Question de M. JARLIER Pierre (Cantal - UC) publiée le 18/11/2010

M. Pierre Jarlier attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur l'article 41 du projet de loi de finances pour 2011 qui entraînerait l'abrogation de l'article L.723-4 du code de la sécurité sociale, selon lequel le droit de plaidoirie pour les dossiers relevant de l'aide juridictionnelle est acquitté par l'État.
Ce droit de plaidoirie, d'un montant de 8,84 € par dossier, est versé annuellement par l'État à la Caisse nationale des barreaux de France. Or les droits de plaidoirie abondent les recettes qui financent le régime de retraite de base des avocats et représentent 7 % de son financement.
Par ailleurs, l'aide juridictionnelle concerne les justiciables les plus en difficulté qui, dans les faits, ne pourront s'acquitter de ce montant à leur avocat, qui se trouvera alors dans l'impossibilité de soumettre son intervention au règlement et qui n'exposera pas des frais pour le recouvrer.
Ce projet est d'autant plus préoccupant qu'il touche majoritairement des personnes fragilisées et qu'il pénalise les avocats locaux qui, lorsqu'ils interviennent dans ce cadre, acceptent non pas une rémunération mais une simple indemnisation.
Enfin, à la suite du prononcé de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 17 juin 2010, le taux de TVA applicable à l'aide juridictionnelle partielle passe de 5,5% à 19,6% sur l'honoraire à la charge du justiciable. Cette différence ne sera pas prise en charge par l'État mais viendra en déduction de la somme globale allouée à l'avocat. Ainsi, l'État récupèrera, même en tenant compte des situations où l'avocat n'est pas assujetti à la TVA du fait de la faiblesse de ses revenus, environ 11,30 % supplémentaires sur la dotation allouée par lui.
Il lui demande quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour répondre aux préoccupations des avocats et assurer le maintien d'une justice de qualité et de proximité pour les plus démunis.

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Réponse du Ministère de la justice et des libertés publiée le 20/01/2011

Aucun justiciable ne doit être empêché de défendre ses droits par des difficultés financières. Cependant, le principe de gratuité absolue inhérent à l'aide juridictionnelle totale peut parfois conduire à des abus dans l'usage de ce droit. Plusieurs parlementaires, et notamment le sénateur du Luart, ont alerté la chancellerie sur le comportement de certains justiciables engageant des actions judiciaires à répétition en raison de leur éligibilité à l'aide juridictionnelle. Au-delà du coût pour la justice, cet usage répété de l'aide juridictionnelle pénalise les victimes de comportements procéduriers qui doivent régler des honoraires d'avocat pour se défendre ou demander l'aide juridictionnelle. Le rapport du sénateur du Luart en appelle donc à une plus grande responsabilisation des demandeurs à l'aide par l'instauration d'un ticket modérateur justice, de l'ordre de 5 € à 40 €. Procédant au même constat, le rapport de la commission Darrois sur les professions du droit préconise également l'instauration d'une contribution minimale des justiciables, en laissant à leur charge le droit de plaidoirie de 8,84 €. Après s'être donné le temps de la réflexion et des consultations, le Gouvernement a choisi de mettre en oeuvre la proposition du rapport Darrois, dissuasive dans ses effets et mesurée dans son montant. Il s'agit en effet d'une contribution symbolique, permettant de responsabiliser les justiciables dans leur usage de l'aide juridictionnelle, mais également modique en tenant compte de la situation financière de nos concitoyens les plus fragiles. Il n'y a donc pas lieu de considérer que son versement soit obéré dès lors que l'avocat désigné la réclame. À cet égard, son exigibilité peut être stipulée dans la convention d'honoraires conclue avec le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou la convention d'honoraires en cas de retrait de l'aide juridictionnelle. Néanmoins, la chancellerie reste attentive aux difficultés que les avocats pourraient rencontrer dans le recouvrement des droits de plaidoirie, notamment dans le cadre de la défense d'urgence. Un bilan pourra être établi à l'issue de la première année d'application de la réforme. En fonction des éléments recueillis, les difficultés qu'elle pourrait susciter et les moyens pour y remédier seront expertisés, en concertation avec la profession d'avocat. Enfin, pour compenser l'application du taux normal de TVA aux missions d'assistance effectuées par les avocats et les avoués au titre de l'aide juridictionnelle, les crédits ouverts en loi de finances pour 2011 ont été majorés. Ainsi, pour le règlement des missions d'assistance achevées à compter du 1er janvier 2011, la contribution de l'État à la rétribution des avocats et des avoués sera réglée au taux de 19,60 %. La différence de taux est donc neutre pour ces auxiliaires de justice comme elle l'est du reste pour les autres auxiliaires déjà assujettis au taux normal, notamment les huissiers de justice ou les notaires.

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