations et notamment suite au Plan Armées 2000.

La mise en place de cette mission a suscité de nombreux espoirs de la part des élus locaux puisqu'elle devait définir les grands axes d'une nouvelle dynamique de développement de ses territoires et ouvrir des financements pour ces territoires. La venue dans l'Aisne en novembre 2008 du préfet Blanc avait laissé entrevoir des pistes de travail allant au-delà de la zone militaire et pouvant bénéficier à l'ensemble du territoire. La lettre de mission du préfet Blanc stipulait que le rapport devait être rendu au plus tard fin février 2009. Début 2010, aucun rapport n'a été rendu public et aucune suite n'a été donnée à la visite du préfet Blanc dans les territoires.

Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser les conclusions de cette mission Grand Nord-Est et de lui indiquer notamment quels seront les engagements financiers du Gouvernement en direction du département de l'Aisne fortement touché par cette restructuration militaire.

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Réponse du Ministère de l'espace rural et de l'aménagement du territoire publiée le 17/02/2010

Réponse apportée en séance publique le 16/02/2010

M. Yves Daudigny. Monsieur le ministre, l'annonce en juillet 2008 par le Gouvernement du redéploiement d'unités militaires et de la fermeture de certaines bases, dont celle du premier régiment d'artillerie de marine de la base de Laon-Couvron, dans l'Aisne, a provoqué de très vives réactions dans l'ensemble des territoires.

Ce bouleversement de la carte militaire touche particulièrement le nord-est de la France, qui avait déjà subi de fortes restructurations dans le cadre du plan Armées 2000. Dans l'Aisne, ce plan avait ainsi entraîné la disparition des sites militaires dans les villes de Laon, Soissons et La Fère.

En 2011, ce sont encore plus de 1 000 militaires et leurs familles qui vont quitter l'Aisne.

Le coût humain, social et économique pour le territoire et les communes concernées est considérable : la vie économique, sociale et culturelle de l'ensemble du pays laonnois, au cœur du département, s'en trouvera bouleversée.

L'État a annoncé une aide de l0 millions d'euros pour un contrat de redynamisation du site de Couvron, somme que les acteurs et élus locaux ont immédiatement dénoncée comme bien insuffisante pour faire face aux besoins et aux conséquences d'une telle reconversion.

L'installation, le 16 septembre 2008, de la mission Grand Nord-Est confiée au préfet Hubert Blanc avait donc suscité de fortes attentes de la part des élus locaux, puisqu'elle devait définir les grands axes d'une nouvelle dynamique de développement et ouvrir des financements pour ces territoires.

La venue, alors très médiatisée, du préfet dans l'Aisne en novembre 2008 avait laissé entrevoir des pistes de travail allant au-delà de la zone militaire et pouvant bénéficier à l'ensemble du territoire. Un financement exceptionnel pour la modernisation de la route nationale 2, épine dorsale du département, avait notamment été évoqué.

Les acteurs locaux avaient alors de grands espoirs. Mais depuis, plus rien !

La lettre de mission du préfet Hubert Blanc stipulait que le rapport devrait être rendu au plus tard à la fin du mois de février 2009. Nous sommes le 16 février 2010 : aucun rapport n'a été rendu public à ce jour et aucune suite n'a été donnée à la visite du préfet.

Il s'agit pourtant là d'un enjeu vital pour l'aménagement du territoire axonais.

Après les fermetures induites par la révision de la carte judiciaire, il ne faudrait pas que la restructuration d'un ministère, en l'occurrence celui de la défense, soit de nouveau synonyme d'effacement, voire de disparition de l'État de notre territoire. L'Aisne ne peut être une terre de souffrances en temps de guerre et une terre sacrifiée en temps de paix !

Je formulerai donc un souhait, qui concerne la gouvernance, et une question, monsieur le ministre.

D'abord, il faut que l'on sorte de la communication théâtralisée et des effets d'annonce pour répondre par des actes concrets aux préoccupations de nos concitoyens.

Ensuite, quelles sont donc les conclusions de cette mission Grand Nord-Est annoncée à grand renfort de publicité et tombée ensuite dans l'oubli, et, surtout, au-delà des 10 millions d'euros fléchés sur le site de Couvron, quels engagements financiers supplémentaires seront pris par le Gouvernement en direction du département de l'Aisne, touché par une restructuration militaire juste avant de subir le fort impact de la crise économique et sociale que connaît notre pays ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, comme vous le rappelez justement, à la suite de l'annonce en juillet 2008 du plan de réforme du stationnement des armées, des mesures d'accompagnement ont été annoncées pour les sites les plus touchés par les restructurations.

En Picardie ont ainsi été mis en place deux contrats de redynamisation de site de défense, ou CRSD – le premier pour Noyon, le second, vous l'avez dit, pour Laon-Couvron –, et un PLR, ou plan local de redynamisation, pour le département de l'Oise.

Le CRSD de Laon-Couvron est l'un des plus importants de France, avec une dotation de 10 millions d'euros, d'ailleurs tout à fait justifiée.

Compte tenu des difficultés particulières déjà rencontrées par le Grand Nord-Est, le Gouvernement a estimé qu'il fallait aller plus loin qu'un CRSD et qu'une réflexion d'ensemble devait être menée sur des projets de dimension interrégionale dépassant le cadre des seules mesures d'accompagnement.

C'est cet important travail qui a été confié au préfet Hubert Blanc et qui a permis d'identifier et d'expertiser de nombreux projets porteurs de développement économique dans l'ensemble des régions du Grand Nord-Est.

Plutôt que de mettre en place un dispositif permanent de financement et de suivi spécifique de ces projets, qui serait vite apparu comme un échelon administratif supplémentaire lourd et complexe, le Gouvernement a préféré apporter une attention particulière à tous ces projets de façon concrète.

C'est ainsi que, depuis un an, le principe du grand projet de canal Seine-Nord a été arrêté et que les travaux de la deuxième phase de la ligne à grande vitesse Est, de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône et de la liaison Roissy-Picardie ont été décidés ou lancés.

D'autres projets vont être prochainement étudiés dans le cadre du réexamen des pôles de compétitivité, du soutien des grappes d'entreprises ou des pôles d'excellence rurale, projets dont nous aurons l'occasion de reparler, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Monsieur le ministre, je voudrais trouver dans votre réponse des éléments d'espoir pour un département dont je tiens, à cet instant, à souligner les caractéristiques.

Couloir d'invasions, depuis Jules César comme au temps de Napoléon, terre d'héroïsme et de sacrifices, l'Aisne ne cède ni au désespoir, ni à la fatalité, ni à l'assistanat.

Notre département exige de la solidarité nationale un juste regard et une légitime réponse aux effets conjoints de ses handicaps en matière d'infrastructures, qu'elles soient routières, ferroviaires, navigables ou aériennes, de la restructuration des services de l'État, dont la présence s'efface, et d'une crise économique dévastatrice de bassins d'emploi où les activités de production sont fragilisées et où l'absence de grands ensembles urbains limite le développement d'activités tertiaires.

Le président du tribunal de commerce de Saint-Quentin, chef d'entreprise, constatait récemment, avec désarroi et impuissance, la poursuite de la désindustrialisation du département : « Après la fin de l'industrie textile, des entreprises de manutention, de chaudronnerie et de charpente, des fonderies, des sous-traitants de l'automobile, que va-t-il rester comme industries dans l'Aisne ? », s'interrogeait-il, et la liste des sites concernés aujourd'hui par des licenciements ou des plans de sauvegarde de l'emploi démontre le bien-fondé de cette question.

S'ajoute à cela la crise de l'agriculture, qui a des effets sur toutes les productions – à l'exception peut-être de la betterave sucrière – et sur tous les secteurs de l'élevage. En 2009, le revenu des agriculteurs axonais a baissé de 34 %, ce qui le ramène au niveau de 1990.

Bilan, l'Aisne a un taux de chômage de 13 %, ce qui la place au deuxième rang des départements métropolitains !

Vous comprendrez, monsieur le ministre, notre détermination collective à exiger de la solidarité nationale une juste contribution à notre lutte quotidienne contre la désertification et la précarisation de notre territoire de vie, territoire, je l'ai souligné, lourdement chargé d'une part de l'histoire de France mais qui a la volonté et l'énergie de se tourner résolument vers l'avenir.

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