Question de M. FAUCONNIER Alain (Aveyron - SOC) publiée le 30/12/2010

M. Alain Fauconnier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur les zones à haute valeur naturelle (HVN), à savoir, selon la définition de l'Agence européenne de l'environnement (AEE), ces « zones d'Europe où l'agriculture est une forme majeure (généralement dominante) d'utilisation de l'espace et où l'agriculture est à l'origine - ou est associée - à une grande diversité d'espèces et d'habitats et/ou à la présence d'espèces d'intérêt européen ». À la demande du Centre commun de recherches (CCR) de la Commission européenne, l'association Solagro vient de publier une étude sur les conditions de mise en œuvre d'un concept de système agricole à «haute valeur naturelle ». Or il semblerait que les espaces HVN représenteraient 25 % de la surface agricole utile (SAU) française. Et malgré les aides induites par les dernières réformes de la PAC, le revenu par exploitation y est en moyenne plus faible en zone HVN que dans le reste de la France. Une aide de 160 euros par hectare serait nécessaire pour atteindre l'objectif de parité de revenu pour atteindre la moyenne nationale. Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la jeunesse et de la vie associative publiée le 02/03/2011

Réponse apportée en séance publique le 01/03/2011

M. Alain Fauconnier. Ma question porte sur les zones à haute valeur naturelle, ou HVN, concept développé au début des années quatre-vingt-dix par un groupe d'experts ayant constaté que certains systèmes agricoles avaient un impact favorable sur la biodiversité, notamment les exploitations utilisant des techniques de production extensives sans avoir recours à des intrants de synthèse.

Je constate que l'Union européenne tend à prendre en compte la richesse du lien entre agriculture et biodiversité, ce dont je me félicite.

Les zones à haute valeur naturelle répondent favorablement à l'un des trois critères retenus pour l'attribution de fonds dans le cadre du programme de développement rural hexagonal lancé en 2007 et dont le terme est prévu en 2013. En effet, selon le rapport du Forum européen pour la conservation de la nature et le pastoralisme du mois de mars 2009, « chaque État membre du Conseil de l'Europe [s'est] engagé en 2003 à identifier les zones à haute valeur naturelle à l'échéance 2006 et à mettre ainsi en œuvre des programmes de mesures adaptés en 2008. Si ces échéances sont d'ores et déjà dépassées dans la perspective du "halte à la perte de la biodiversité en 2010", les urgences demeurent ».

Nous assistons à un véritable déclin du nombre d'exploitations à haute valeur naturelle en France. Il est donc urgent de mettre en place des politiques pour maintenir l'équilibre fragile entre agriculture et biodiversité et pour prévenir l'intensification de l'exploitation des surfaces et l'abandon de terres agricoles à haute valeur naturelle.

Si rien n'est fait en ce sens, nos filières qualitatives de proximité disparaîtront à plus ou moins long terme. Une étude du cabinet Solagro, publiée récemment par le Centre commun de recherche de la Commission européenne, souligne qu'environ 25 % de la surface agricole utilisée en France se trouve en zone à haute valeur naturelle, soit 7 millions d'hectares.

Certes, c'est un chiffre important, mais, en 1970, la France comptait trois fois plus de zones à haute valeur naturelle ! Défavorisées sur le plan économique, ces dernières souffrent d'un différentiel d'environ 160 euros par hectare sur une moyenne 2007-2008. Cette somme ne pourrait-elle pas servir de base de calcul à de futurs soutiens, tels les « contrats spécifiques HVN » proposés par certains dans une contribution intitulée « Un nouveau pacte pour l'Europe ! » ?

La même étude nous apprend que, pour l'année 2006, les entreprises agricoles françaises situées en zone à haute valeur naturelle ont dégagé un revenu moins élevé de 8 % environ que celles qui se trouvaient dans d'autres zones. Cette situation s'explique par des rendements plus faibles et des systèmes de production différents. Il convient, là encore, de chercher des solutions par l'instauration d'une politique plus audacieuse qui, naturellement, tiendrait compte du réseau actuel Natura 2000.

Cela pourrait par exemple déboucher sur une labellisation, à l'échelon européen, des exploitations à haute valeur naturelle. En dynamisant ces zones, nous reconnaîtrons le savoir-faire de nos agriculteurs, nous valoriserons nos paysages et nous préserverons les filières de qualité.

Quelles solutions le Gouvernement compte-t-il apporter pour asseoir la durabilité économique et écologique des zones à haute valeur naturelle ? Comment compte-t-il mener une politique volontariste destinée à maintenir la biodiversité ? En vous interrogeant, madame la secrétaire d'État, je parle naturellement d'aujourd'hui et, plus encore, de demain – c'est-à-dire au-delà de l'échéance de 2013 –, après la réforme de la politique agricole commune.

À l'heure où s'achève un Salon de l'agriculture que les Français apprécient particulièrement, c'est le quart des exploitants français qui attendent une réponse.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Bruno Le Maire, retenu à l'Assemblée nationale.

Vous interrogez le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur les démarches mises en œuvre par le Gouvernement afin d'asseoir la durabilité économique et écologique des zones à haute valeur naturelle et de préserver la biodiversité, dont elles sont un facteur.

Vous le savez, l'Agence européenne de l'environnement propose trois critères pour définir ces zones : une large proportion d'espaces semi-naturels, prairies permanentes anciennes, pelouses, alpages... ; une mosaïque agricole à bas niveaux d'intrants avec une forte proportion d'éléments paysagers – haies, murets, arbres isolés... – ; la présence d'espèces rares ou bien une forte proportion de la population européenne ou mondiale de l'une de ces espèces.

La combinaison de ces critères doit caractériser une agriculture contribuant à un haut niveau de biodiversité.

Cependant, compte tenu de leur caractère très large, le Centre commun de recherche de la Commission européenne a confié à des organismes des États membres la mission de proposer des modalités de mise en œuvre plus précises.

Il en ressort que la surface des zones potentiellement concernées varie fortement : de 3 % à près de 28 % de la surface agricole utile en France, selon les indicateurs utilisés et le poids qui leur est donné. Il s'agit donc de trouver le bon équilibre pour ne pas exclure des zones à l'apport reconnu en matière de biodiversité.

Par ailleurs, et comme vous le soulignez, monsieur le sénateur, l'agriculture à haute valeur naturelle correspond la plupart du temps à une agriculture extensive, souvent dans les zones les plus difficiles, où le revenu agricole est inférieur à la moyenne nationale. Ces zones difficiles font déjà l'objet d'une aide spécifique, l'indemnité compensatoire de handicaps naturels. Près de 95 000 exploitations en bénéficient, pour un montant total avoisinant les 520 millions d'euros. Il importe donc de savoir comment et dans quelle mesure peut être mieux rémunérée cette agriculture à haute valeur naturelle, en articulation avec les dispositifs existants.

C'est pour lever ces difficultés que les services du ministère de l'agriculture ont engagé une étude visant à préciser les critères et indicateurs pertinents et, le cas échéant, à améliorer ou à élaborer des dispositifs d'aides adaptés. Ces travaux devraient aboutir prochainement et le ministre de l'agriculture vous en communiquera les conclusions.

M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.

M. Alain Fauconnier. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Toutefois, lorsque l'on entend le Président de la République déclarer que l'environnement, « ça commence à bien faire », vous comprendrez qu'il y a là matière à inquiétude !

Il y a urgence. Sur ce sujet, nous sommes en retard par rapport à d'autres pays. J'entends bien qu'il faut étudier les critères, etc., mais les statistiques cachent une réalité cruelle : un tiers des espaces à haute valeur naturelle ont disparu en trente ans – c'est énorme ! –, des exploitations ferment et des territoires souffrent.

Par conséquent, je souhaite très vivement que nous accélérions le mouvement !

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