Question de Mme DEMONTÈS Christiane (Rhône - SOC) publiée le 04/03/2010

Mme Christiane Demontès attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les suicides en prison.
Depuis le début de l'année 2010, nous comptabilisons malheureusement 19 suicides ou morts suspectes en prison. Ce chiffre dramatique démontre qu'il est urgent d'instaurer une politique garantissant le droit à la vie en milieu carcéral. Au reste, l'ensemble des études démontre qu'il existe des périodes de particulière vulnérabilité dans le parcours d'un détenu. Ainsi, outre la période d'entrée en détention, celle du jugement, comme celle de mise en quartier disciplinaire ou bien encore celle postérieure à une tentative de suicide ou d'automutilation apparaissent comme particulièrement sensibles.
Aussi elle lui demande quelles dispositions elle compte très rapidement prendre afin que ces périodes spécifiques soient prises en considération et que ces trop nombreux drames cessent.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 27/05/2010

Le phénomène du suicide dans les prisons françaises constitue une des préoccupations principales du ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. L'administration pénitentiaire mène une politique de prévention des suicides à destination des personnes incarcérées depuis de nombreuses années. Elle a renforcé son action depuis 2002, date de la première circulaire interministérielle et 2004, à la suite du rapport du professeur Terra, missionné conjointement par le garde des sceaux et le ministre chargé de la santé. Le 18 août 2009, le ministre d'État a clairement affirmé sa volonté d'action avec une mise en oeuvre immédiate et renforcée des vingt recommandations contenues dans le rapport de la commission d'experts sur la prévention des suicides en milieu carcéral rendu en avril 2009. Au-delà de ces mesures, le ministre d'État a souhaité développer une politique pluridisciplinaire avec l'ensemble des personnels pénitentiaires et médicaux, ainsi qu'avec tous les acteurs de la vie carcérale : bénévoles, intervenants divers, familles et codétenus. Ce plan d'actions s'ordonne autour de cinq grands axes : la formation du personnel pénitentiaire face au risque de suicide (en ciblant en priorité l'ensemble des personnels affectés dans les quartiers de détention spécifiques) ; l'application de mesures particulières pour les détenus les plus fragiles, avec la mise en oeuvre généralisée de matériel adapté (cellules de protections d'urgence ou sécurisées, dotations de protection d'urgence composées de couvertures indéchirables et de vêtements jetables, interphones) ; l'humanisation de l'univers carcéral avec la mise en place de mesures particulières pour les quartiers disciplinaires (développement de l'accès au téléphone notamment) ; le développement des expérimentations (les « codétenus de soutien » et l'installation de la vidéosurveillance) ; le développement des activités en détention. Les dispositifs retenus tiennent compte d'expériences d'autres pays européens qui ont démontré leur efficacité à l'aune de la baisse du nombre de suicides en détention. Ils correspondent à la nécessité d'une prise en charge de la personne détenue présentant un risque suicidaire par l'ensemble de la « communauté carcérale ». Par ailleurs, l'incarcération est une phase identifiée où le risque de passage à l'acte suicidaire est plus important. Aussi, dans une logique d'atténuation du choc carcéral, l'accueil des arrivants fait l'objet d'un dispositif particulier. Ainsi, la première partie du référentiel d'application des règles pénitentiaires européennes (RPE) y est consacrée. Elle se compose de trois engagements directeurs : la mise en place d'un dispositif particulier d'accueil, la prise en charge individuelle et l'observation des détenus arrivants ainsi que l'établissement d'un bilan personnalisé effectué par la commission pluridisciplinaire unique. Les circuits arrivants des établissements pénitentiaires font l'objet d'une évaluation dans le but d'aboutir à leur labellisation par un organisme certificateur extérieur. S'agissant d'une zone de détention sensible, les agents pénitentiaires qui y sont affectés sont prioritairement formés (formation sous le format TERRA) ou sensibilisés sur la thématique de prévention des suicides. En outre, le plan d'actions prévention suicide prévoit l'utilisation de la grille d'évaluation du potentiel suicidaire. Cet outil est systématiquement employé dans tous les établissements, dotés ou non de quartier arrivants, et permet de repérer la vulnérabilité de la personne détenue face au risque suicidaire. Cette grille a vocation à être actualisée tout au long de la détention, et notamment à d'autres moments clefs pouvant entraîner une fragilisation de la personne détenue face au risque suicidaire, telle que l'approche du procès ou la libération de personnes soumises à une longue incarcération. Dans ces cas, une nouvelle évaluation est encouragée. Plus spécifiquement, le plan d'actions prévoit de systématiser la prise en considération du risque suicidaire au moment du placement au quartier disciplinaire. Afin de détecter un éventuel risque de passage à l'acte et de réduire les tensions chez les personnes détenues, une procédure d'accueil adaptée à ce régime est mise en place. Un entretien est réalisé par un officier ou gradé avec remise d'un livret relatif aux droits et obligations. La généralisation de la remise d'une radio et de l'accès au téléphone pour les détenus condamnés placés au quartier disciplinaire a également un but d'apaisement. Ces mesures permettent indirectement de prévenir l'angoisse et le risque suicidaire.

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