Question de M. KERDRAON Ronan (Côtes-d'Armor - SOC) publiée le 18/06/2010

Question posée en séance publique le 17/06/2010

M. Ronan Kerdraon. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi. Je tiens à y associer mon collègue Claude Jeannerot, sénateur du Doubs.

Les derniers chiffres disponibles, ceux du mois d'avril dernier, montrent une nouvelle hausse du nombre des demandeurs d'emploi, qui s'est accru de plus de 10 % en un an. Parallèlement, la qualité de l'emploi se dégrade : huit recrutements sur dix se font avec des contrats précaires. L'intérim représente 15 % du travail salarié. Le chômage de longue durée explose : il a augmenté de 31,4 % en un an.

Ironie de l'histoire, c'est Pôle emploi qui incarne cette sombre situation. En effet, monsieur le secrétaire d'État, comment pouvez-vous parler de politique de l'emploi et continuer à fermer les yeux sur ce qui se passe au sein de ce service public ?

Face à l'augmentation du nombre des dossiers de demandeurs d'emploi, cette institution multiplie les embauches précaires. Sur certains sites, la proportion des contrats de ce type atteint 20 % !

M. Guy Fischer. C'est scandaleux !

M. Ronan Kerdraon. Et ce sont ces agents, formés à la va-vite, par manque de temps, qui se retrouvent en première ligne face aux demandeurs d'emploi.

Quelle absurdité ! Pôle emploi est censé lutter contre la précarité ; or il l'entretient en son sein ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est la vérité !

M. Roland Courteau. Absolument !

M. Ronan Kerdraon. Lors de la fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC, qui, rappelons-le, a été menée au pas de charge et sans concertation avec les personnels, le Gouvernement s'était engagé à donner à Pôle emploi les moyens de réduire à soixante le nombre des chômeurs suivis par chacun des agents. Or, aujourd'hui, ces derniers gèrent en moyenne deux cents dossiers. C'est intenable !

En outre, le Gouvernement envisage la suppression de huit cents postes par an dès 2011 !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On veut rouvrir les bureaux de placement !

M. Ronan Kerdraon. Monsieur le secrétaire d'État, vous participez activement à la montée du chômage ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Guy Fischer. C'est scandaleux !

M. Ronan Kerdraon. Où est la logique ? D'une part, vous annoncez faire de la lutte contre le mal-être au travail une priorité gouvernementale,…

M. Guy Fischer. C'est faux !

M. Ronan Kerdraon. … et, d'autre part, vous refusez de prendre au sérieux la surcharge de travail des agents de Pôle emploi.

En outre, le Gouvernement a fait le choix d'encourager la sous-traitance des chômeurs.

M. Guy Fischer. C'est une honte !

M. Ronan Kerdraon. Nombre d'entre eux sont envoyés dans des bureaux de placement privés, qui utilisent eux-mêmes des salariés en CDD.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'était l'objectif !

M. Ronan Kerdraon. Pour chaque chômeur placé, Pôle emploi verse 7 000 euros à ces officines. Voilà à quoi servent les cotisations chômage ! Et aujourd'hui, nous apprenons que l'État n'a pas versé à Pôle emploi la totalité de la dotation financière qu'il lui doit par contrat. Vous réalisez ainsi une économie de 187 millions d'euros !

Cette situation est inacceptable et contre-productive, pour les agents comme pour les demandeurs d'emplois. Comme d'habitude, il existe une contradiction flagrante entre les promesses, les discours et la réalité ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Tout à fait !

M. Ronan Kerdraon. Dès lors, monsieur le secrétaire d'État, quand mettrez-vous un terme au démantèlement du service public de l'emploi et prendrez-vous, enfin, toutes les mesures qui s'imposent pour éviter que Pôle emploi ne devienne un nouveau France Télécom ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Protestations sur les travées de l'UMP.)

- page 4903


Réponse du Secrétariat d'État chargé de l'emploi publiée le 18/06/2010

Réponse apportée en séance publique le 17/06/2010

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Guy Fischer. Il n'est pas fier !

Mme Nicole Bricq. Cela ne va pas être facile pour lui !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d'abord de rendre hommage – je crois que nous pouvons tous, quelle que soit notre sensibilité politique, nous rejoindre sur ce point – aux agents de Pôle emploi, qui, quotidiennement, dans un contexte très difficile (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG),…

M. Roland Courteau. Quelle hypocrisie !

M. David Assouline. Quelle langue de bois !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous les désorganisez et ensuite vous pleurez sur leur sort !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, j'ose espérer que nous avons tous ici de la considération pour ces agents ! Quotidiennement, dans un contexte très difficile, disais-je, ils font face au problème du chômage et assurent leur mission de service public.

M. Guy Fischer. Ils se souviendront de vos propos !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Ensuite, il faut avoir un peu de mémoire.

M. Alain Gournac. Eh oui !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Sur ce dossier, je vous le rappelle, les majorités successives ont calé ; toutes ont échoué à réaliser une réforme qui était pourtant jugée indispensable, à savoir le rapprochement de l'indemnisation et du placement.

Pour faire cet effort de mémoire, il suffit de revenir à 1993. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Guy Fischer. Répondez à la question !

Mme Nicole Bricq. Parlez des réalités !

M. Claude Bérit-Débat. Rappelez-vous, nous sommes en 2010 !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. À cette époque sévissait une crise bien moins forte que celle que nous connaissons aujourd'hui. Pourtant, d'une part, certaines indemnisations n'avaient pas été versées dans les temps, et, d'autre part, des agences de l'ANPE étaient fermées ! (Protestations continues sur les mêmes travées.)

Mme Nicole Bricq. Arrêtez de nous donner des leçons !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La question !

M. Guy Fischer. Répondez aux agents de Pôle emploi !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Certains demandeurs d'emploi faisaient la queue dans la rue.

M. Charles Pasqua. Laissez donc parler M. le secrétaire d'État !

M. le président. Mes chers collègues, veuillez écouter la réponse !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Bien sûr, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne prétends pas que les réponses apportées par Pôle emploi aient permis de surmonter complètement la crise, qui est l'un des chocs les plus importants des cinquante dernières années. Toutefois, ce qui est certain, c'est que Pôle emploi nous a assuré une meilleure présence territoriale. (C'est faux ! sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Aucun d'entre vous ne peut affirmer que des agences ont été fermées !

Aujourd'hui, 95 % de la population vit à proximité d'une agence Pôle emploi. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Roland Courteau. Je croyais que c'était ringard, la proximité !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Pour les demandeurs d'emploi, accéder en un même lieu à l'indemnisation et à l'offre de placement représente un avantage considérable.

M. Guy Fischer. Vous méprisez les chômeurs !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et les fonctionnaires !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Rappelez-vous la situation antérieure : un demandeur d'emploi devait parfois parcourir cinquante kilomètres pour aller d'une agence à l'autre.

M. Paul Raoult. C'est plutôt ce qui se passe aujourd'hui !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Souvenez-vous également qu'organiser deux rendez-vous le même jour permet parfois de gagner entre deux et trois semaines dans l'accompagnement d'un demandeur d'emploi.

M. Roland Courteau. Allez le dire aux chômeurs ! Déplacez-vous dans une agence !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Enfin, je voudrais souligner que Pôle emploi, dans la période récente, nous a permis d'apporter un certain nombre de réponses qui n'auraient pas existé sans lui.

Le dispositif « zéro charge » dans les très petites entreprises, qui a permis plus d'un million d'embauches, a été géré par Pôle emploi. L'accompagnement des salariés licenciés, qu'avaient souhaité les partenaires sociaux, dans le cadre du CTP, le contrat de transition professionnelle, ou de la CRP, la convention de reclassement personnalisée, a lui aussi été permis par les agents de Pôle emploi.

M. Roland Courteau. Chacun d'entre eux a en moyenne deux cents dossiers à gérer !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et vous voulez supprimer Pôle emploi !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Pardonnez ma franchise, mais il est plus facile de critiquer les réformes que l'on n'a pas eu le courage d'entreprendre que de soutenir celles qui sont nécessaires ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Roland Courteau. Assumez donc vos responsabilités !

Mme Nicole Bricq. Quel brillant secrétaire d'État…

- page 4903

Page mise à jour le