Question de M. PLANCADE Jean-Pierre (Haute-Garonne - RDSE) publiée le 26/05/2010

Question posée en séance publique le 25/05/2010

Concerne le thème : Pouvoir et médias

M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le ministre, ma question porte sur le système de distribution de la presse en France et plus précisément sur la loi Bichet du 2 avril 1947, qui organise cette distribution. Derrière question apparemment technique, se cache en réalité le problème des conditions concrètes d'exercice de la liberté de diffusion de la presse.

Je rappellerai brièvement, pour mémoire, que cette loi fixe les trois principes fondamentaux qui régissent cette distribution : la liberté de choix de l'éditeur, qui a le doit de distribuer lui-même ses propres journaux ou de les faire distribuer par des sociétés coopératives de messageries ; l'égalité de traitement des éditeurs face au système de distribution ; la solidarité entre éditeurs et coopérateurs, réalisée grâce au groupage et à la mise en commun des moyens nécessaires à la distribution des titres.

Au regard de ces principes, la loi interdit donc l'exclusion d'un éditeur ou d'un titre déjà existant ou encore en phase de lancement. Elle interdit également la libre négociation tarifaire du distributeur avec les éditeurs. Elle exige l'égalité de traitement des titres distribués.

Cependant, certaines voix s'élèvent pour demander une relecture, voire une abrogation de la loi Bichet, en invoquant notamment le fait que ce sont les titres rentables qui supportent la distribution de ceux qui le sont moins ou encore qu'ils ne peuvent pas s'associer avec d'autres titres. On entend même que les devantures des marchands de journaux seraient si encombrées que les clients ne s'y retrouveraient plus…

D'autres, à l'inverse, insistent sur le caractère indispensable de la loi Bichet, sans laquelle un très grand nombre de journaux disparaîtraient et qui a le mérite de permettre la création constante de nouveaux journaux.

Les états généraux de la presse écrite ont permis de constater que, si la loi n'était globalement pas un handicap, son application et les conditions de la gouvernance de la distribution pourraient être modernisées.

Quelle est aujourd'hui la position du Gouvernement sur ce point ? Envisage-t-il une réforme de la distribution de la presse et de la loi Bichet ?

Il me paraît indispensable de concilier le pluralisme et la diversité de la presse en France, même si j'ai pleinement conscience qu'à l'heure du numérique une autre révolution se prépare.


Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 26/05/2010

Réponse apportée en séance publique le 25/05/2010

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Plancade, à l'issue des états généraux de la presse, à l'automne 2008, il a été largement admis que la loi Bichet avait permis de respecter le pluralisme et la diversité de l'information en France.

Comme vous l'avez rappelé, les trois grands principes posés par la loi Bichet – la liberté de choix de l'éditeur, l'égalité des éditeurs face au système de distribution, la solidarité entre éditeurs et coopérateurs – demeurent essentiels.

En revanche, la question d'une meilleure gouvernance, aujourd'hui garantie par le Conseil supérieur des messageries de presse – CSMP –, a été posée. Le bien-fondé des propositions faites à l'issue des états généraux a, quant à lui, été confirmé par les derniers événements liés à la nécessité du redressement de Presstalis.

Le Président de la République, en clôturant les états généraux de la presse, a regretté que le conseil supérieur des messageries de presse ne bénéficie plus de la confiance nécessaire pour mener à bien sa mission de régulation du système coopératif de distribution de presse. Il a souhaité que son fonctionnement soit revu en profondeur, afin de donner une nouvelle impulsion au développement du réseau de distribution de presse.

Votre allusion à la situation des kiosques a retenu toute mon attention. Un rapport très récent de la mission chargée d'étudier la situation de Presstalis, dit « rapport Mettling », contient d'intéressantes propositions pour rénover le Conseil supérieur des messageries de presse. Partant des propositions d'un précédent rapport de M. Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence, ce nouveau rapport les a quelque peu amendées, afin de recueillir l'accord de la profession, qui y voit une des conditions sine qua non au redressement de toute la filière.

Le projet préconise de maintenir un collège professionnel au sein du CSMP actuel, tout en renouvelant ses missions et ses règles de représentation. Reprenant les préconisations du rapport Lasserre, il modifie substantiellement la composition du Conseil, en lui conférant le caractère d'une instance professionnelle, c'est-à-dire écartant toute représentation de l'État en son sein.

À côté de cette instance professionnelle, il crée une structure de règlement des conflits en cas d'échec de la médiation : l'autorité indépendante.

Il s'agit donc bien aujourd'hui de moderniser la loi Bichet sans remettre en cause les principes fondateurs qu'elle a posés.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Plancade. Merci, monsieur le ministre, de m'avoir apporté ces précisions fort utiles, après que nous avons, nous aussi, les uns et les autres, reçu des organismes de distribution de presse et des syndicats.

Même si nous mesurons bien la nécessité de réformer le système – cela a été dit de manière unanime à l'occasion des états généraux –, nous avons conscience que, au-delà de cette réforme technique, il y a un enjeu politique, celui de la liberté de la diffusion de la presse.

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