Question de Mme BLONDIN Maryvonne (Finistère - SOC) publiée le 03/06/2010

Mme Maryvonne Blondin attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les orientations actuelles de la politique pénitentiaire française.

Alors que la France s'enorgueillit d'être la nation des droits de l'homme dans toutes les instances internationales, le Comité contre la torture des Nations Unies a récemment rendu un rapport faisant état notamment de ses préoccupations au regard de la surpopulation carcérale en France, observations qui apparaissent comme un véritable désaveu de la politique pénitentiaire mise en œuvre depuis 2005 et consacrée par la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

La conception actuelle de notre système carcéral doit être rapidement remise en cause. La rétention de sûreté et l'instauration des régimes de détention différenciés, en plus de porter atteinte au principe de légalité pénale et d'être arbitraires, sont considérées par les Nations Unies comme pouvant être constitutives de « peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Elles doivent être abrogées. La pratique généralisée de fouilles corporelles, irrespectueuses et intrusives, doit être encadrée strictement. La généralisation de la pratique de l'isolement doit être stoppée. Enfin, les suspicions de « mauvais traitements infligés par des agents à des détenus » doivent cesser.

Le 10 mars dernier, Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, se déclarait « très pessimiste » sur les nouvelles prisons, ouvertes en 2009, dont la conception architecturale ainsi que la concentration de la population carcérale seraient de nature à favoriser une hausse de l'agressivité et de la violence. En condamnant fermement la déshumanisation de ces nouvelles structures, il a mis en garde nos institutions contre la détérioration des relations humaines, à l'origine de la « multiplication des frustrations », et par conséquent d'un accroissement de l'agressivité des détenus, engendrant inévitablement « violence contre soi et contre autrui ».

Dix-huit établissements nouveaux doivent ouvrir d'ici 2017, dont onze d'ici 2015. Il est urgent que le Gouvernement prenne en compte ces mises en garde, afin de ne pas persister dans ses erreurs en recréant les mêmes conditions carcérales difficiles dans les prochains établissements. Elle lui demande par conséquent quelles suites elle entend donner à ces recommandations du Comité contre la torture et quelles mesures elle entend prendre pour améliorer les conditions carcérales dans les futurs établissements.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 26/08/2010

La situation actuelle est liée à une insuffisante prise en compte des besoins dans les années antérieures. Depuis 2002, et encore plus depuis 2007, un important effort de construction a été réalisé. C'est ainsi que l'ouverture de vingt-quatre établissements a été décidée ; sept l'ont été au cours de l'année 2009. Cet effort se poursuivra en 2012 avec un nouveau programme. À ce titre, 5 000 places supplémentaires seront créées, comme le Président de la République l'a annoncée, et environ 10 000 places vétustes seront, parallèlement, fermées. Il est prévu la construction de vingt-trois nouveaux établissements et la réhabilitation de trois établissements existants, à l'échéance de 2017. La loi pénitentiaire votée le 24 novembre 2009 a fixé les éléments nécessaires à une nette amélioration de la prise en compte des détenus. L'administration pénitentiaire a élaboré un concept d'établissements à réinsertion active, qui s'articule autour du principal objectif, celui d'adapter les prisons à la lutte contre la récidive ; il prend également en compte la différence entre les personnes détenues, leur profil, leur dangerosité et leur capacité de réinsertion. Le taux d'encellulement individuel sera de 95 % et la taille des cellules sera conçue de sorte à rendre impossible leur doublement. Une grande attention sera apportée à la conception des quartiers d'hébergement : ceux-ci seront dimensionnés à taille humaine (160 places) et bénéficieront de davantage de lumière naturelle. Par ailleurs, les cours de promenade seront végétalisées et leur surface sera augmentée. L'application des régimes différenciés interviendra dans le cadre du respect des droits et devoirs des détenus prévus par la loi. Dès l'arrivée en détention de chaque personne détenue, des entretiens auront pour objet d'évaluer sa personnalité, sa dangerosité et sa volonté de réinsertion, afin d'adapter le mode de prise en charge. Il est ainsi prévu deux modes de détention : un mode dit « ouvert », fondé sur la libre circulation du détenu au sein du quartier, et un mode dit « fermé ». Cette philosophie correspond totalement aux règles pénitentiaires européennes. En outre, il est prévu de développer les surfaces dédiées aux activités socio-culturelles, sportives, scolaires et professionnelles, de manière à offrir cinq heures d'activités par jour aux détenus. La prise en charge des détenus présentant des troubles mentaux sera améliorée avec la création systématique de locaux pour les services de psychiatrie au sein des unités de consultations et de soins ambulatoires. Les liens familiaux seront préservés. Chaque établissement sera doté d'unités de vie familiale ou de parloirs familiaux afin de favoriser les rencontres longues entre la personne détenue et sa famille. Un effort particulier sera réalisé pour l'amélioration de la qualité de l'aménagement des parloirs familles et avocats. La conception de ces futurs établissements à réinsertion active intègre les exigences de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 et des règles pénitentiaires européennes. Elle va dans le sens d'un service public pénitentiaire plus respectueux des publics pris en charge. Une place plus importante sera réservée aux espaces d'activités et la configuration de ces nouvelles structures renforcera les liens humains entre les surveillants et les personnes détenues.

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