Question de M. BODIN Yannick (Seine-et-Marne - SOC) publiée le 09/02/2011

Question posée en séance publique le 08/02/2011

Concerne le thème : Aggravation des inégalités sociales dans le système scolaire

M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, les conclusions de l'étude PISA de 2009 sont alarmantes et révélatrices de l'échec des politiques éducatives de la France.

Selon cette étude, la proportion des élèves les moins performants en compréhension de l'écrit est passée de 15 % à 20 %. Loin d'avoir tiré les leçons du classement moyen de 2003, le Gouvernement a laissé se dégrader la qualité de notre enseignement. Les quelques mesures annoncées, d'ailleurs limitées à quelques expérimentations, n'y ont rien changé.

Les conclusions de l'enquête PISA jettent un éclairage peu flatteur sur le système éducatif français. En prenant en compte divers indicateurs, comme la profession des parents, leur formation, le nombre de livres à la maison ou encore la langue parlée, ce rapport démontre qu'en France, plus que dans n'importe quel autre pays de l'OCDE, il est beaucoup plus difficile pour les jeunes issus de milieux défavorisés de réussir à l'école, les jeunes de la première génération immigrée étant particulièrement vulnérables.

Autrement dit, en France, l'origine sociale et familiale est un facteur déterminant pour réussir à l'école : nous sommes le champion des inégalités en matière d'éducation, et c'est inacceptable !

Dans le même temps, le groupe des meilleurs élèves en lecture est passé, lui, de 8,5 % à 9,6 % de l'effectif total. Alors que cette progression devrait nous réjouir, ces chiffres constituent une autre source d'inquiétude, car ils montrent que les écarts se creusent entre les élèves au sein de notre système éducatif. Celui-ci est, à l'heure actuelle, conçu pour les élites. Les mesures les plus récentes, la suppression de la carte scolaire ou la création de lycées d'excellence, par exemple, sont censées permettre l'émergence et l'élargissement de ces élites. Certes, l'intention est bonne, mais encore faudrait-il que, dans le même temps, la grande masse des élèves ne soit pas abandonnée à son sort !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Yannick Bodin. Pourtant, l'un des enseignements fondamentaux de l'enquête PISA est qu'œuvrer au développement de l'excellence…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Yannick Bodin. … n'est nullement contradictoire avec faire progresser le niveau de compétence des élèves peu performants.

Au vu de ces constats, quelles mesures allez-vous prendre, monsieur le ministre, pour inverser la tendance à l'aggravation des inégalités dans les écoles de notre pays et éviter que la prochaine enquête PISA, en 2012, ne fasse apparaître un nouveau recul de la France dans le classement international ?

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative publiée le 09/02/2011

Réponse apportée en séance publique le 08/02/2011

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, puisque vous n'avez pas adopté un ton polémique (Sourires), je vous répondrai sur le même registre…

Vous avez fait référence à l'action du Gouvernement en matière de politique éducative. À cet égard, je formulerai une simple remarque : les élèves qui ont été évalués en 2009 au titre de l'enquête PISA étaient alors âgés de 15 ans, ce qui signifie qu'ils sont entrés dans le système éducatif en 1997. Il s'agit donc des enfants des réformes qui ont été menées à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Christiane Demontès. Ce n'est pas vrai !

M. Luc Chatel, ministre. Ne voyez aucune malice dans cette remarque !

M. Roland Courteau. Et là, votre propos n'est pas polémique ?

M. Luc Chatel, ministre. Il convient simplement de bien appréhender les effets et les résultats des politiques éducatives.

M. Guy Fischer. C'est de la provocation !

M. Luc Chatel, ministre. Je note comme vous les carences de notre système éducatif. Nous cherchons à y remédier, par exemple en mettant en place des internats d'excellence, afin de permettre à des élèves issus de milieux défavorisés de réussir. On sait très bien que ce ne sera pas le cas s'ils ne sont pas davantage accompagnés sur les plans éducatif et culturel. Actuellement, 4 000 élèves bénéficient de ce nouveau dispositif. En matière d'égalité des chances, c'est un vrai progrès !

Par ailleurs, vous opposez l'élite et les élèves en grande difficulté.

Pour ma part, monsieur le sénateur, j'estime que nous devons relever le niveau de l'ensemble de nos élèves. Notre pays a besoin d'une élite. Or j'observe que, en Finlande, 15 % environ des élèves d'une classe d'âge font partie de l'élite, contre moins de 10 % en France. Nous avons besoin de jeunes très qualifiés, qui tendent vers l'excellence. L'école de la République doit aussi être capable d'emmener les élèves méritants le plus loin possible.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Ce n'est pas une question de mérite !

M. Luc Chatel, ministre. Dans le même temps, nous devons également faire en sorte que moins d'élèves quittent le système éducatif sans qualification, en renforçant l'accompagnement personnalisé. Tel est l'objectif de la politique de personnalisation tout au long de la scolarité que nous menons, pour inverser une tendance structurelle, dont l'origine remonte à plusieurs années.

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour la réplique.

M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, j'ai cru un instant que vous alliez reprocher à Charlemagne de n'avoir pas pensé plus tôt à inventer l'école ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Faisons le rêve que les internats d'excellence constituent effectivement une solution pour les élèves en grande difficulté, y compris sur le plan social. Pour autant, êtes-vous aujourd'hui en mesure de nous assurer qu'il y aura une place en internat d'excellence pour chacun d'eux ?

M. Guy Fischer. Non !

M. Luc Chatel, ministre. Cela concerne les élèves méritants à potentiel !

M. Yannick Bodin. Ce n'est pas en créant une dizaine d'établissements que vous réglerez le problème ! Il en faut quelques centaines ! Or, compte tenu des contraintes budgétaires que vous nous exposez régulièrement, pourrez-vous assurer une place à chaque élève concerné ?

Pour l'heure, la création de ces internats d'excellence n'est qu'une mesure d'affichage ! Des centaines de milliers d'élèves attendent à leurs portes, et ce n'est pas tolérable ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. C'est l'arbre qui cache la forêt !

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