Question de M. PIRAS Bernard (Drôme - SOC) publiée le 17/02/2011

M. Bernard Piras attire l'attention de M. le ministre de la ville sur les modalités de répartition des crédits d'intervention de la politique de la ville entre les territoires.

L'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSE) a revu fin décembre 2010 les modalités de répartition des crédits d'intervention de la politique de la ville entre les territoires. Il semblerait que le principal critère retenu soit la part de la population ZUS de chaque département. Or, les trois zones urbaines sensibles (ZUS) drômoises sont nettement sous-dimensionnées par rapport à d'autres ZUS du territoire. Ce sous-dimensionnement permet, comme à Romans et à Montélimar, de cibler de petits quartiers très homogènes socialement (mais dont les indicateurs sociaux sont nettement plus préoccupants que ceux de la moyenne des ZUS en France). Si le critère de la population ZUS est confirmé comme critère de ré-affectation des crédits par l'ACSE, il risque de pénaliser les quartiers homogènes (dont la population est plus réduite).

Une telle orientation conduit à s'interroger sur plusieurs points :

- si, comme l'indique le livre vert présenté en mars 2009, une réforme de la géographie prioritaire s'impose, pourquoi s'appuyer pour prendre une décision sur une géographie à réformer ?

- si une règle d'attribution doit permettre de sortir de l'attribution intuitive des crédits de la politique de la ville (point souligné aussi par le livre vert de mars 2009), cette règle ne doit-elle pas être discutée devant la représentation nationale plutôt qu'au sein du CA de l'ACSE ?

- au-delà, comment imagine-t-on à l'ACSE l'impact de réduction de crédits pouvant dépasser les 30 % sur certains territoires ? Qui doit être en capacité de se substituer aux financements étatiques ? Doit-on laisser les porteurs de projet (essentiellement des associations) faire leur affaire de réduction de recettes drastiques à leur échelle ?

- peut-on enfin disposer d'un tableau de synthèse présentant, département par département et quartier par quartier, les évolutions des enveloppes politique de la ville (CUCS et DRE essentiellement) entre 2010 et 2011?

Il lui demande s'il est en mesure de répondre à ces légitimes questions que de nombreux acteurs locaux de la politique de la ville se posent.

- page 371


Réponse du Ministère de la ville publiée le 06/04/2011

Réponse apportée en séance publique le 05/04/2011

M. Bernard Piras. Monsieur le ministre, l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ACSE, a revu, à la fin du mois de décembre 2010, les modalités de répartition des crédits d'intervention de la politique de la ville entre les territoires.

Il semblerait que le principal critère retenu soit la part, dans chaque département, de la « population ZUS », autrement dit le nombre d'habitants en zones urbaines sensibles.

Or, les trois ZUS drômoises sont nettement sous-dimensionnées par rapport à d'autres. Ce sous-dimensionnement permet, comme à Romans-sur-Isère et à Montélimar, de cibler de petits quartiers très homogènes socialement, mais dont les indicateurs sociaux sont nettement plus préoccupants que ceux de la moyenne des ZUS en France.

S'il est confirmé que la population ZUS sert de critère à la réaffectation des crédits par l'ACSE, cela risque de pénaliser les quartiers homogènes dont la population est plus réduite.

Une telle orientation conduit à s'interroger sur plusieurs points.

Tout d'abord, si, comme l'indique le Livre vert présenté en mars 2009, une réforme de la géographie prioritaire s'impose, pourquoi s'appuyer sur une géographie à réformer pour prendre une décision ?

Ensuite, si la définition d'une règle doit permettre de sortir de l'attribution intuitive des crédits de la politique de la ville – point également souligné dans le Livre vert –, cette règle ne doit-elle pas être discutée devant la représentation nationale plutôt qu'au sein du conseil d'administration de l'ACSE ?

Au-delà, comment imagine-t-on à l'ACSE l'impact de réduction de crédits pouvant dépasser les 30 % sur certains territoires ? Qui doit être en capacité de se substituer aux financements étatiques ? Doit-on laisser les porteurs de projet, essentiellement des associations, faire leur affaire de réductions de recettes drastiques à leur échelle ?

Enfin, peut-on disposer d'un tableau de synthèse présentant, département par département et quartier par quartier, les évolutions des enveloppes affectées à la politique de la ville – relatives, pour l'essentiel, aux contrats urbains de cohésion sociale et aux dispositifs de réussite éducative – entre 2010 et 2011 ?

Monsieur le ministre, êtes-vous aujourd'hui en mesure de répondre à toutes ces questions, que de nombreux acteurs locaux de la politique de la ville se posent ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Monsieur Piras, vous vous inquiétez des modifications que l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances a apportées aux modalités de répartition des crédits d'intervention de la politique de la ville entre les territoires.

Comme vous le soulignez, le Livre vert présenté en mars 2009 suggérait de revoir les critères de répartition territoriale des crédits de la politique de la ville.

Le Gouvernement a souhaité approfondir cette réflexion en 2011, de manière à dégager des hypothèses envisageables dans le cadre d'une future réforme de la géographie prioritaire. Il a voulu donner de la lisibilité et de la visibilité aux acteurs de terrain, au premier rang desquels figure l'ensemble du tissu associatif – auquel vous avez rendu un hommage tout à fait justifié –, en prolongeant les contrats urbains de cohésion sociale jusqu'en 2014. Il s'agit d'une décision importante prise très officiellement lors d'une réunion du Comité interministériel des villes présidée par le Premier ministre, François Fillon. Voilà qui mérite d'être souligné, car, comme tous les maires le savent, le système manquait jusqu'à présent de clarté.

Il n'en demeure pas moins qu'il a fallu, dans un contexte de nécessaire maîtrise des dépenses publiques, procéder à la répartition territoriale des crédits de la politique de la ville.

Cette répartition, qui n'anticipe en aucune manière la réforme de la géographie prioritaire, a été effectuée, sous le contrôle de son conseil d'administration, par l'ACSE, en utilisant des critères classiques et éprouvés, notamment l'importance de la population des quartiers, critère objectif et absolument incontestable utilisé sous tous les gouvernements qui se sont succédé dans notre pays au cours des vingt dernières années.

Par ailleurs, j'ai souhaité que l'ACSE privilégie l'utilisation des crédits sur les axes thématiques qui m'apparaissent comme prioritaires : l'éducation, l'emploi, le développement économique, la prévention de la délinquance et la santé. Je suis sûr que vous partagez ces priorités. De plus, j'ai demandé à l'Agence de veiller à une mobilisation maximale des moyens de droit commun, notamment là où les crédits de la politique de la ville ne doivent être qu'un complément.

J'ai souhaité qu'un effort particulier soit engagé en faveur des associations, afin, d'une part, de simplifier la procédure de demande de subventions et, d'autre part, de leur verser celles-ci beaucoup plus rapidement pour réduire de manière très sensible les frais financiers qu'elles supportent.

Je m'arrête un instant sur ce point car il est à mes yeux très important. Les crédits en question ont été votés à l'ACSE le 20 décembre dernier, puis, sur mon instruction, délégués très rapidement, en janvier, aux préfets de tous les départements concernés. J'ai demandé à ces derniers de les mettre à disposition au plus tôt, le dernier délai étant fixé à la fin du mois : ce sera d'ailleurs une première en France. Je considère en effet que les crédits de l'État ne doivent pas servir aux associations à payer à la banque les agios nés de la subvention de l'année n-1.

Monsieur Piras, comme vous le savez, il faut aussi resituer ces crédits dans le cadre des moyens que l'État consacre à la politique de la ville, qui ne se résument pas aux seuls crédits du programme budgétaire du même nom.

Ainsi, la dotation de solidarité urbaine a été augmentée de 6 % et la dotation de développement urbain maintenue à son niveau de 2010 : vous conviendrez aisément que, dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, c'est un effort substantiel, d'autant qu'il n'est trop souvent question que des crédits de l'ACSE. Or, je le dis sans esprit polémique, la dotation de solidarité urbaine permet également aux communes de financer le tissu associatif et les actions de la politique de la ville.

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, que la réponse de M. le ministre a dû convaincre ! (Sourires.)

M. Bernard Piras. Vous anticipez mes propos, monsieur le président ! Laissez-moi parler ! Après quoi, vous verrez si je suis convaincu ! (Nouveaux sourires.)

Pour l'instant, je note que des efforts sont faits pour instaurer le dialogue. Et je remercie M. le ministre pour la rapidité avec laquelle les crédits seront débloqués afin d'éviter aux associations de payer des agios.

Je voudrais, en revanche, vous sensibiliser sur un point, le critère « population ». Je ne conteste nullement la hiérarchie des priorités que vous établissez pour les actions que vous menez. Ces priorités, je les partage. Je veux simplement attirer votre attention sur le fait que le seul critère de la population ne me semble pas suffisant. Il y a des « poches » dans lesquelles la population est plus faible qu'ailleurs et où les problèmes se posent avec une acuité plus forte. Cet élément devrait, à mon sens, être pris en compte, en tout cas dans le cadre de la réforme que vous envisagez de mettre en place en 2011. Si je suis assez sensible à cet aspect et vous interpelle à son propos, c'est parce que ma commune s'est vue quelque peu spoliée sur un certain nombre de crédits.

- page 2410

Page mise à jour le