Question de Mme JARRAUD-VERGNOLLE Annie (Pyrénées-Atlantiques - SOC) publiée le 04/11/2010

Mme Annie Jarraud-Vergnolle attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur la précarisation des sous-titreurs de programmes télévisés aux normes télétexte et sur la déprofessionnalisation de tout un secteur d'activité. La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées fixe plusieurs objectifs d'accessibilité pour les personnes sourdes ou malentendantes en matière de sous-titrage. Le sous-titrage aux normes télétexte des programmes télévisés est assuré par environ 300 professionnels non salariés, majoritairement diplômés Bac+5, rémunérés selon un forfait fixe que l'on assimile à tort à des droits d'auteur. Ce statut d'« artiste auteur » n'en est pas un : les professionnels ne touchent aucune rétrocession de droits à la diffusion ou à la revente de leur travail de sous-titrage. Ne bénéficiant pas non plus d'une définition claire de leur emploi, on les appelle tantôt des adaptateurs, des sous-titreurs ou encore des techniciens de l'écrit. Une parfaite maîtrise de la langue française et une solide culture générale sont essentielles, en plus de la maîtrise des outils et des contraintes techniques qui permettent de créer les sous-titres et de les mettre aux normes télétexte. Aujourd'hui, malgré l'augmentation exponentielle du volume de programmes à sous-titrer, le budget alloué par les chaînes est quasi équivalent à celui d'avant la loi de 2005, ce qui implique une chute de 65 % des tarifs proposés aux sous-titreurs (de 15 € brut par minute de programme en 2005, on est passé à 5,50 € en 2010). Ce phénomène a deux conséquences graves : tout d'abord l'accroissement de la précarisation des professionnels qui, ne bénéficiant pas d'un statut reconnu, n'ont droit ni au chômage, ni à la formation continue, ni aux congés payés et n'ont bien sûr aucune garantie d'un revenu mensuel. Ensuite, la déprofessionnalisation du secteur, c'est-à-dire l'abandon du métier par les personnes qualifiées, ce qui ouvre la porte à la délocalisation dans des pays francophones, au recours à des stagiaires peu formés et sous-payés, voire à des personnes non compétentes en quête d'un complément de revenus.
En conclusion, l'urgence se fait sentir sur trois fronts : la définition d'un statut professionnel protecteur (seuil tarifaire, horaires conventionnés, formation reconnue par un diplôme d'État) ; la certification des normes spécifiques au sous-titrage pour les déficients auditifs en usage depuis plus de 30 ans (une exception culturelle française !) ; la pérennisation d'une profession garante d'un service social.
Soutenus par l'Unisda (l'Union nationale pour l'insertion sociale du déficient auditif), les professionnels du sous-titrage pour les sourds et malentendants regroupés au sein de l'Ataa (Association des traducteurs et adaptateurs de l'audiovisuel) s'indignent des pratiques des chaînes de télévision et de leurs prestataires de services, les laboratoires de postproduction, qui offrent aux sous-titreurs professionnels une rémunération toujours plus basse sous prétexte d'un volume croissant de programmes à sous-titrer.
En 2008, une délégation de l'Ataa a rencontré M. Patrick Gohet, alors délégué interministériel aux personnes handicapées, afin de lui faire part de ses inquiétudes. L'organisation d'une table ronde regroupant les principaux acteurs du secteur de l'audiovisuel (laboratoires, chaînes de télévision, syndicats) lui a été promise. Elle lui demande quand cette table ronde sera organisée et ce qu'il compte faire pour qu'un statut protecteur soit mis en place pour les sous-titreurs et que les sourds et malentendants continuent de bénéficier d'un sous-titrage de qualité.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 07/04/2011

La loi du 11 février 2005 pose un principe général d'adaptation de la totalité des programmes télévisés, valable pour toutes les chaînes dépassant un certain seuil d'audience. En effet, « pour les services dont l'audience moyenne annuelle dépasse 2,5 % de l'audience totale des services de télévision, cette obligation s'applique, dans un délai maximum de cinq ans suivant la publication de la loi (...), à la totalité de leurs programmes, à l'exception des messages publicitaires. La convention peut toutefois prévoir des dérogations justifiées par les caractéristiques de certains programmes. » Concrètement, selon les parts d'audience des chaînes mesurées par Médiamétrie sur les individus âgés de quatre ans et plus, les trois grandes chaînes privées TF1, M6 et Canal + dépassent de façon constante les 2,5 % d'audience et sont ainsi soumises à l'obligation d'adapter la totalité de leurs programmes dans un délai de cinq ans. Les chaînes du secteur public, indépendamment de leur audience, ont été soumises à cette obligation d'adaptation de la totalité de leurs programmes, dans le même délai de cinq ans. Les autres chaînes terrestres privées qui n'atteignent pas le seuil des 2,5 % d'audience, comme celles de la télévision numérique terrestre (TNT), par exemple, devront adapter à destination des personnes sourdes ou malentendantes des « proportions substantielles » de leurs programmes, « en particulier aux heures de grande écoute ». Cependant la convention des télévisions locales pourra prévoir un allégement des obligations d'adaptation. Enfin, la convention des chaînes du câble, du satellite et de l'ADSL n'atteignant pas ce seuil d'audience précisera « les proportions des programmes » qui devront être rendues accessibles aux personnes sourdes ou malentendantes, « en particulier aux heures de grande écoute ». Les efforts financiers consentis par les diffuseurs en la matière sont importants. L'augmentation du volume des programmes adaptés a pour corollaire une augmentation des budgets de sous-titrage. Le coût unitaire du sous-titrage ne diminue pas nécessairement de manière mécanique avec l'accroissement du volume de programmes à adapter. En effet, au fur et à mesure de la montée en charge, l'adaptation s'étend à des programmes dont le sous-titrage est techniquement délicat à réaliser (c'est le cas, par exemple, des émissions en direct) et, par conséquent, beaucoup plus onéreux. Ainsi, par exemple, le budget consacré par France Télévisions au sous-titrage des programmes de ses cinq chaînes est passé de 4,4 M€ en 2005 à 13 M€ en 2010, soit une progression de 195 %. En matière de tarifs, la rémunération des sous-titreurs pratiquée par France Télévisions est passée de 8 € la minute en 2002 à 7 € aujourd'hui. Le groupe public s'est, en outre, engagé auprès de l'association regroupant les sous-titreurs travaillant pour lui à ne pas baisser ce tarif en 2011. Depuis octobre 2009, un tarif spécifique dit d'urgence a par ailleurs été mis en place pour les sous-titrages effectués pour le jour-même ou le lendemain, qui s'établit à 8 € la minute. Enfin, les sous-titreurs effectuant une prestation dans les locaux de France Télévisions en mode « reconnaissance vocale » (émissions en direct) ont été embauchés en contrat à durée indéterminée. Sur les chaînes privées (TF1, M6 et Canal +), le coût du sous-titrage intégral des programmes est estimé à 5 M€ par an. Certes, l'arrivée sur le marché du sous-titrage de nouvelles sociétés a entraîné une baisse des prix dans la profession. En 2010, certaines sociétés facturaient leur prestation 7 € la minute pour les émissions en direct. Des problèmes de qualité ayant été observés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour les programmes diffusés par M6, ce diffuseur s'est engagé à demander à son prestataire d'apporter davantage d'attention à la qualité du sous-titrage et des progrès ont depuis lors été constatés. L'objectif quantitatif prévu par le législateur est aujourd'hui atteint. C'est donc désormais le souci de la qualité du sous-titrage qui doit faire l'objet d'une attention particulière. Le plan en faveur des personnes sourdes ou malentendantes 2010-2012 du Gouvernement lancé le 10 février dernier fixe d'ailleurs l'objectif d'un accès à un sous-titrage intégral et de qualité à la télévision. Ainsi, afin de poursuivre l'amélioration de la qualité du sous-titrage à la télévision, le Conseil supérieur de l'audiovisuel est chargé de publier un référentiel sur la qualité du sous-titrage et les modalités d'incrustation à l'écran. Ce référentiel devra préciser les niveaux de qualité attendus par type de programme. Il fixe aussi un objectif de sensibilisation des professionnels en prévoyant l'élaboration d'un référentiel de formation à l'accessibilité pour les métiers de l'image et du son. Une évaluation du module de formation sera réalisée à l'issue de la première année d'enseignement. Le plan prévoit également le pilotage par le ministère chargé de l'emploi de l'évaluation des besoins en compétence en matière d'accessibilité et de l'identification des métiers et des formations à développer pour satisfaire ces besoins.

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