Question de M. ANZIANI Alain (Gironde - SOC) publiée le 04/02/2010

M. Alain Anziani attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les difficultés rencontrées dans le déploiement du système d'information Cassiopée et sur les perturbations qu'il entraîne pour le service public de la justice.

Le projet Cassiopée (chaîne applicative supportant le système d'information opérationnel pour le pénal et les enfants) constitue le support technologique du bureau d'ordre national automatisé des procédures judiciaires, instauré par l'article 48-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007, qui permet le partage entre les différentes juridictions d'informations essentielles à la conduite de l'action publique. À ce titre, ce système d'information a été institué par le décret en Conseil d'État n° 2009-528 du 11 mai 2009, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
Après une phase pilote, la généralisation de Cassiopée a commencé en avril 2009 et se poursuivra en 2010 et 2011. Il note que les premiers utilisateurs de ce système ont rapporté à la Chancellerie d'importantes difficultés d'utilisation, ainsi que des erreurs de conception du système d'information.

Le système Cassiopée était censé centraliser toutes les informations de la chaîne pénale, être interopérable avec les autres systèmes d'information utilisés par le ministère de la justice ou par les forces de police et de gendarmerie, et au final faciliter le travail des greffes. Les premières expériences montrent au contraire que l'usage de Cassiopée se traduit par un surcroît de travail important pour les greffes, les obligeant parfois à saisir plusieurs fois les mêmes dossiers. Surtout, la conception même de Cassiopée est en cause, puisque ce système méconnaît des aspects importants de la procédure pénale.

Il est incompréhensible que ce système ait été généralisé, alors même que les premiers tests n'étaient pas concluants. Malgré la mis en place d'un Observatoire du déploiement de Cassiopée, les organisations syndicales déplorent toujours le manque d'écoute des responsables du pilotage de ce projet. Par ailleurs, la généralisation de Cassiopée semble d'autant plus prématurée que la conception même de ce système et son adaptation à la chaîne pénale seront remises en cause par la prochaine réforme de la procédure pénale.

En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'elle entend prendre afin de remédier à l'accroissement du temps de traitement des dossiers par les greffes engendrés par l'utilisation de ce système d'information. Il demande également que lui soient précisé le coût estimé de l'adaptation future de Cassiopée à la réforme de la procédure pénale. S'agissant d'un enjeu financier majeur, il souhaite enfin que lui soient communiquées les mesures prises à l'égard du prestataire de service, qui semble avoir largement ignoré les erreurs de conception rapportées par les agents du service public de la justice.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 24/06/2010

La généralisation du logiciel Cassiopée a commencé en avril 2009. Au 15 mai 2010, 115 tribunaux de grande instance sont équipés de cette nouvelle application pénale. Le nouveau système remplace des logiciels qui ont vingt années d'existence. À cet égard, l'obsolescence technique de ces derniers rend impossible leur évolution résultant d'une réforme majeure de la procédure pénale. C'est pourquoi, seule la mise en place du système Cassiopée est de nature à pouvoir garantir la mise à jour législative des outils informatiques des juridictions dans les délais impartis. S'agissant d'une application nationale, la charge de ces mises à jour sera donc être systématiquement intégrée dans le cadre des études d'impacts globales diligentées par le ministère. Par ailleurs, les cours d'appel ne supporteront plus le coût budgétaire lié à la maintenance de certaines applications locales. Le coût des évolutions de Cassiopée est estimé à une somme comprise entre 3 et 5 M€. La mise en place de la première version de ce logiciel a en effet suscité certaines difficultés, notamment en raison de la reprise des données rendue nécessaire par la mise en oeuvre du Bureau d'ordre national prévu à l'article 48-1 du code de procédure pénale. Il est également exact que la première phase du déploiement a connu des problèmes techniques significatifs liés à l'importance de la montée en charge. Enfin, il a été constaté lors des premières implantations certaines insuffisances du dispositif de formation et d'assistance aux utilisateurs. Compte tenu de ces constatations, un plan d'actions très dynamique a été engagé afin d'apporter des solutions à ces problèmes. Fin 2009, les serveurs de production ont été renouvelés. Une nette amélioration des temps de réponses a alors été constatée. Depuis, un plan préventif a été mis en oeuvre avec la programmation de nouvelles opérations pour sécuriser la poursuite du déploiement et l'implantation des grandes juridictions à venir. Par ailleurs, la conception des nouvelles versions évolutives du logiciel procède désormais d'une expression de besoins effectuée en lien étroit avec les juridictions implantées, notamment les tribunaux de grande instance de Bordeaux, Amiens et Évreux. Une refonte du système d'édition est programmée pour cette année afin de proposer aux utilisateurs des « trames » plus aisément adaptables. Les plans de formation des utilisateurs ont été réajustés tandis que l'École nationale des greffes (ENG) a été placée au centre de la politique de formation continue des utilisateurs. Dotée d'une plate-forme de formation autonome depuis décembre 2009, elle anime le réseau des services administratifs régionaux des cours d'appel chargés de mettre en place des actions pédagogiques à l'échelon déconcentré. Des sessions de formation sont également proposées aux magistrats par l'École nationale de la magistrature (ENM). Les actions de conduite du changement ont été largement étoffées. Des réunions préparatoires axées sur l'impact organisationnel de Cassiopée sont proposées aux juridictions. Un référentiel d'implantation, déclinant les bonnes pratiques et proposant des conseils méthodologiques, a été diffusé. Des actions de retour sur site de l'équipe projet sont organisées pour les TGI présentant des difficultés particulières ou souhaitant s'engager dans un projet de service. Au plan contractuel, les services du ministère veillent avec rigueur au respect des engagements du prestataire. Il convient de rappeler qu'un appel d'offres ouvert, lancé à la fin de l'année 2009, a donné lieu à l'attribution du marché de maintenance à la société GFI, et ce depuis le 7 mai 2010. Au-delà des difficultés provisoires liées à l'implantation, les grandes potentialités du système seront concrètement perceptibles dans les prochains mois. Ainsi, les premiers échanges automatisés avec les services de la gendarmerie, notamment pour mettre à jour les fichiers de police, seront opérationnels dès le premier trimestre 2011.

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