Question de M. MIRASSOU Jean-Jacques (Haute-Garonne - SOC) publiée le 08/07/2010

M. Jean-Jacques Mirassou attire l'attention de M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique sur le devenir de la médecine du travail. Alors qu'un rapport particulièrement alarmant sur la situation et l'avenir de la médecine du travail a été remis au Gouvernement au mois de mai 2010, il ne fait pas mystère de son souhait de relever l'âge légal de départ à la retraite et d'allonger la durée de cotisation des salariés.

Cette volonté pose de manière plus « aiguë » que jamais la question de la prévention des problèmes de santé au travail, de la promotion de bonnes conditions d'exercice de sa profession pour tout un chacun, et de lutte contre le harcèlement, pour une population de travailleurs que le Gouvernement souhaite plus importante et plus âgée.
Cette population est très vulnérable à tous les dysfonctionnements contemporains en matière de santé en milieu professionnel dans un contexte de crise, de durcissement du marché et des conditions de travail. Cette fragilité risquant de s'accentuer dans les mois et les années à venir, ces travailleurs auront besoin d'un suivi sanitaire plus conséquent que celui qui existe aujourd'hui. Or ce dernier est d'ores-et-déjà défaillant malgré l'extraordinaire dévouement de médecins du travail parfois amenés à suivre jusqu'à 3600 salariés par an !

Les services inter-entreprises de santé au travail (SIST) sont aujourd'hui dans l'impossibilité matérielle de respecter la réglementation en vigueur, inscrite dans le code du travail, qui leur assigne un certain nombre de tâches et de moyens. La loi fait en effet obligation aux SIST d'assurer une visite médicale des salariés tous les ans ou tous les deux ans en fonction des risques auxquels ils sont exposés dans le cadre de l'exercice de leur profession ; de réaliser des fiches d'entreprises qui recensent les risques auxquels l'activité et l'organisation du travail au sein de chaque entreprise expose les salariés ; et d'établir un recensement des effectifs des établissements du secteur privé...
Il s'agit d'une tâche colossale du fait même de l'évolution de la démographie des médecins du travail (51 % des médecins du travail ont plus de 55 ans, et 75 % ont plus de 50 ans), et des obstacles qui se dressent contre le renouvellement et l'accroissement de ce corps de professionnels spécialisés. Ses effectifs sont désormais notoirement insuffisants.

La situation des services inter-entreprises de santé au travail illustre la situation de la médecine du travail. Cette institution qui est, étrangement, à la fois financée et organisée par les entreprises, a besoin d'une refonte ainsi que de moyens adaptés à une politique de santé à même de répondre aux réalités sociales, environnementales et économiques contemporaines.

D'une manière générale, le médecin et son équipe doivent être en mesure d'appréhender les risques nouveaux et anciens qu'est susceptible de courir un salarié dans le cadre de l'exercice de sa profession, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, et risque encore moins de l'être demain.

Il lui demande donc ce qu'il compte faire pour faire évoluer la médecine du travail, si son projet est en adéquation avec la mise en œuvre de la politique publique de santé au travail et avec les orientations adoptées par les partenaires sociaux aux plans national et régional, et s'il envisage, par exemple, d'assigner des missions aux SIST, et non plus des obligations de moyens et de tâche. Cette réforme est nécessaire pour garantir que le médecin du travail ait les moyens de mener – idéalement en équipe - la mission de prévention qui doit être la sienne, dans le respect du secret médical et des compétences et prérogatives de chacune des différentes professions médicales et médicosociales amenées à intervenir.

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Réponse du Secrétariat d'État à la défense et aux anciens combattants publiée le 15/09/2010

Réponse apportée en séance publique le 14/09/2010

M. Jean-Jacques Mirassou. Je voudrais attirer l'attention du Gouvernement sur le devenir de la médecine du travail.

En 2010, un rapport particulièrement alarmant a été remis au ministre concerné sur ce sujet. En outre, aujourd'hui, le Gouvernement ne fait pas mystère de son souhait de relever l'âge légal de départ à la retraite et d'allonger la durée de cotisation des salariés, tout en niant la très importante question de la pénibilité et celle, qui est aussi très importante, des nouveaux facteurs d'exposition aux risques.

Aussi, pour toute une population de travailleurs que le Gouvernement souhaite – le mot est faible ! – plus importante et plus âgée, la question de la prévention des problèmes de santé au travail et de la promotion des bonnes conditions d'exercice de la profession exercée se pose de manière plus aiguë que jamais.

Nous avons donc affaire aujourd'hui à des salariés très vulnérables confrontés à de nouvelles contraintes de santé dans un contexte de crise économique et de durcissement des marchés qui, bien entendu, a des conséquences sur les conditions de travail.

Cette fragilité risque de s'accentuer dans les mois et les années à venir. Aussi, ces travailleurs auront besoin d'un suivi sanitaire plus conséquent que celui qui existe aujourd'hui.

Or, – c'est le cœur de ma question – la médecine du travail est aujourd'hui presque sinistrée, malgré l'extraordinaire dévouement dont font preuve ces professionnels, qui sont parfois amenés à suivre jusqu'à 3 600 salariés par an et qui se trouvent, aujourd'hui, dans l'impossibilité de respecter la réglementation en vigueur, celle qui est inscrite dans le code du travail.

C'est une tâche colossale qui est dévolue aux médecins du travail, compte tenu de l'évolution de leur démographie ; je le rappelle, 51 % d'entre eux ont plus de 55 ans et 75 % plus de 50 ans. Par ailleurs, de nombreux obstacles entravent le renouvellement d'une profession qui semble désormais, bien qu'elle soit hyperspécialisée, peu attractive.

Le constat est clair : les effectifs des médecins du travail sont actuellement notoirement insuffisants !

À l'heure où je m'exprime, le débat sur cette question a commencé à l'Assemblée nationale. De nombreuses craintes ont été exprimées par les parlementaires, mais aussi par les partenaires sociaux. Ils s'inquiètent d'une éventuelle banalisation de la médecine du travail, qui ferait intervenir des praticiens généralistes, voire des infirmiers ou des infirmières, à la place des médecins spécialisés, mais aussi d'une évolution réglementaire et législative qui laisserait, à terme, le patronat gérer presque exclusivement ce secteur d'activité.

Pourtant, une réforme est plus que jamais nécessaire afin de garantir au médecin du travail, dans le cadre d'une équipe pluridisciplinaire, les moyens dont il a besoin pour mener correctement la mission qui est la sienne.

D'une manière plus générale, le médecin et son équipe doivent être en mesure d'appréhender les risques anciens et nouveaux que peut courir un salarié dans le cadre de sa profession, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui – je viens de le démontrer – et risque malheureusement de l'être encore moins demain.

Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous, sinon nous garantir, du moins tenter de nous convaincre que la médecine du travail disposera bientôt des moyens réglementaires, matériels et humains nécessaires pour appréhender les nouveaux risques auxquels se trouve confronté le monde du travail ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. Monsieur le sénateur, vous appelez l'attention du Gouvernement sur la nécessaire évolution de la médecine du travail, en soulignant l'importance de la prise en compte des questions de santé au travail et de suivi médical des salariés, dans un contexte de crise économique et de durcissement des marchés et des conditions de travail.

Les questions de santé au travail et de protection des salariés constituent – évidemment ! – un enjeu social majeur, et cela pour deux raisons. D'une part, émergent des risques professionnels qui sont nouveaux ou qui n'étaient guère pris en compte auparavant ; on peut notamment citer à cet égard les troubles musculo-squelettiques, les risques psychosociaux et les risques à effets différés dus aux expositions professionnelles. D'autre part, le vieillissement de la population amène à poser la question de l'adaptation des conditions de travail, en vue d'éviter l'altération précoce de la santé des travailleurs et de favoriser le « vieillissement actif ».

Dans le cadre de la négociation préparatoire à la réforme de la médecine du travail, un certain nombre de thèmes avaient été proposés dans un document d'orientation transmis aux partenaires sociaux à la fin du mois de juillet 2008.

Cette négociation des partenaires sociaux, qui s'est déroulée de janvier à septembre 2009, n'a pas abouti à un accord. Par conséquent, sur la base de ces échanges, ont été présentés au conseil d'orientation sur les conditions de travail, le 4 décembre 2009 et le 11 mai dernier, les grands axes que devrait suivre la réforme des services de santé au travail.

À l'occasion du débat sur le projet de loi portant réforme des retraites, et parce que les services de santé au travail ont un rôle majeur à jouer, notamment sur la question essentielle de la prévention de la pénibilité, un certain nombre de ces mesures ont d'ores et déjà été proposées et étudiées par l'Assemblée nationale. Elles le seront dans les prochaines semaines par la Haute Assemblée. Or elles me semblent rejoindre les pistes que vous proposez, monsieur le sénateur, notamment pour ce qui concerne les missions des services de santé au travail, l'organisation de leur action et la reconnaissance d'un rôle spécifique à l'équipe de santé autour du médecin du travail.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Madame la secrétaire d'État, vous avez tenu des propos que je qualifierai presque de rassurants, mais qui ne correspondent pas vraiment aux échos que nous recevons du débat actuellement en cours à l'Assemblée nationale !

Pour répondre au problème que j'ai soulevé, il faut avant tout afficher notre volonté politique de doter notre pays d'un grand service de la médecine du travail. Celui-ci prendrait en charge toutes les missions que j'ai évoquées, mais aussi, plus largement, les nouveaux risques – des radiations ionisantes aux nanotechnologies – auxquels sera très rapidement confronté le monde du travail.

Toutefois je suis tenté de dire que ce débat est en partie pollué par un autre, celui qui est relatif aux retraites. En raison de l'allongement de la durée du temps de travail, je crains malheureusement que vos compétences, madame la secrétaire d'État chargée des aînés, ne soient bientôt couvertes par celles du ministre du travail, même si je ne vous le souhaite pas ! (Sourires.)

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