Question de M. SERGENT Michel (Pas-de-Calais - SOC) publiée le 03/02/2011

M. Michel Sergent attire l'attention de M. le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique sur l'instauration d'un commissaire du Gouvernement au sein de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP).
Lors de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement instaurant le poste de commissaire du Gouvernement auprès de l'ARCEP.
Ses missions seraient multiples puisqu'il s'agirait de « faire connaître les analyses du Gouvernement, en particulier en ce qui concerne la politique en matière postale et de communications électroniques ». S'il ne participe pas aux délibérations, il aura la possibilité de « faire inscrire à l'ordre du jour de la commission toute question intéressant la politique en matière postale ou de communications électroniques ou entrant dans les compétences de l'autorité. L'examen de cette question ne peut être refusé ».
Cette intervention gouvernementale permettra à l'exécutif de disposer d'une oreille et d'une voix au sein de cette autorité administrative en principe indépendante.
Cet amendement a provoqué un tollé : SFR, Bouygues Telecom et l'UFC-Que Choisir ont saisi la Commission européenne sur la question.
La commissaire européenne en charge des télécoms, Neelie Kroes, a demandé à la France de revoir sa position sur cette nomination. Elle précise que l'ARCEP, comme tout régulateur européen, doit être « totalement indépendante et impartiale ». L'immixtion d'un membre nommé par le pouvoir politique semble donc être mal venue.
D'autre part, nous sommes au coeur d'un conflit d'intérêt, car l'État est toujours le principal actionnaire de France Télécom à hauteur de 26,73%. Or l'ARCEP est régulièrement amenée à se prononcer sur des conflits qui opposent des opérateurs privés à l'opérateur historique.
Il rappelle que, le mercredi 26 janvier 2011, un rapport de la Commission de réflexion sur la prévention des conflits d'intérêts, dans lequel des propositions sont faites pour éviter tout conflit d'intérêt dans la vie publique, a été remis au Président de la République.
Le chef de l'Etat a décidé qu'un projet de loi sur la déontologie dans la vie publique serait déposé cette année au Parlement.
«Ce projet de loi renforcera le lien de confiance indispensable que doivent avoir les citoyens dans les institutions de la République et les administrations publiques de l'État », a-t-il affirmé.
Ainsi, il lui demande de lui indiquer si le Gouvernement entend revoir sa position afin de remédier à ce problème concernant l'ARCEP.

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Réponse du Ministère chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique publiée le 28/04/2011

Cette disposition présentée par le Gouvernement n'a pas été adoptée par le Parlement. Néanmoins, le Gouvernement avait apporté les précisions suivantes à la Commission européenne : l'amendement instaurant un commissaire du Gouvernement auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) avait été déposé préalablement à l'examen à l'Assemblée nationale du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques, qui a eu lieu le 13 janvier 2011. L'amendement prévoyait que le commissaire du Gouvernement fasse connaître les analyses du Gouvernement en particulier en ce qui concerne la politique postale et de communications électroniques ; puisse faire inscrire à l'ordre du jour de l'Autorité toute question intéressant la politique en matière postale ou de communications électroniques ; se retire lors des délibérations de l'Autorité. L'objectif de cet amendement était de contribuer au renforcement du dialogue entre le Gouvernement et l'ARCEP, dans le respect de leurs prérogatives, rendu indispensable compte tenu des enjeux toujours plus importants du développement de l'économie numérique et de l'imbrication étroite de leurs pouvoirs réglementaires respectifs. Ainsi, à titre d'exemple, concernant le déploiement de la fibre optique, la loi confie à l'ARCEP la compétence de réglementer les conditions d'installation dans les immeubles anciens et au Gouvernement celle de fixer les conditions de précâblage des immeubles neufs. Dans un autre domaine, celui de l'attribution des fréquences, la loi donne à l'ARCEP un pouvoir de proposition et au Gouvernement un pouvoir de décision de manière générale, la mise en place d'un commissaire du Gouvernement était destinée à fournir une meilleure garantie de la cohérence de l'action publique. À cette fin, le commissaire du Gouvernement avait vocation à permettre l'expression du point de vue des services de l'État devant le collège de l'ARCEP, sans pour autant détenir de voix délibérative ni avoir la possibilité de participer ou même d'assister au débat délibératif au sein du collège. L'État exerce vis-à-vis des entreprises des rôles multiples ; il peut être tout à la fois leur actionnaire, leur client et en charge de réglementer et réguler leur secteur d'activité. Afin de bien distinguer ces missions et de mieux identifier, au sein de l'État, le métier d'actionnaire, l'Agence des participations de l'État (APE) a été créée en 2004 et est pleinement opérationnelle depuis lors. En outre, le commissaire du Gouvernement, ainsi que l'envisageait le texte issu de l'examen à l'Assemblée nationale, n'a pas le pouvoir de donner des instructions à l'ARCEP. Il peut seulement « faire connaître les analyses du Gouvernement » et ne remet donc pas en cause la séparation structurelle entre le Gouvernement et cette autorité administrative indépendante. Afin de préserver pleinement la liberté de décision de l'ARCEP, il se retire au moment des délibérations et n'y assiste donc pas. La disposition introduite ne remet en cause aucune des garanties de l'indépendance de l'ARCEP prévues par la loi, dont notamment le caractère inamovible de ses membres, dont le mandat n'est par ailleurs pas renouvelable ; l'incompatibilité de la fonction de membre de l'ARCEP avec toute autre activité professionnelle, tout mandat électif, toute détention d'intérêt dans une entreprise du secteur postal ou du secteur des communications électroniques ; l'impossibilité pour quiconque en dehors du juge de suspendre ou d'annuler une décision de l'ARCEP. S'agissant des informations en provenance de l'ARCEP et recueillies dans le cadre de l'exercice de ses fonctions, le commissaire du Gouvernement serait tenu, en tant que fonctionnaire de l'État, au secret professionnel conformément aux dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983. Il ne saurait donc compromettre, y compris de manière non intentionnelle, les secrets protégés par la loi, en particulier le secret en matière industrielle et commerciale, le non-respect de cette obligation étant lourdement sanctionné par le code pénal. Ces responsabilités imposent au commissaire du Gouvernement la plus grande diligence dans la gestion et la manipulation des informations couvertes par le secret des affaires qui lui seront communiquées par l'ARCEP. Outre ces obligations liées au respect professionnel, l'organisation des services de l'État assure par ailleurs l'indépendance effective du commissaire du Gouvernement vis-à-vis de l'exercice des activités de l'État actionnaire. Le Gouvernement reste donc convaincu que la mise en place d'un commissaire du Gouvernement, entourée des précautions indiquées, aurait été pleinement conforme aux dispositions du paquet télécom mentionnées dans la lettre, et plus généralement au droit de l'Union européenne. Il aurait contribué de manière significative à la cohérence de l'action publique en matière de communications électroniques et, par conséquent, à l'efficacité de la mise en oeuvre du paquet télécom.

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