Question de Mme SCHILLINGER Patricia (Haut-Rhin - SOC) publiée le 23/09/2010

Mme Patricia Schillinger attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes sur la situation des travailleurs frontaliers exerçant en Suisse, et plus particulièrement sur les différences de traitement pratiquées entre salariés, selon qu'ils sont de nationalité suisse ou française. Elle souhaite évoquer la situation des salariés de l'entreprise Stöcklin, récemment contraints de souscrire à une diminution de leur salaire sur nul autre fondement que leur nationalité.

Il est avéré qu'en Suisse, la population étrangère subit indépendamment du sexe et de toutes caractéristiques « objectives » une pénalité salariale. Les travailleurs alsaciens qui exercent une activité professionnelle en Suisse en sont également victimes. Certaines entreprises suisses ont même franchi un cran dans la discrimination, en fondant celle-ci sur la santé du franc suisse par rapport à l'euro. C'est ainsi que 120 travailleurs frontaliers, sur les 350 que compte l'entreprise Stöcklin, ont dû consentir à une diminution de 6 % de leur salaire. L'entreprise a, pour justifier cette baisse, argué du gain de pouvoir d'achat dont profitent les travailleurs frontaliers en raison du taux de change.

En conséquence, elle lui demande si le Gouvernement, dans le cadre de la collaboration franco-suisse, compte rappeler à celle-ci, ses obligations issues des accords bilatéraux qu'elle a ratifiés avec l'Union européenne. Plus précisément, le Gouvernement envisage-t-il, afin de déceler et mettre fin à ces pratiques hautement discriminatoires, d'encourager la Confédération helvétique à mettre en œuvre les mesures d'accompagnement à la libre circulation prévues en marge de ces accords bilatéraux ? Il s'agit notamment d'exiger l'intervention de la commission tripartite compétente, afin que celle-ci contrôle les différentes politiques salariales pratiquées dans la zone frontalière et dénonce toutes mesures discriminatoires, dont les écarts de salaires entre travailleurs suisses et frontaliers.

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Réponse du Ministère chargé des affaires européennes publiée le 01/12/2010

Réponse apportée en séance publique le 30/11/2010

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le ministre, j'attire votre attention sur la situation des travailleurs frontaliers exerçant en Suisse, et plus particulièrement sur les différences de traitement pratiquées entre salariés de nationalité suisse et frontaliers.

Monsieur le ministre, de nombreux travailleurs alsaciens exerçant une activité salariée en Suisse ont pris l'habitude d'y être traités différemment des employés de nationalité suisse. Travailler en Suisse est avantageux en termes de rémunération, mais il n'en demeure pas moins fréquent de constater que, pour le même travail, les salariés alsaciens sont moins rémunérés que leurs collègues de nationalité suisse.

Si certaines différences de traitement sont dues à la non-reconnaissance de diplômes et de savoir-faire français, des entreprises suisses ont même franchi un cran supplémentaire dans la discrimination, en fondant celle-ci sur la santé du franc suisse par rapport à l'euro. C'est ainsi que, en septembre dernier, les salariés frontaliers de l'entreprise Stöcklin ont dû consentir à une diminution de 6 % de leur salaire. Sont concernés par cette baisse uniquement les 120 travailleurs frontaliers sur les 350 que compte l'entreprise.

Outre la chute d'activité liée à la crise, l'entreprise argue, pour justifier cette mesure et pour ne viser que les travailleurs frontaliers, de la santé du franc suisse par rapport à l'euro. Le cours de la monnaie helvétique compenserait alors la perte de salaire des travailleurs frontaliers par une hausse de leur pouvoir d'achat.

Parmi les frontaliers, 24 ont refusé cette mesure à cause de son caractère discriminatoire, et ont été licenciés.

Il est choquant et inadmissible qu'il soit demandé aux seuls travailleurs frontaliers de fournir des efforts et de consentir, sous la menace d'un licenciement, à des baisses de salaire.

Cela est tout à fait contraire aux accords de libre circulation conclus entre la Suisse et l'Union européenne, accords censés garantir aux ressortissants suisses et européens une égalité de traitement en ce qui concerne l'accès à l'emploi, les conditions de travail et tous les autres avantages pouvant contribuer à faciliter l'intégration des travailleurs dans le pays d'accueil.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si le Gouvernement compte rappeler à la Suisse ses obligations dans le cadre des accords bilatéraux passés avec l'Union, et obtenir ainsi des autorités suisses la condamnation de ce genre de politiques salariales ?

Plus précisément, dans le cadre de la collaboration franco-suisse, le Gouvernement envisage-t-il, pour déceler ces pratiques hautement discriminatoires et y mettre fin, de demander à la Confédération helvétique de mettre en œuvre les mesures d'accompagnement à la libre circulation prévues en marge des accords bilatéraux ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Wauquiez, ministre auprès de la ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes. Madame le sénateur, je suis très heureux de vous répondre, puisque nous avons souvent travaillé ensemble sur différents sujets liés notamment aux affaires sociales et à l'emploi.

Vous m'interrogez aujourd'hui sur la coopération transfrontalière, qui est très importante pour la France. Chaque année en effet, ce sont près de 10 millions de travailleurs français qui sont concernés par ces problématiques transfrontalières, avec la Suisse, mais aussi, principalement, avec l'Allemagne, le Luxembourg ou la Belgique.

Vous le savez, le rapport remis en juin dernier par le député Étienne Blanc, la sénatrice Fabienne Keller et la députée européenne Marie-Thérèse Sanchez-Schmid, dresse un constat édifiant sur l'importance du nombre des travailleurs transfrontaliers, mais aussi sur les difficultés auxquelles ils se heurtent.

Dans ce contexte, madame le sénateur, vous avez plus particulièrement appelé mon attention sur la situation en Suisse, notamment sur le cas très révélateur d'une entreprise suisse qui a décidé de son propre chef de faire varier les salaires des travailleurs frontaliers français, en considérant que l'évolution du taux de change entre l'euro et le franc suisse leur était devenue très favorable.

Le Gouvernement fait preuve de la plus grande vigilance sur ce sujet, afin de s'assurer que la Suisse remplit tout simplement, ni plus ni moins, les obligations qui sont les siennes, notamment celles qui résultent de l'accord conclu avec l'Union européenne sur la libre circulation des personnes.

D'après les informations que j'ai pu recueillir, il s'agirait d'un cas isolé, et le gouvernement suisse nous a réaffirmé sa détermination à veiller à ce qu'il ne se reproduise pas.

Dans l'immédiat, en ce qui concerne les salariés de cette entreprise, le mieux est de leur recommander de saisir rapidement les tribunaux compétents afin de contester les réductions salariales. Ils peuvent également engager une action judiciaire pour discrimination, sur la base de l'accord sur la libre circulation des personnes.

Par ailleurs, nous avons saisi la Commission tripartite cantonale de Bâle-Campagne, qui regroupe des représentants des salariés, des employeurs et des autorités cantonales, afin qu'elle procède à un examen de ce dossier.

Madame le sénateur, vous le voyez, le Gouvernement suit avec attention ce dossier, qui est certes isolé, mais qui témoigne de manière exemplaire des difficultés auxquelles nos travailleurs transfrontaliers peuvent se heurter.

Ce n'est notre conception ni de l'Europe ni des relations avec la Suisse !

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Je remercie M. le ministre de sa réponse, et lui sais gré d'avoir déjà engagé des actions.

Je serai vigilante, car certains de ces travailleurs frontaliers ont tout de même subi une diminution de leur salaire de 6 %. En outre, ces salariés sont pénalisés par les horaires de travail – ce sont non pas les 35 heures, mais les 40 ou les 42 heures ! –, n'ont que quatre semaines de vacances par an, et un niveau de protection sociale différent.

Cela étant, nous sommes très heureux que ces Français puissent travailler en Suisse, puisque, vous le savez parfaitement, nous avons des zones sinistrées en Alsace. Il ne faudrait pas que les salariés soient doublement pénalisés.

Monsieur le ministre, je pense que nous nous reverrons ultérieurement pour faire le point sur cette question.

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