Question de Mme ASSASSI Éliane (Seine-Saint-Denis - CRC-SPG) publiée le 05/11/2010

Question posée en séance publique le 04/11/2010

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme Éliane Assassi. Ma question s'adresse à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Le débat portant sur la réforme des retraites a, de toute évidence, montré que vos préférences allaient au MEDEF (Exclamations sur les travées de l'UMP.) plutôt qu'à la concertation avec les organisations syndicales.

À preuve : alors qu'elle a été adoptée par le Parlement, votre réforme montre que les salariés ont tout à perdre, tandis que le patronat et les hyper-riches ont tout à gagner puisqu'ils ont obtenu que celle-ci soit financée quasi exclusivement par les travailleurs.

M. Guy Fischer. C'est vrai !

M. René-Pierre Signé. C'est dommage !

Mme Éliane Assassi. Pendant que vous maintenez le gel des cotisations patronales, vous obligez les salariés à travailler jusqu'à 62 ans, et ce sans que le niveau des pensions soit revalorisé. Pis, avec les décotes, il baissera !

Pendant que vous permettez aux actionnaires de continuer à multiplier les dividendes qu'ils perçoivent, vous repoussez à 67 ans l'âge permettant à un salarié de bénéficier d'une carrière à taux plein, à condition qu'il puisse justifier de 41,5 annuités de cotisations. Autant dire que c'est impossible !

Pendant que vous affirmez sauver les retraites par répartition, vous multipliez les mécanismes de retraite par capitalisation, comme l'exigeaient d'ailleurs les banques et les assurances, qui ne rêvent que d'une chose : mettre la main sur les 230 milliards d'euros de retraites que gère la sécurité sociale…

M. Bernard Vera. Voilà !

Mme Éliane Assassi. … et sur lesquels elles veulent tant spéculer !

Pendant que vous affirmiez de manière mensongère conserver la solidarité intergénérationnelle, votre majorité adoptait ici même, au Sénat, un amendement prévoyant un basculement prochain de notre système de retraite de répartition vers un système par points, qui n'obéit qu'à une règle : le chacun pour soi.

Ce double discours, nos concitoyens l'ont si bien compris que la mobilisation ne faiblit pas et la colère est grandissante. C'est d'autant plus vrai que le Président de la République lui-même a été contraint d'annoncer qu'il avait entendu les « inquiétudes, souvent légitimes exprimées sur la réforme des retraites » et qu'il prendrait « des initiatives le moment venu pour y répondre ».

Si les inquiétudes de nos concitoyens sont légitimes (Mme Janine Rozier manifeste son impatience.), c'est bien que les solutions que vous proposez ne le sont pas ! Dès lors, nous avons une proposition toute simple à vous faire : la non-promulgation de la loi (Exclamations sur les travées de l'UMP.) et l'ouverture immédiate d'une grande consultation nationale sur les retraites (Mme Janine Rozier manifeste de nouveau son impatience.) au sein de laquelle les organisations syndicales auraient naturellement toute leur place !

Monsieur le président, voici ma question. (Marques de satisfaction sur les travées de l'UMP.) Monsieur le Premier ministre, nos concitoyens vous enjoignent d'agir maintenant. Entendez-vous, comme ils le réclament, demander au Président de la République de ne pas promulguer la loi ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)

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Réponse du Ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique publiée le 05/11/2010

Réponse apportée en séance publique le 04/11/2010

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Madame la sénatrice, les Français ont tout à gagner à la réforme des retraites (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.),…

Mme Éliane Assassi. Plutôt tout à perdre !

M. Jacques Mahéas. Ils sont tous d'accord !

M. Éric Woerth, ministre. … parce que c'est le sauvetage du régime de retraite de tous les Français. Et il faut bien que tous les Français, selon leurs capacités, fassent un effort pour que ce sauvetage ait lieu.

M. René-Pierre Signé. Ils n'en sont pas persuadés !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous pratiquez la langue de bois, monsieur le ministre !

M. Éric Woerth, ministre. Ils doivent faire un effort sur l'âge et un effort financier, en contribuant plus au financement du régime de retraite. Ainsi, ceux qui gagnent plus participeront à hauteur de 4 milliards d'euros ; …

M. René-Pierre Signé. C'est peu !

M. Éric Woerth, ministre. … les entreprises financeront également la solidarité à l'intérieur de notre système de retraite pour un montant de 4 milliards d'euros.

M. René-Pierre Signé. Ce sont les salariés qui paient !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'y a pas de financement ; il y a un trou !

M. Éric Woerth, ministre. Nous avons élaboré cette réforme ensemble, après des semaines de discussions,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais non ! Vous allez devoir faire une nouvelle réforme !

M. Robert Hue. C'est l'hommage du vice à la vertu !

M. Éric Woerth, ministre. … au cours desquelles chacun a exposé ses propres idées, et vous y avez participé activement – je n'emploierai pas d'autre qualificatif ! –, avec beaucoup de sérieux. (Marques d'ironie sur les travées de l'UMP.) Bien que nos idées nous opposent, nous devrions au moins pouvoir nous mettre d'accord sur un point : …

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non ! Non !

M. Éric Woerth, ministre. … à un moment donné – et peut-être devrons-nous le faire régulièrement –, nous ne devons pas hésiter à modifier certaines règles qui régissent notre système de retraite. Tous les pays le font.

M. René-Pierre Signé. Si on les modifie, c'est que les règles ne sont pas bonnes !

M. Éric Woerth, ministre. Quand on vit plus longtemps,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On va vivre moins longtemps maintenant !

M. Éric Woerth, ministre. … il est naturel de repousser l'âge de la retraite, car le système de retraite est le miroir de la vie.

Avec ce système de retraite que nous avons conçu, avec cette réforme telle que nous l'avons voulue, telle que le Président de la République l'a souhaitée et telle qu'elle a été portée par le Premier ministre,…

M. David Assouline. Et le MEDEF !

M. Éric Woerth, ministre. … nous avons voulu que l'on travaille un peu plus longtemps, tout en intégrant, dans le même temps, des droits nouveaux, tels que le droit à la pénibilité. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. René-Pierre Signé. À l'invalidité plutôt !

M. Guy Fischer. C'est la poussière sous le tapis !

M. Éric Woerth, ministre. Nous avons voulu permettre aux personnes qui ont vécu des périodes professionnelles plus dures que les autres de pouvoir partir plus tôt à la retraite.

M. Guy Fischer. Parlons-en !

M. Didier Boulaud. C'est vrai que c'est pénible de vous écouter ! (Sourires.)

M. Éric Woerth, ministre. Nous avons fait en sorte de prolonger la loi Fillon sur ce que l'on appelle les « carrières longues », des dispositions étant d'ores et déjà inscrites dans la loi pour ceux qui ont commencé à travailler tôt, dispositions que vous n'aviez d'ailleurs pas votées ! Pourtant, il est juste de considérer qu'une personne ayant commencé à travailler avant dix-huit ans puisse partir plus tôt. Ainsi, ce sont 20 % des Français qui continueront à partir à 60 ans ou avant.

M. Guy Fischer. Il faut travailler jusqu'à 70 ans !

M. Éric Woerth, ministre. Cette réforme est profondément juste et elle l'est d'autant plus qu'elle sauve le régime de retraite par répartition.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle ne sauve rien du tout ! Vous avez déjà prévu une autre réforme en 2013 !

M. Éric Woerth, ministre. Il n'y a pas de capitalisation. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.) Le seul risque de la capitalisation serait de ne pas oser sauver le régime de retraite par répartition. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

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