Question de M. GAUTIER Jacques (Hauts-de-Seine - UMP) publiée le 05/11/2010

Question posée en séance publique le 04/11/2010

M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jacques Gautier. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

Mardi 2 novembre 2010 ont été signés les accords de Londres sur la défense entre la France et le Royaume-Uni.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bonjour l'indépendance nationale !

M. Jacques Gautier. Disons-le d'emblée, ces accords sont dans la logique des choses.

En effet, nos deux nations fournissent, à elles seules, l'essentiel de l'effort de défense européen. L'addition de nos deux budgets dédiés représente la moitié des dépenses militaires et les deux tiers des dépenses de recherche et de technologie. Nos deux nations sont les dernières en Europe à avoir la capacité et la volonté d'effectuer les missions militaires les plus exigeantes et d'en assumer le financement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Allons bon !

M. Jacques Gautier. De plus, elles sont les seules à disposer d'une force de dissuasion nucléaire.

M. René-Pierre Signé. Avec la permission de l'Amérique !

M. Jacques Gautier. Je me félicite donc de ces accords, qui permettront la mutualisation de certains équipements et de certaines formations, ainsi qu'un partage des coûts de la recherche et du développement. C'est l'assurance d'une défense plus efficace sans le renoncement à notre souveraineté.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tiens donc !

M. Jacques Gautier. Néanmoins, je m'interroge, ces accords doivent-ils être interprétés comme un coup d'arrêt à l'Europe de la défense, tirant ainsi les conséquences, reconnaissons-le, du faible engagement de nos autres partenaires ? (M. Didier Boulaud s'exclame.)

Ou bien, au contraire, et de façon paradoxale, est-ce une sorte de première application, grandeur nature, d'une coopération structurée permanente, un noyau dur d'États pilotes, que le traité de Lisbonne autorise désormais à aller de l'avant sans attendre l'accord de tous ? L'avenir le dira.

Quoi qu'il en soit, ces accords renforceront-ils, monsieur le ministre, la dissuasion nucléaire dont dispose chacun de nos pays ?

M. David Assouline. Il n'en sait rien !

M. Jacques Gautier. Arriverons-nous, de ce fait, à avoir une position commune au sommet de l'OTAN, qui se tiendra à Lisbonne dans quelques jours et qui abordera notamment la question cruciale de la défense anti-missile balistique, « complément à la dissuasion », comme nous le défendons, ou « substitut à celle-ci », comme le souhaiteraient nos amis allemands ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Où est le temps où la France était indépendante ?

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Réponse du Ministère des affaires étrangères et européennes publiée le 05/11/2010

Réponse apportée en séance publique le 04/11/2010

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le sénateur, votre question étant très précise, je tenterai d'y répondre précisément.

M. René-Pierre Signé. Cette question est bienvenue !

M. Bernard Kouchner, ministre. Vous l'avez dit, il s'agit de deux pays amis, partenaires, alliés, européens, qui, ensemble, se sont rapprochés. Un tel rapprochement n'avait pas eu lieu depuis les accords de Saint-Malo.

Mme Nicole Bricq. Exactement !

M. Didier Boulaud. « À Saint-Malo, beau port de mer » !

M. Bernard Kouchner, ministre. Vous l'avez dit, le contexte est aujourd'hui fort différent. Cet accord est-il antieuropéen ? Pas pour la France ! Au contraire, c'est un rapprochement – je l'espère, plus tard, avec d'autres pays –, mais dans le sens de l'Europe.

Votre question concerne la dissuasion nucléaire. Il n'est pas question des autres accords qui concernaient, comme vous l'avez dit rapidement, un certain nombre d'activités qui sont essentielles et qui seront désormais complémentaires, dans le respect absolu, pour la dissuasion nucléaire comme pour ces activités militaires ou la recherche, de la souveraineté nationale. Il est évident qu'il n'y a pas d'automaticité à travailler ensemble.

Pour ce qui concerne la dissuasion nucléaire, vous avez souligné qu'il y avait deux domaines, un domaine d'exploration et un domaine de reproduction en laboratoire. Dans cette perspective, nous travaillerons avec les Britanniques sur le site de Valduc en France.

M. Didier Boulaud. En Bourgogne !

M. Bernard Kouchner, ministre. En effet, c'est très important de le souligner.

De la même manière, pour ce qui concerne les technologies, notamment l'amélioration des ogives ou le tir de missiles en laboratoire, nous travaillerons ensemble en Grande-Bretagne à Aldermaston.

Vous m'avez très précisément demandé quelle sera l'attitude de la France et de la Grande-Bretagne à Lisbonne lors de la réunion de l'OTAN.

Dans une déclaration commune, sur laquelle nous avons longuement travaillé, les deux pays défendront l'idée selon laquelle l'OTAN devra rester une puissance collective nucléaire tant qu'il existera des dangers nucléaires.

Toutefois, il n'est pas question de substituer à cette dissuasion nucléaire quelque défense anti-missile que ce soit, au contraire. Ce dernier projet, comme vous l'avez très bien dit, monsieur le sénateur, doit être vécu comme un complément et non comme un remplacement de la dissuasion.

De toute façon, le désarmement se discute en dehors du cadre du traité de l'Atlantique Nord, dans d'autres enceintes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

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