Question de Mme BEAUFILS Marie-France (Indre-et-Loire - CRC-SPG) publiée le 22/07/2010

Mme Marie-France Beaufils attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation sur la situation des artisans.

Elle rappelle que le régime de l'auto-entrepreneur n'a fait qu'aggraver leur situation. Elle fait remarquer que depuis sa création, 80 000 artisans ont déposé le bilan. Les créations d'entreprises hors champ auto-entrepreneurs ont chuté en 2008 et 2009 de 21,5 %. Cette concurrence déloyale mise sur un régime fiscal et social préférentiel, une absence de contrôle des qualifications, des garanties réduites ou inexistantes pour les clients. Elle fait remarquer que 60 % d'entre eux n'ont aucune activité et que le revenu moyen annuel de ceux qui en ont une est de 5 000 euros. C'est une nouvelle catégorie de travailleurs autoexploités sans garanties, sans droits, sans protections qui a été ainsi créée et tire vers le bas l'ensemble du secteur de la petite entreprise.

Elle lui demande de tout mettre en oeuvre pour que les artisans et les auto-entrepreneurs soient traités favorablement sur un même pied d'égalité.

- page 1893


Réponse du Ministère chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique publiée le 01/12/2010

Réponse apportée en séance publique le 30/11/2010

Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'un des objectifs affichés dans le cadre de la création du statut de l'auto-entrepreneur était la lutte contre le fléau du travail illégal.

Or les résultats sont contraires à ces annonces. Le régime des auto-entrepreneurs a cassé un système qui donnait satisfaction aux artisans comme aux clients. Ainsi, 80 000 artisans de ce pays, dont la seule ambition était de continuer à travailler dans leur secteur, avec la passion qu'on leur connaît, ont cessé leur activité.

Monsieur le ministre, vous dégradez les conditions d'exécution des chantiers en ne faisant pas respecter les mêmes règles selon que l'on est artisan ou auto-entrepreneur. Cette concurrence déloyale repose sur un régime fiscal et social préférentiel, une absence de contrôle des qualifications ainsi que des garanties réduites ou inexistantes pour les clients.

L'année dernière, en France, le nombre de procès-verbaux dressés pour travail illégal a bondi de 27 %. Une enquête menée par l'URSSAF de la Haute-Vienne chez les auto-entrepreneurs révèle que ce statut ne protège en rien contre de telles dérives. Près d'un dossier sur deux révèle des anomalies, dont plus de 12 % portent sur la dissimulation du chiffre d'affaires.

Le président de l'URSSAF de ce département va jusqu'à dire, dans un article paru en septembre dans la presse locale, que « ce nouveau statut ressemble fort à une légalisation du travail illégal et à la promotion de la concurrence déloyale ».

M. Novelli, alors secrétaire d'État, considérait qu'il avait dopé la création d'entreprises avec ce nouveau statut. Une telle affirmation ressemble fort à un mensonge par omission puisque, après sept années de hausse, l'INSEE nous a informés que le rythme des créations d'entreprises ne relevant pas du régime de l'auto-entreprise a ralenti de 21,5 % entre 2008 et 2009. En région Centre, les créations d'entreprises employant des salariés ont chuté de près de 30 % entre 2009 et 2008. On est bien obligé de s'interroger !

Monsieur le ministre, les artisans que j'ai rencontrés sont très en colère. Ils ne comprennent pas que vous fassiez le choix de la dérégulation, alors qu'ils sont attachés au travail bien fait et fondé sur des règles qui privilégient l'intérêt de leurs clients.

En outre, 51 % des auto-entrepreneurs n'ont aucune activité et 15 % ont déclaré moins de 1 000 euros par an. Sans chiffre d'affaires et donc sans cotisation, aucun droit à une pension vieillesse ne pourra être ouvert. C'est inacceptable !

L'auto-entrepreneuriat est souvent une forme de salariat déguisé, puisque des entreprises vont jusqu'à faire démissionner des salariés pour les « recycler » dans ce nouveau statut. C'est une nouvelle catégorie de travailleurs « auto-exploités », sans garanties, sans droits et sans protection, qui a ainsi été créée, et qui tire vers le bas l'ensemble du secteur de la petite entreprise.

Les artisans, activités de services ou commerçants souffrent de la création du statut d'auto-entrepreneur.

Je vous demande, monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement compte prendre afin de mettre sur un pied d'égalité artisans et auto-entrepreneurs, dans l'intérêt de chacun d'entre eux, en respectant les règles et les valeurs qui président à l'artisanat.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Madame la sénatrice, je tiens à excuser Frédéric Lefebvre, empêché, qui m'a demandé de vous donner la réponse suivante.

Le régime de l'auto-entrepreneur a révélé le profond désir d'entreprendre des Français : on a dénombré 322 000 inscriptions en 2009 et près de 600 000 en 2010, à ce jour. Ce régime attire d'ailleurs les artisans, puisque, dans ce secteur, 60 % des créations d'entreprises sont faites sous le régime de l'auto-entrepreneur.

Ce dernier n'a pas vocation à remplacer les statuts classiques des entreprises, mais il vise à faciliter l'exercice d'activités générant un chiffre d'affaires limité. Lorsque l'activité produit un chiffre d'affaires supérieur aux seuils, les auto-entrepreneurs deviennent des entrepreneurs individuels soumis aux règles communes, ou bien ils créent leur société.

Le régime de l'auto-entrepreneur ne suscite aucune concurrence déloyale en termes d'exigence de qualification ou d'assurance obligatoire.

Les règles de qualification des auto-entrepreneurs sont, sans aucune dispense, identiques à celles des autres artisans. Il est exact que l'obligation de qualification n'était jusqu'à présent pas contrôlée lors de la création, mais ne faisait l'objet que de contrôles inopinés intervenant durant la vie de l'entreprise. Le Gouvernement a corrigé cette situation par un décret publié le 12 mars 2010, et applicable depuis le 1er avril. Désormais, tous les artisans et les auto-entrepreneurs souhaitant créer leur activité doivent, au préalable, attester leur qualification.

Depuis le 1er avril dernier, les auto-entrepreneurs exerçant à titre principal sont tenus de s'immatriculer au répertoire des métiers, auprès de la chambre des métiers et de l'artisanat, comme les autres artisans. La dispense d'affiliation consulaire dont bénéficient les auto-entrepreneurs ne vaut qu'en cas d'activité exercée à titre complémentaire. Cette dispense d'affiliation ne les exonère pas de la déclaration au centre de formalités des entreprises.

L'auto-entrepreneur est une entreprise comme une autre et doit respecter les règles de l'exercice de son activité. Celle-ci est soumise à la réglementation applicable à tous les professionnels du secteur, en termes de formation et de qualification professionnelle préalable, d'application des normes techniques, d'hygiène et de sécurité, de déclaration et d'emploi des salariés, d'assurance et de responsabilité ou encore de facturation à la clientèle.

La limitation du chiffre d'affaires des auto-entrepreneurs est une caractéristique intrinsèque du régime. Elle leur permet de disposer d'un environnement administratif particulièrement simplifié, notamment pour l'exercice d'activités complémentaires ou pour le démarrage d'une activité.

Les auto-entrepreneurs bénéficient d'une couverture sociale semblable à celle des autres entrepreneurs individuels, tout particulièrement en matière de maladie et de maternité. Au-delà d'un montant minimum – fixé à 200 fois le SMIC horaire – nécessaire pour éviter qu'une façade d'activité ne génère indûment des droits à la retraite, l'activité d'auto-entrepreneur permet de valider des droits à la retraite dans des conditions tout à fait équivalentes à celles de l'ensemble des travailleurs indépendants.

Le régime de l'auto-entrepreneur arrive désormais en phase de maturité. Mon collègue Frédéric Lefebvre devrait prochainement faire des propositions pour clarifier le fonctionnement du régime, en termes d'obligations déclaratives ou d'accès à la formation professionnelle.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Je souhaiterais pour ma part que, loin de se contenter de recenser le nombre d'inscrits entre 2009 et 2010, on puisse savoir précisément ce que sont devenus tous ces auto-entrepreneurs, ce qui nous permettrait d'avoir une analyse plus fine de la situation.

Les représentants des organisations professionnelles de mon département de l'artisanat que j'ai rencontrés sont unanimes à souligner le décalage qui existe entre le bilan présenté par le Gouvernement et la réalité. Je souhaiterais donc que le bilan soit plus partagé par les professionnels.

Vous avez précisé, monsieur le ministre, que les auto-entrepreneurs doivent désormais présenter un diplôme attestant leur qualification lors de la création de leur activité. Mais j'aimerais bien savoir en pratique comment cette exigence est vérifiée et quels sont les moyens à disposition pour ce faire.

Par ailleurs, les conditions d'exercice des artisans et des auto-entrepreneurs n'étant pas équivalentes, de quelles garanties, de quelle sécurité disposent les clients des auto-entrepreneurs ? Pourtant, comme je l'ai déjà souligné, ces derniers ont bien souvent besoin de la garantie décennale.

De surcroît, l'obligation de formation à la gestion n'est toujours pas mise en œuvre pour le moment.

Ce statut continue donc de susciter de nombreuses interrogations de notre part, d'autant qu'aucune amélioration de la situation de l'auto-entrepreneur ne semble se profiler à l'horizon.

Au final, l'auto-entrepreneur se trouve bien souvent dans la situation d'un ouvrier peu qualifié à qui l'on demande, aujourd'hui, de prendre des responsabilités, mais qui risque, demain, de payer lourdement le fait de ne pas avoir été déclaré dans les mêmes conditions qu'un salarié en activité dans son entreprise.

- page 11107

Page mise à jour le