Question de M. REBSAMEN François (Côte-d'Or - SOC) publiée le 21/01/2010

M. François Rebsamen attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche
sur la question de la formation du prix des aliments peu transformés et la possible mise en oeuvre du coefficient multiplicateur.
Dans nos territoires, pas un département ni une région n'est épargné par la crise sans précédent que traverse le monde agricole. Le revenu agricole net a baissé de 20,3 % en 2008 et de 34 % en 2009, effondrement qui ramène le revenu moyen en dessous de son niveau du début des années 90. En quinze ans, ce sont près de 300 000 agriculteurs qui ont disparu.
Or, alors qu'en septembre 2009 les prix agricoles de la volaille, du porc et du lait étaient respectivement de 2,11 euros/kg, 1,34 euros/kg et 0,29 euros/l, les prix moyens dans l'agglomération dijonnaise étaient nettement supérieurs (11,86 euros/kg, 6,66 euros/kg et 0,75 euros/l). Ces écarts importants entre les prix payés par les consommateurs et les prix à la production, faute de transparence et de données publiques, restent inexpliqués.
Il semblerait que la production agricole française soit victime d'un mécanisme pervers de formation des prix et des marges indues dans la chaîne de commercialisation. À ce titre, il convient de remarquer que la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME), dont le titre II affichait la volonté de « mobiliser la concurrence comme nouveau levier de croissance », n'a fait qu'aggraver les relations déjà déséquilibrées existantes entre fournisseurs et distributeurs et ce, au détriment des agriculteurs.
Alors que la qualité des produits proposés par le monde agricole s'adapte sans cesse aux nouvelles exigences européennes et sociétales en matière de normes sanitaires et environnementales et que la consommation ne s'effrite pas quantitativement, la production française souffre de l'opacité du système conduisant à la formation des prix. Industriels et distributeurs de nombreux produits profitent des variations de prix agricoles, particulièrement des baisses, pour accroître leurs marges. Ils répercutent souvent les hausses mais rarement les baisses sur les prix affichés.
Il apparaît nécessaire de développer un système de nature réglementaire permettant d'encadrer les marges, si leur progression paraît injustifiée. En dehors de la mise en place d'une commission d'enquête parlementaire demandée par plusieurs sénateurs dans le cadre d'une proposition de loi d'initiative socialiste, la mise en œuvre du coefficient multiplicateur permettrait une répartition plus équitable de la valeur ajoutée entre fournisseurs et distributeurs. Ce dispositif introduit en 2005 qui permet à l'État de fixer un taux légal à ne pas dépasser entre le prix d'achat au fournisseur et le prix de vente au consommateur pour la vente des fruits et légumes en période de crises conjoncturelles devrait d'ailleurs être étendu à tous les produits de première nécessité, peu ou pas transformés et, au minimum, aux viandes fraîches.
Aussi, lui demande-t-il de bien vouloir lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre pour lutter contre les marges injustifiées, et notamment sa position sur l'extension aux produits alimentaires peu transformés du coefficient multiplicateur puis sa mise en œuvre effective.

- page 98


Réponse du Ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche publiée le 11/02/2010

La question de l'impact des prix agricoles dans la formation des prix alimentaires est sensible et complexe. La volatilité croissante ces dernières années des prix des matières premières agricoles et la crise que connaît aujourd'hui le monde agricole en font aujourd'hui une question majeure. Les efforts importants de productivité tant dans l'agriculture que dans l'industrie ont permis une baisse des prix agricoles et alimentaires depuis des décennies. D'une manière générale, les produits alimentaires consommés sont de plus en plus transformés, avec une valeur ajoutée croissante. Cette tendance de fond se traduit par un poids généralement plus faible du prix de la matière première agricole dans celui du produit consommé. Toutefois, le poids des produits agricoles est encore très significatif dans l'ensemble des filières des produits frais et certaines variations de prix méritent des explications. Les filières alimentaires sont nombreuses et diversifiées : elles font intervenir plusieurs intermédiaires et possèdent chacune leurs spécificités. Dès lors, l'étude des mécanismes de formation des prix au sein de la chaîne alimentaire doit se faire filière par filière. C'est pourquoi l'Observatoire des prix et des marges, qui a pour mission d'établir une plus grande transparence dans la formation des prix, a été doté en novembre 2008 d'un comité de pilotage spécifique pour les produits alimentaires. Ce comité de pilotage a pour mission la mise en place d'outils opérationnels de suivi et d'analyse des prix et des marges sur l'ensemble des maillons des filières alimentaires. Les travaux de l'Observatoire ont été publiés tout au long de l'année 2009 sur la viande de porc, les produits laitiers et les fruits et légumes frais. Accessibles à tous sur Internet, ils sont régulièrement mis à jour. Chacun peut constater que les courbes d'évolution des prix à chaque stade de la filière considérée suivent, avec certains écarts et retards à la hausse comme à la baisse, les variations des prix des matières premières agricoles, pour autant que le coût de cette matière première ait un poids significatif dans le prix du produit final. Par ailleurs, il convient de rappeler que les marges observées sont des marges brutes. L'Observatoire publie en outre une ventilation de ces marges brutes selon les charges supportées par les entreprises. Il est proposé de renforcer l'action de l'Observatoire des prix et des marges dans le cadre du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche qui sera discuté en 2010 au Parlement. Son champ sera élargi à l'ensemble des produits de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture et il étudiera les coûts de production au stade de la production agricole. Il remettra chaque année un rapport au Parlement. Enfin, l'article L. 611-4-2 du code rural introduit, en périodes de crise conjoncturelle, la possibilité d'instaurer un coefficient multiplicateur encadrant les marges des fruits et légumes périssables, par la limitation du rapport entre le prix d'achat et le prix de vente. Ce mécanisme ne garantit pas le relèvement mécanique des prix à la production, mais peut conduire à une meilleure répercussion de la baisse des prix à la production auprès du consommateur final et favoriser ainsi l'écoulement des marchandises et la régulation des marchés. L'extension du coefficient multiplicateur à l'ensemble des produits agricoles n'a pas été prévue jusqu'à ce jour par la loi.

- page 313

Page mise à jour le