Question de M. BLANC Jacques (Lozère - UMP) publiée le 10/06/2010

M. Jacques Blanc appelle l'attention de M. le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire sur l'avenir des zones de revitalisation rurale, créées par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

Plusieurs éléments pourraient laisser croire à une remise en cause du dispositif, en témoigne une nouvelle étude publiée par l'INSEE en mai dernier, relevant que le dispositif d'exonération fiscale des ZRR n'aurait pas d'effet significatif sur l'emploi, ni sur la création d'établissements dans les zones rurales défavorisées. Les données sur lesquelles l'analyse est fondée, hormis leur grande complexité, datent des années 1990-2000. Dix ans après, il pourrait être légitime de se demander si cette analyse reste valable, ce d'autant plus que les critères de classement des communes en ZRR ont évolué, notamment avec la suppression en 2008 des exonérations pour les nouveaux contrats dans les organismes d'intérêt général (OIG). Ainsi, d'une part, la carte des ZRR est révisée chaque année, sans être assortie de délais transitoires pour les entreprises situées sur des communes sorties du classement et d'autre part, les critères de classement, notamment sur la population active, ne tiennent pas compte de la population permanente et englobe donc les saisonniers.

Par ailleurs, l'évaluation qui devait être présentée au Parlement, publiée en janvier 2010, fait état de la difficulté d'une évaluation fine compte tenu des statistiques à disposition et de leur ancienneté, mais aussi de la lisibilité du dispositif concurrencé par de nombreuses autres exonérations de cotisations sociales de droit commun (bas salaires, entreprises de moins de 10 salariés..).

S'il est vrai que le dispositif ZRR, très restrictif, pourrait certainement être amélioré et mieux accompagné sur le terrain par une ingénierie adaptée, il a néanmoins fait ses preuves et notamment dans les départements de montagne comme celui de la Lozère. Un département qui a été exclu de certaines politiques d'aides à l'investissement telles que la prime d'aménagement du territoire (PAT) et les aides à finalité régionale (AFR) et qui se retrouve de fait soumis à une forte concurrence par rapport à d'autres départements en matière d'attractivité.

Le soutien à l'emploi que représente les ZRR est essentiel, et ce aussi bien dans le commerce et l'artisanat, que dans l'agriculture ou dans le secteur de la santé et du médico-social. En Lozère, les exonérations fiscales et sociales accordées ont ainsi permis de créer ou de maintenir de nombreux emplois – par exemple 222 ETP dans le secteur médico-social en 2007 – et de réaliser un certain nombre d'investissements dans les établissements. Ce dispositif représente donc un facteur primordial de développement économique pour les départements fragiles. L'Association nationale des élus de la montagne (Anem), qui a réalisé une enquête en la matière auprès des départements de montagne en 2009, a confirmé l'intérêt des exonérations des ZRR en termes de création mais aussi de maintien des emplois dans les territoires concernés.

Aussi, il souhaiterait connaître ses intentions sur cette problématique, qui mériterait un vrai débat au Parlement, bien en amont du prochain projet de loi de finances et du futur classement des communes en ZRR et savoir si les acquis vont être confortés, notamment pour les OIG.

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Réponse du Ministère de l'espace rural et de l'aménagement du territoire publiée le 16/06/2010

Réponse apportée en séance publique le 15/06/2010

M. Jacques Blanc. Monsieur le ministre, votre nomination, s'ajoutant aux déclarations du Président de la République, aux engagements du Gouvernement et du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, ont suscité une grande espérance chez tous ceux qui, comme moi, se préoccupent de l'avenir des espaces ruraux.

Or une inquiétude se fait jour, car des bruits courent quant à une éventuelle remise en cause du dispositif des zones de revitalisation rurale, les ZRR, créé par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, puis complété par diverses dispositions.

Au prétexte qu'il est difficile d'évaluer les effets directs de ce dispositif sur l'emploi – et même si tous les rapports indiquent que les résultats obtenus sont incontestablement très positifs en termes de maintien d'emplois, sinon de création d'emplois nouveaux ! –, il serait question de supprimer plusieurs mesures dont bénéficient les ZRR.

C'est le cas, ainsi, de l'exonération de cotisations sociales qui s'applique à toutes les entreprises implantées dans ces zones, pour une durée de douze mois, ainsi qu'aux entreprises de moins de cinquante salariés. Une autre mesure concernée serait l'exonération de cotisations sociales applicable aux organismes d'intérêt général implantés dans les ZRR.

La preuve a pourtant été apportée de l'efficacité de ces dispositions ! Je vous invite à revenir en Lozère, où vous êtes toujours le bienvenu, monsieur le ministre. Vous verrez que ces mesures ont permis de maintenir l'activité dans les établissements sanitaires et sociaux, et médico-sociaux, et de créer de nouveaux emplois. Je précise que toutes ces activités sont autorisées, contrairement à ce qu'on laisse entendre dans un certain rapport. Dans le secteur médico-social, vous le savez comme moi, il faut obtenir des autorisations !

Ma question, monsieur le ministre, est très précise. Les engagements pris par l'État, modifiés en 2008 – une extinction en sifflet des mesures d'exonération en faveur des organismes d'intérêt général a alors été prévue –, seront-ils tenus ? Et si ces dispositions, qui ont incontestablement permis de maintenir des activités pour lesquelles les financements de l'État et de l'assurance maladie n'étaient pas suffisants, sont remises en cause, quelles mesures financières prendrez-vous alors pour compenser leur suppression ? L'inquiétude est grande. Après les déclarations fortes du Gouvernement en faveur du développement rural, ce geste serait très mal perçu.

Quelles sont les intentions du Gouvernement, monsieur le ministre ? S'il devait y avoir refonte de ces dispositifs, le Parlement devrait en être saisi, car c'est sur son initiative que ces derniers ont été mis en place.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, les zones de revitalisation rurale ont permis le développement de nombre de territoires ruraux. Leur création constitue donc une réussite, confirmée par l'évaluation conjointe de l'Inspection générale des affaires sociales, de l'Inspection générale des finances, du conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux, ainsi que du conseil général de l'environnement et du développement durable, évaluation qui a donné lieu à un rapport rendu public dès le début de cette année.

Le dispositif des ZRR concerne environ un tiers des communes françaises représentant 8 % de la population. Les entreprises installées dans ces zones et, depuis 2005, les organismes d'intérêt général bénéficient d'exonérations des cotisations sociales patronales et d'exonérations fiscales. Ces allégements s'élevaient à 511 millions d'euros en 2008 – somme extrêmement importante –, dont 409 millions d'euros d'exonérations sociales. Ainsi, cette même année, la Lozère a profité de près de 18 millions d'euros d'exonérations au titre des seules exonérations accordées aux organismes d'intérêt général.

Le Gouvernement estime que ce dispositif est particulièrement utile dans les territoires les moins peuplés – c'est le cas des zones de montagne –, souvent isolés et fragiles économiquement. C'est pourquoi, lors du CIADT du 11 mai dernier, présidé par le Premier ministre, plusieurs décisions importantes relatives aux ZRR ont été entérinées.

Tout d'abord, le dispositif en faveur de la création d'entreprises sera poursuivi : la durée du bénéfice de l'exonération fiscale sera fixée à huit ans et concernera les entreprises de moins de dix salariés. Cette modification sera présentée au Parlement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011.

Ce dispositif sera également élargi aux transmissions-reprises d'entreprises en zones de revitalisation rurale. En effet, une part importante du développement des territoires ruraux est endogène : la reprise et le développement d'activités, portés ou non par des entreprises nouvelles, y jouent un rôle déterminant. Cette mesure répond à l'une des demandes récurrentes formulées lors des assises des territoires ruraux. Elle sera également incluse dans le projet de loi de finances pour 2011

Enfin, conformément à une décision prise lors du CIADT, je suis chargé de proposer, d'ici à la fin de l'année, les évolutions relatives aux critères de zonage des ZRR, évolutions faisant suite aux derniers recensements. Ce travail devra être associé à la plus large concertation possible ; il devra être conduit en étroite collaboration avec le Parlement, qui décidera in fine, et les associations d'élus directement concernées par cette problématique, telle l'association nationale des élus de la montagne, l'ANEM, qui connaît bien le sujet. Je commencerai ce travail dès la rentrée.

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Je souscris à vos propos, monsieur le ministre : le dispositif des ZRR est une réussite. Or lorsqu'un dispositif fonctionne, point n'est besoin de le remettre en cause ; mieux vaut le conserver tel quel.

Cependant, monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à ma question précise relative aux exonérations en faveur des organismes d'intérêt général. Ce système constitue en Lozère un atout exceptionnel au service des personnes handicapées, des personnes rejetées par la société : il leur permet d'avoir des conditions de vie et d'épanouissement qu'elles ne trouveraient pas ailleurs. Je vous demande donc d'intégrer à la réflexion préalable à vos propositions la nécessité de ne pas « casser » un dispositif qui fonctionne.

Et si, contrairement à ce que je souhaite – je me bats à cet égard –, étaient remis en cause les engagements pris à l'occasion de la loi de finances de 2008, à savoir le maintien des exonérations acquises, maintien qui a été pris en compte pour la préparation des budgets, il faudrait alors prévoir des compensations financières en parallèle.

Comme vous l'avez indiqué, la Lozère a bénéficié d'exonérations à hauteur d'environ 18 millions d'euros au titre des dispositions octroyées aux établissements médico-sociaux. La suppression, demain, de ces exonérations constituerait une catastrophe ! On ne pourrait alors plus répondre aux besoins et apporter ce supplément de vie dont l'espace rural a besoin.

De grâce, monsieur le ministre, plutôt que les technocrates qui vous expliqueront que le dispositif ne sert à rien alors que celui-ci a permis le maintien d'activités, écoutez les parlementaires qui soutiennent l'action médico-sociale et le maintien de la vie dans les espaces ruraux !

L'ANEM est extrêmement mobilisée à cet égard. Je tiens d'ailleurs en cet instant à remercier votre cabinet d'avoir reçu des représentants de cette association, lesquels ont pu exprimer à cette occasion la très grande inquiétude de tous les élus de la montagne.

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