Question de M. COURTEAU Roland (Aude - SOC) publiée le 19/08/2010

M. Roland Courteau expose à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi que le déficit du commerce extérieur de la France était évalué, pour l'ensemble de 2009, à 43,03 milliards d'euros.

Il était par ailleurs de 20 milliards d'euros pour le seul second semestre 2009 et il s'approche de 24,5 milliards pour le premier semestre 2010.

Il lui indique, également, que pour l'année 2009 le renchérissement de la facture énergétique lié à la dépréciation de l'euro face au dollar et à la hausse du prix du pétrole ne peut, à lui seul, expliquer l'ampleur du déficit, comme semblent le démontrer les résultats de l'Allemagne.

Il lui demande de bien vouloir lui faire connaître les causes d'un tel déficit qui ne peut être seulement justifié par l'ampleur de la crise internationale puisqu'il perdure depuis des années, et quelles dispositions sont envisagées pour 2010 et les années suivantes dans l'objectif de réduire son ampleur.

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 10/02/2011

Le déficit commercial de la France s'est creusé au premier semestre 2010 pour s'établir à 24,5 Md€ après 20,4 Md€ au second semestre 2009, la croissance des importations (+ 7,4 % au premier semestre 2010 par rapport au second semestre 2009) ayant été plus forte que celle des exportations (+ 5,9 %). Cette dégradation du déficit s'explique principalement par l'alourdissement de la facture énergétique sous l'effet conjugué de la dépréciation de l'euro face au dollar et de la hausse des cours du baril de brent (calculés en dollar). En termes géographiques, la progression des achats de la France à l'étranger s'explique aux trois quarts par la hausse des approvisionnements hors zone euro, dont la valeur en euro s'est mécaniquement élevée dans un contexte de dépréciation de la monnaie unique. Le déterminant principal des exportations est la demande mondiale adressée à la France, c'est-à-dire la demande de biens (importations) émanant des clients de la France. De ce point de vue, nos exportations demeurent largement tournées vers le reste de l'Union européenne à vingt-sept (à plus de 60 %). Ainsi, la demande mondiale adressée à la France pâtit structurellement de son orientation géographique, en raison d'une croissance modérée de la zone euro et, en particulier, de la faiblesse de la demande intérieure de notre principal partenaire, l'Allemagne. Les exportations ont pâti d'une baisse de compétitivité-prix, qui provient pour partie de la forte appréciation qu'a connue l'euro sur la période 2002-2009. Pour faire face à la perte de compétitivité engendrée par la hausse de l'euro, les exportateurs français ont largement « rogné » sur leurs marges, ce qui a pu se faire au détriment, notamment, des efforts d'innovation des entreprises. Or, l'innovation est déterminante pour la performance à l'exportation. Entre novembre 2009 et juin 2010, l'euro s'est fortement déprécié notamment par rapport au dollar, au yen et à la livre. Cette dépréciation procure des gains de compétitivité aux producteurs français. Elle est donc un facteur de soutien à l'activité en France, en stimulant les ventes françaises hors zone euro mais aussi au sein de la zone euro du fait des gains de compétitivité liés au renchérissement des prix étrangers convertis en euros. En écart à une situation où l'euro serait resté à son pic de novembre 2009, la dépréciation de l'euro peut contribuer à accroître les exportations françaises en volume d'environ + 2 % en 2010 et + 3,5 % en 2011 en raison de l'amélioration de la compétitivité. Le tableau ci-dessous indique l'impact macroéconomique de la dépréciation de l'euro depuis novembre 2009, dans l'hypothèse où le taux de change effectif de l'euro se stabiliserait à son cours de juin 2010 jusqu'à la fin de 2011 (écart en niveau par rapport à une situation où l'euro serait resté stable depuis novembre 2009) :

(En pourcentage.)

<TABLEAU>

<div align="center">

<center>

<table border="1">

<tr>

<th></th>

<th>2010</th>

<th>2011</th>

</tr>

<tr>

<td align="center">Exportations</td>

<td align="center">2</td>

<td align="center">3,5</td>

</tr>

<tr>

<td align="center">Importations</td>

<td align="center">0,6</td>

<td align="center">0,9</td>

</tr>

</table>

</center>

</div>

</TABLEAU>

À la lecture de ce tableau, il est observé que dans la situation où le taux de change effectif de l'euro se stabiliserait à son cours de juin 2010 jusqu'à la fin de 2011, les exportations en volume seraient en 2010 supérieures de 2 % au niveau qu'elles atteindraient si l'euro était resté stable à son niveau de novembre 2009. En 2011, les exportations continueraient de progresser. Cependant, ces facteurs d'explication macro-économique ne suffisent pas à comprendre la totalité des pertes de parts de marché de la France. Une analyse plus fine de la compétitivité et des facteurs plus microéconomiques donnent des explications supplémentaires possibles. Par rapport à l'Allemagne, notre compétitivité évaluée à partir des coûts salariaux s'est assez nettement détériorée, en particulier depuis la mise en place des 35 heures. Cependant, il s'agit là aussi d'une spécificité allemande : tous les pays de la zone euro sont dans une situation analogue à celle de la France, car l'Allemagne a « bénéficié » d'une forte modération salariale au cours des dernières années. L'Allemagne a également beaucoup externalisé à l'étranger la production de consommations intermédiaires, ce qui a joué un rôle important dans la bonne tenue des coûts de production en Allemagne, contrairement à la France où l'externalisation se ferait de façon plus complète, portant sur la production de produits finis. L'automobile est un bon exemple de la différence des stratégies d'internationalisation des firmes allemandes et françaises. D'un point de vue sectoriel, le secteur automobile a contribué pour près d'un quart à la détérioration de notre solde. D'un point de vue plus transversal, la spécialisation sectorielle de la France est, dans ses grandes lignes, proche de celle de l'Allemagne et ne paraît pas être en cause. En revanche, en matière de contenu en innovation des produits français, l'accentuation du retard vis-à-vis de l'Allemagne au cours des dernières années tend à accélérer ses pertes de parts de marché. Plus généralement, la réputation de qualité des produits allemands les rendrait moins sensibles à la concurrence par les prix des autres pays et leur aurait permis de moins souffrir de la hausse de l'euro. Malgré le retour du déficit à des niveaux élevés, il est important d'observer que la France est parvenue à maintenir ses positions au coeur de la crise et en période de reprise depuis le début 2010. En effet, la part de marché en volume vis-à-vis des pays de l'Organisation de coopération et de développement économique est restée stable à 6,4 % durant toute la période. Par ailleurs, les entreprises exportatrices françaises profitent depuis le quatrième trimestre 2009 d'une compétitivité-prix renforcée par le retour de l'euro à des niveaux plus faibles par rapport au dollar qui, s'il se confirme dans les mois qui viennent, devrait se matérialiser par une hausse du volume des exportations. En termes d'orientation géographique des exportations, la France a su tirer profit du dynamisme de la demande mondiale et, en particulier, de la demande asiatique, ce qui justifie l'accent mis par le Gouvernement et par ses agences en faveur des exportations vers les zones émergentes. Ainsi, l'Asie contribue au premier semestre 2010 à hauteur d'un tiers à la croissance globale des exportations de la France alors qu'elle n'absorbe que 10 % des ventes totales. De même, la contribution de la Chine dépasse celle des États-Unis (+ 0,8 % pour la Chine contre + 0,6 % pour les États-Unis sur un total de + 5,9 %) pour le second semestre d'affilée. Enfin, la croissance des ventes vers les pays situés hors zone euro est presque deux fois supérieure à celle de la zone euro. La priorité accordée à l'innovation (avec le crédit d'impôt recherche et la mise en place de pôles de compétitivité notamment) permettra d'entretenir la spécialisation française dans les produits de haute technologie, pour lesquels la demande reste forte. En termes sectoriels, la bonne orientation de la France dans les secteurs de l'aéronautique et de la pharmacie continue à porter ses fruits. Dans ces deux secteurs, les exportations françaises dépassent, en effet, à la fin du premier semestre leur niveau d'avant-crise et les prises de commandes d'Airbus en 2010 retrouvent des niveaux élevés. Les orientations retenues en faveur de la recherche et de l'innovation contribueront à rendre plus compétitives les entreprises françaises à l'export. Par ailleurs, les efforts soutenus en faveur de l'ouverture des marchés mondiaux, de l'élimination des obstacles tarifaires et non tarifaires à l'exportation, de la réduction des distorsions de concurrence et l'ensemble des contributions françaises dans le cadre des négociations multilatérales commerciales contribuent à accroître le marché potentiel des entreprises françaises. Plusieurs initiatives récentes en faveur de l'export ont été lancées récemment par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur. Elles concernent aussi bien les PME exportatrices que les grands groupes par le biais d'une politique de soutien aux grands contrats. Toutefois, le commerce extérieur n'est que le reflet de la compétitivité d'ensemble de l'économie : les fondamentaux qui font la réussite à l'export dépendent de la politique économique interne ; le soutien spécifique qu'est la politique du commerce extérieur ne vient qu'en appui. Créée il y a deux ans, l'agence Ubifrance a rapidement développé son activité de soutien et d'accompagnement des PME exportatrices. Déjà présente dans quarante-quatre pays, l'agence couvrira, à l'horizon 2012, dix-sept nouveaux pays à fort potentiel (Angola, Bulgarie, Colombie, Gabon, île Maurice, Kazakhstan, Koweït, Liban, Libye, Lituanie, Nouvelle-Zélande, Oman, Philippines, Qatar, Sénégal, Slovaquie, Slovénie). En outre, il a été décidé d'élargir le périmètre d'intervention d'Ubifrance grâce à un transfert de moyens budgétaires, humains et matériels de la part du réseau des services économiques régionaux de la direction générale du Trésor. En 2009, les différents dispositifs de soutien mis en place par Ubifrance permirent d'obtenir des résultats encourageants : Ubifrance a accompagné près de 8 700 entreprises sur les marchés exports, soit une augmentation de 40 % par rapport à 2008 ; en complément de la programmation d'Ubifrance, plus de 4 000 opérations collectives ont été labellisées (soit 18 % de plus qu'en 2008) ; plus de 3 000 entreprises ont fait appel à Ubifrance pour des solutions personnalisées d'accompagnement à l'international ; le dispositif Sidex, qui permet de subventionner une partie des frais engagés par l'entreprise pour sa prospection des marchés étrangers, a été sollicité par environ 3 800 entreprises contre 1 300 en 2008. Au total, Ubifrance et ses partenaires ont accompagné près de 20 000 entreprises à l'étranger en 2009. Par ailleurs, plus de 4 000 PME « primo exportatrices » ont été identifiées, dont 3 000 ont fait l'objet d'un accompagnement à l'international. Cette tendance positive ne se dément pas au cours des quatre premiers mois de 2010. Loin de se replier, les entreprises françaises sont de plus en plus actives à l'international. Elles seront aidées en cela par le Programme France, qui rassemble sous une même bannière toutes les opérations collectives d'accompagnement des entreprises. En 2010, il enregistre plus de 1 300 opérations dans cent pays, soit une augmentation de 45 % par rapport à 2009, année de sa création. Par ailleurs, la formule du Volontariat international en entreprise, qui répond à la fois au besoin de développer la fonction export et de soutenir la formation et l'emploi des jeunes, a été rendue moins coûteuse et plus simple, notamment pour les PME et les très petites entreprises, depuis octobre 2009, grâce à la mise en place de « VI Primopass » dans les missions économiques d'Ubifrance à l'étranger. Enfin, le nombre d'entreprises exportatrices a augmenté pendant les cinq premiers mois de l'année 2010. Cette hausse de 4,3 % par rapport à la même période en 2009 est la première enregistrée depuis 2002. Le nombre d'exportateurs à la fin du mois de mai (près de 95 000) retrouve le niveau de fin 2008, effaçant ainsi la baisse connue en 2009, année de contraction sans précédent du commerce international. Ce résultat témoigne du travail entrepris depuis deux ans par Ubifrance. En termes de grands contrats, la reprise se dessine : d'un montant de 6,4 Md€ au premier semestre 2009 au plus fort de la crise, la part française dans les grands contrats d'équipement conclus dans les pays émergents est passée à 8,7 Md€ au second semestre 2009 et 9,8 Md€ au premier semestre 2010. Les grands contrats représentent environ 10 % du total des exportations françaises. Ce sont souvent dans des secteurs d'excellence de la France et à forte visibilité. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur ont donc entrepris de moderniser le dispositif de soutien public aux grands contrats afin de l'adapter au mieux à la nouvelle donne issue de l'émergence de nouveaux concurrents. Pour cela, un séminaire de haut niveau s'est tenu en septembre avec les principales entreprises exportatrices afin de mettre en place un plan d'action coordonné qui s'articulera autour de quatre axes majeurs : adapter la notion de grand contrat pour tenir compte notamment de la multiplication des partenariats entre entreprises françaises et étrangères ; améliorer et diversifier les instruments de financement en développant, en particulier, la coopération entre assureurs-crédit publics ; faire mieux respecter les normes internationales et promouvoir le principe de réciprocité, notamment en matière environnementale, sociale ou de lutte contre la corruption, pour mettre en valeur la qualité de l'offre française et mettre nos entreprises et leurs concurrents sur un pied d'égalité ; renforcer le dialogue et la coordination stratégique entre l'État et les grandes entreprises en amont des négociations de grands contrats internationaux.

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