Question de M. DUFAUT Alain (Vaucluse - UMP) publiée le 09/02/2011

Question posée en séance publique le 08/02/2011

Concerne le thème : Aggravation des inégalités sociales dans le système scolaire

M. Alain Dufaut. Depuis la rentrée scolaire de 2007, l'assouplissement – pour ne pas dire la suppression ! – de la carte scolaire a entraîné un effet pervers dans les établissements réputés difficiles, en particulier en zones d'éducation prioritaires et dans les collèges des réseaux ambition réussite.

M. Yannick Bodin. Bravo !

M. Alain Dufaut. On y assiste en effet à un « écrémage » des meilleurs élèves, qui partent dans d'autres établissements, quand ce n'est pas dans l'enseignement privé, et à une accentuation de la « ghettoïsation » des collèges et des lycées des quartiers défavorisés. La chambre régionale des comptes a d'ailleurs dénoncé, dans un rapport de mai 2010, le risque de création de « ghettos scolaires ».

J'ai le triste privilège d'être le conseiller général d'un canton où le premier des 254 collèges que compte le réseau ambition réussite, le collège Paul-Giéra, situé dans le quartier Monclar, à Avignon, a été fermé. Même si les vraies motivations de cette fermeture sont liées à des considérations politico-financières, il n'en reste pas moins que c'est en raison de l'assouplissement de la carte scolaire que le conseil général de Vaucluse a pris une telle décision.

Après une année d'expérience de redéploiement des élèves concernés dans deux collèges du centre-ville, le bilan éducatif et social marque un véritable fiasco.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. Alain Dufaut. L'hétérogénéité des classes rend insurmontable la tâche des équipes éducatives, tandis que l'absentéisme ne cesse de croître, du fait de l'éloignement du quartier en question. Enfin, la diminution des moyens ajoute encore aux difficultés, avec des enseignants non préparés à exercer devant ce public, un nombre d'élèves par classe plus élevé – vingt-six au lieu de vingt en zones d'éducation prioritaires –, moins de conseillers principaux d'éducation, aucune passerelle vers les sections d'enseignement général et professionnel adapté, plus d'école ouverte, etc.

À maintes reprises, j'ai attiré l'attention des responsables de l'éducation nationale sur ce sujet, y compris la vôtre, monsieur le ministre. J'ai même déposé une proposition de loi, le 1er septembre 2009, pour tenter d'instaurer une sorte de mixité à l'envers dans ce type d'établissements. Mais toutes ces démarches sont restées sans suite…

Monsieur le ministre, pourriez-vous m'indiquer quelles pistes sont explorées par l'éducation nationale afin d'optimiser l'« aire d'attraction » de ces établissements, qu'il s'agisse de la différenciation de l'offre de formation ou des modalités d'affectation des élèves ?

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative publiée le 09/02/2011

Réponse apportée en séance publique le 08/02/2011

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, si le Président de la République a voulu assouplir la carte scolaire, c'est parce que le système antérieurement en vigueur était absolument désastreux. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.) Il a conduit à la « ghettoïsation » que vous dénoncez aujourd'hui.

Nous avons donc assoupli – et non supprimé – le système, ce qui a permis à un certain nombre d'élèves boursiers, issus de milieux défavorisés ou handicapés de bénéficier de dérogations, alors que ce n'était pas possible précédemment.

S'agissant de l'exemple que vous avez évoqué, monsieur le sénateur, je ferai d'abord observer que l'éducation nationale ne ferme aucun collège sans l'avis de l'autorité organisatrice départementale, à savoir le conseil général, dont vous êtes membre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Un travail de concertation entre l'inspection académique et le conseil général de votre département a été mené en vue de réorganiser la carte scolaire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des sanctions !

M. Luc Chatel, ministre. Le nombre d'élèves moyen par division des collèges Frédéric-Mistral et Joseph-Vernet, qui ont accueilli les élèves de l'ex-collège Paul-Giéra, est aujourd'hui analogue à celui des établissements situés en zones d'éducation prioritaires.

Par ailleurs, les moyens qui étaient accordés au collège Paul-Giéra au titre du réseau ambition réussite ont été intégralement redistribués aux collèges d'accueil, et même majorés, monsieur le sénateur, puisqu'un poste supplémentaire de conseiller principal d'éducation a été attribué au collège Frédéric-Mistral. Les neuf assistants d'éducation du collège Paul-Giéra ont été transférés aux deux collèges d'accueil. Ce sont donc autant de moyens supplémentaires.

Monsieur le sénateur, avec le recul, il faut reconnaître que le transfert des élèves du collège Paul-Giéra a été bénéfique, sans que l'attractivité des établissements d'accueil en pâtisse, puisque, à l'échelle du département de Vaucluse, le collège Joseph-Vernet occupe la quatrième place à ce titre et le collège Frédéric-Mistral la seizième. J'ajoute que l'absentéisme a reculé dans ces établissements.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, je sais qu'il s'agit de décisions difficiles à prendre pour des élus, mais il est important d'étudier comment mieux répartir les moyens sur l'ensemble du territoire,…

M. Guy Fischer. Répartir la misère !

M. Luc Chatel, ministre. … afin que le système éducatif public puisse devenir plus performant. C'est ce que nous faisons au quotidien avec les élus locaux.

M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut, pour la réplique.

M. Alain Dufaut. Monsieur le ministre, il se trouve que les trois établissements en question, y compris les deux de centre-ville, sont situés dans mon canton, et que je participe à tous leurs conseils d'administration. Par conséquent, je suis bien placé pour savoir que la situation n'est pas aussi idyllique que n'a bien voulu vous le dire l'inspection académique ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

L'objectif n'est pas de remettre en cause l'assouplissement de la carte scolaire ; il est d'essayer de trouver des solutions efficaces pour éviter que ne s'aggrave la « ghettoïsation » des collèges et des lycées des quartiers difficiles, des zones d'éducation prioritaires ou des réseaux ambition réussite.

Instaurer une mixité à l'envers, comme je l'ai suggéré au travers de ma proposition de loi, serait à mon sens une bonne solution. La mixité ne se décrète pas ; il faut la favoriser par des moyens adaptés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Ivan Renar. Les moyens, c'est tout le problème !

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