Question de M. DOLIGÉ Éric (Loiret - UMP) publiée le 19/01/2011

Question posée en séance publique le 18/01/2011

Concerne le thème : Outre-mer et Europe

M. Éric Doligé. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur un seul sujet : l'avenir de l'octroi de mer.

Ce régime est spécifique à l'outre-mer. Il revient à frapper les marchandises introduites dans les départements d'outre-mer d'une taxe à laquelle échappent certaines productions locales. Il représente, à la fois, une ressource fiscale majeure pour les collectivités territoriales des départements d'outre-mer et un soutien décisif au développement endogène de ces collectivités.

Ainsi, rapporté à l'ensemble des recettes de fonctionnement des collectivités territoriales, l'octroi de mer représente en moyenne, pour les communes des départements d'outre-mer, un tiers de leurs recettes, et, pour les régions d'outre-mer, entre 17 % et 31 % de leurs recettes. Il est même des communes guyanaises où l'octroi de mer représente 90 % des recettes fiscales !

Ce dispositif, largement perçu dans les instances communautaires comme contraire au principe de non-discrimination, est aujourd'hui menacé. En effet, par une décision de 2004, le Conseil a autorisé la France à maintenir un tel régime d'octroi de mer jusqu'au 1er juillet 2014.

Comme elles s'y étaient engagées, les autorités françaises ont transmis à la Commission un rapport d'étape en 2008, puis un rapport complémentaire en avril 2010, pour lui permettre de juger de l'impact de l'octroi de mer et suggérer des adaptations de ce régime.

La Commission européenne a jugé que les données fournies par la France étaient lacunaires. Elle reconnaît toutefois que les handicaps des départements d'outre-mer persistent, mais elle reste sceptique sur les conséquences d'une taxation différenciée des produits locaux : elle souligne que l'incidence de l'octroi de mer sur l'emploi ou sur les parts de marché des productions locales diffère sensiblement selon les secteurs.

La Commission a néanmoins proposé, le 14 décembre dernier, d'adapter la décision du Conseil de 2004 et d'élargir le bénéfice de l'octroi de mer à une cinquantaine de produits guyanais.

C'est une bonne nouvelle pour la Guyane, notre région ultrapériphérique la plus défavorisée. Mais les interrogations répétées de la Commission européenne sur le bien-fondé de l'octroi de mer et sur son incidence sur le niveau général des prix dans les départements d'outre-mer ne peuvent manquer d'inquiéter pour l'avenir.

Je sais votre mobilisation pour pérenniser l'octroi de mer, mais suffira-t-elle à convaincre la Commission de le proroger après 2014 ? La France sera-t-elle en mesure de fournir les informations étayées qu'attend la Commission et de trouver des alliés au sein du Conseil ?


Réponse du Ministère chargé de l'outre-mer publiée le 19/01/2011

Réponse apportée en séance publique le 18/01/2011

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Oui, monsieur le sénateur, j'y crois profondément ! En effet, la Commission a bien pris conscience que l'outil « octroi de mer » était vraiment un outil de développement économique et une façon de protéger l'emploi.

Ainsi, même si la Commission a fait, dans son rapport, un certain nombre d'observations aux termes desquelles la part des marchés prise par les produits locaux n'est pas si importante, ou du moins équivalente aux produits importés, elle a surtout fait remarquer – et c'est un point positif ! – que, sans l'octroi de mer, bon nombre d'activités n'existeraient pas. C'est un signe qu'elle nous envoie !

En outre, le commissaire Semeta m'a personnellement rapporté que la Commission avait adopté les conclusions de ce rapport ; cela montre que la Commission a compris quel était l'intérêt de cet outil pour nos régions ultrapériphériques.

Ce principe étant acté au niveau européen, nous devons pouvoir justifier l'existence de l'octroi de mer : ce doit être notre deuxième objectif. C'est tout le sens de la mission que j'ai lancée sur la base des décisions prises lors du conseil interministériel de l'outre-mer. Nous devons établir des comparatifs entre les prix des produits locaux et ceux des produits importés, et fournir tous les justificatifs permettant d'attester, au travers de cet outil, que nous avons la volonté de développer l'activité, d'asseoir le développement endogène et de préserver l'emploi.

Les collectivités sont associées à cette réflexion. J'ai en effet souhaité qu'elles puissent, dans le cadre de cette étude, participer à l'élaboration du cahier des charges et soient membres du comité de pilotage. Je suis tout à fait disposée à recevoir d'autres éléments d'information. Je note d'ailleurs que les conseils régionaux de la Réunion et de la Guyane ont lancé des études parallèles.

Nous devons, tous ensemble, fournir à la Commission le maximum d'éléments d'information. Ceux-ci nous permettront, j'en suis persuadée, d'obtenir un avis favorable à la pérennisation de l'octroi de mer après 2014.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour la réplique.

M. Éric Doligé. Je suis très satisfait de cette réponse !

En 2008, lorsque nous nous sommes rendus à Bruxelles dans le cadre du comité de suivi, nous avions tout lieu de craindre une réaction défavorable de la Commission. Nous avions constaté, à l'époque, en rencontrant nos représentants au niveau européen, qu'il existait un certain flottement sur ce dossier. En effet, ils ne semblaient pas vraiment convaincus de la justesse de la cause qu'ils étaient chargés de défendre.

J'ai le sentiment que les choses ont évolué dans le bon sens et que nous nous acheminons de plus en plus rapidement vers une solution positive, ce qui n'était pas le cas avant 2008.

Je vous remercie, madame la ministre, de nous faire part de façon aussi chaleureuse de votre conviction. Je n'y croyais pas en 2008. Votre intervention m'a rendu confiance !

- page 181

Page mise à jour le