Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC-SPG) publiée le 24/02/2011

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration sur les modalités d'utilisation des Taser X26 en France par les forces de l'ordre et les agents de police municipale.
Le Taser X26 a été utilisé par les forces de l'ordre à 105 reprises en 2006. M. le ministre de l'intérieur a indiqué le 25 janvier que ces armes de quatrième catégorie auraient été utilisées 815 fois en 2010. Cela représente une augmentation de 776 % depuis 2006.
Il est à rappeler que, selon la réponse officielle de la France au comité européen pour la prévention de la torture en 2007, 83 % des usages du Taser X26 par la gendarmerie nationale ne relevaient ni de la légitime défense ni de l'état de nécessité prioritairement envisagés dans les procédures internes.
Par ailleurs, l'instruction d'emploi du directeur général de la police nationale du 9 mai 2007, relative à l'utilisation des pistolets à impulsion électrique, stipulait notamment que le fonctionnaire de police susceptible d'utiliser le Taser X26 doit tenir compte « des éléments objectifs ou présumés concernant l'état des personnes présentant une vulnérabilité particulière, comme par exemple […] les personnes sous l'influence de stupéfiants et les individus dans un état de délirium agité. » Des précautions semblables sont énoncées dans les recommandations d'emploi relatives à l'utilisation par les agents de police municipale du pistolet à impulsion électrique émanant du ministre de l'intérieur et datant du 11 juin 2010.
À la lumière de ces documents comment comprendre dès lors les propos de M. le ministre de l'intérieur indiquant le 25 janvier dernier que « les forces de l'ordre sont souvent confrontées à des personnes en état de démence temporaire ; dans 54 % des cas, l'utilisation du pistolet à impulsion électrique est liée à la nécessité de réduire l'agressivité et la résistance de ces personnes, souvent sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants. » ?
Elle lui demande également d'indiquer pourquoi, dans la circulaire du 11 juin 2010 à l'attention des agents de police municipale, les malades cardiaques ne sont plus mentionnés alors qu'ils l'étaient dans la circulaire du 9 mai 2007 à l'attention de la police nationale. Il est également à noter que, si la circulaire du 9 mai 2007 mentionne les femmes enceintes parmi les personnes présentant une vulnérabilité particulière, celle du 11 juin 2010 n'interdit l'emploi du Taser X26 qu'envers les femmes « visiblement enceintes ».
Enfin elle souhaite qu'il lui indique précisément dans combien de cas les usages en 2010 du Taser X26 par les forces de l'ordre n'ont relevé ni de la légitime défense, ni de l'état de nécessité prioritairement envisagés dans les procédures internes.

- page 447

Transmise au Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration


Réponse du Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration publiée le 17/05/2012

Le ministre de l'intérieur souhaite en premier lieu rappeler que les policiers et les gendarmes exercent, avec professionnalisme et courage, une mission difficile et dangereuse. Chaque année, plus de 12 000 d'entre eux sont blessés dans l'exercice de leurs fonctions et 5 sont décédés en 2011. Alors que se multiplient les agressions à leur encontre, visant à les blesser voire à les tuer, ils doivent disposer de tous les moyens leur permettant d'assurer leur sécurité et celle de la population. C'est dans ce cadre que policiers et gendarmes sont dotés de moyens de force intermédiaire, notamment de pistolets à impulsions électriques (PIE). La France n'est évidemment pas le seul pays à s'équiper de tels moyens : la plupart de nos partenaires européens ont également fait ce choix. Strictement encadré et contrôlé, l'emploi des moyens de force intermédiaire s'exerce dans le respect du droit. Tout est mis en œuvre pour que l'emploi de ces armes, dont le danger n'est pas sous-estimé, s'exerce dans des conditions maximales de sécurité. Les engagements sont subordonnés à une formation spécifique, les fonctionnaires et militaires autorisés à les employer doivent disposer d'une habilitation individuelle et seules les unités les plus exposées en sont dotées. L'emploi de ces armes relève du cadre juridique général de l'usage de la force, précisé par diverses instructions, régulièrement mises à jour pour tenir compte de l'expérience, de l'évolution des connaissances médicales et des données techniques. Le parlementaire voudra bien à cet égard noter que la dernière instruction d'emploi relative à l'utilisation des PIE par les policiers est une instruction du 12 avril 2012, qui a remplacé celle du 26 janvier 2009 qui elle-même abrogeait celle du 9 mai 2007 citée dans la question. Cependant, aucune des modifications apportées à cette instruction en 2012 ne concerne les points évoqués par la sénatrice. L'instruction du 12 avril 2012 prévoit effectivement que « le fonctionnaire tient compte des éléments objectifs ou présumés concernant l'état des personnes présentant une vulnérabilité particulière » (« femmes enceintes », « individus dans un état d'excitation extrême », etc.), tout en précisant : « lorsque les circonstances le permettent ». Les interventions, il importe de le garder à l'esprit, concernent en effet fréquemment des personnes faisant preuve d'une grande violence physique, ainsi que des personnes sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants. De telles circonstances ne laissent parfois au fonctionnaire ou au militaire de la gendarmerie, pour maîtriser une personne tout en sauvegardant l'intégrité physique, voire la vie, de lui-même ou d'autrui, d'autre choix que d'utiliser une arme. L'usage d'un PIE permet alors d'éviter le recours à une arme à feu. De même, à défaut de signes évidents, il peut être difficile pour un policier ou un gendarme de s'apercevoir de la pathologie cardiaque d'un individu. C'est pourquoi ces éléments figurent dans l'instruction comme « précautions d'emploi » et non au titre des « restrictions et interdictions d'emploi ». S'agissant du nombre et des circonstances d'usage du PIE, l'augmentation du nombre d'utilisations depuis 2006 s'explique notamment par le fait que cette arme a d'abord, à partir de 2004, été expérimentée par des unités spécialisées et ne figure que depuis 2006 dans les moyens de force intermédiaire disponibles pour les fonctionnaires de police. Son utilisation s'est ensuite intensifiée jusqu'en 2009. En tout état de cause, elle demeure rare au regard des millions d'interventions réalisées chaque année et de la dangerosité des missions. Dans la police nationale, le nombre d'emplois du PIE, qui ne se confond pas avec le nombre de tirs, puisque les simples pointages sont aussi recensés, est pratiquement stable en 2011, avec 823 utilisations (contre 815 utilisations en 2010 et 907 en 2009). La gendarmerie nationale, pour sa part, a employé le PIE 473 fois en 2011 (contre 522 fois en 2010 et 488 fois en 2009) : dans 16 % des cas en état de légitime défense (art. 122-5 du code pénal), dans 18 % des cas pour appréhender l'auteur d'un crime ou délit flagrants (art. 73 du code de procédure pénale), dans 24 % des cas en état de nécessité (art. 122-7du code pénal) et dans 42 % des cas dans le cadre de l'article L. 2338-3 du code de la défense (essentiellement pour vaincre une résistance). Pour la police nationale, l'instruction d'emploi du 12 avril 2012 précise que le cadre juridique d'emploi du PIE relève prioritairement de la légitime défense, mais également de l'état de nécessité et de l'interpellation de l'auteur d'un crime ou d'un délit flagrants, dangereux ou violent. Les statistiques établies ne différencient pas selon le cadre juridique d'utilisation du PIE, mais selon le mode d'usage de l'arme. Ainsi, les policiers ont eu recours au PIE 350 fois en 2011 (contre 288 fois en 2010) : 61 fois en mode dissuasif (simple pointage laser, sans décharge électrique), 226 fois par contact direct et 63 fois en mode tir à distance. Depuis le 11 janvier 2012, la police nationale a mis en place un traitement informatisé de suivi de l'usage des armes (TSUA) qui permettra de recueillir de façon précise et exhaustive l'ensemble des données relatives aux tirs. Dans les hypothèses de blessures comme dans les cas où l'usage légitime de ces armes est mis en doute, des enquêtes judiciaires ou disciplinaires sont systématiquement effectuées. Ces situations demeurent cependant exceptionnelles. En 2011, les services de police n'ont par exemple pas été saisis pour des faits d'usage irrégulier du PIE. Dans la gendarmerie nationale, aucun dommage corporel résultant de l'emploi du PIE n'a été directement recensé. Si des blessures superficielles peuvent être déplorées, elles sont pour la plupart dues à la chute de la personne interpellée (3 cas en 2011 : 2 personnes blessées superficiellement suite à leur chute et une ayant fait un malaise sans conséquences sérieuses). Au-delà de l'usage du PIE, aucun décès n'a été à ce jour judiciairement imputé à l'utilisation de moyens de force intermédiaire en France. En conclusion, il est nécessaire de rappeler que l'utilisation de ces armes permet d'exercer une contrainte légitime de manière strictement nécessaire et proportionnée face à des comportements violents ou dangereux. Elle présente certes des risques mais elle permet d'éviter l'alternative, incomparablement plus dangereuse, du recours aux armes à feu.

- page 1259

Page mise à jour le