Question de M. RAOULT Paul (Nord - SOC) publiée le 24/02/2011

M. Paul Raoult appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la défense et des anciens combattants, sur la reconnaissance des maladies professionnelles des militaires et anciens militaires.
En effet, la prise en compte des maladies professionnelles pour les personnels militaires est assujettie à la réglementation du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG) lequel, contrairement aux autres régimes de protection sociale, n'intègre pas la notion de maladie professionnelle et soumet donc ses ressortissants à prouver qu'il existe un lien direct, certain et déterminant entre ce dont ils souffrent et leur activité militaire présente ou passée.
Ceci entraîne des démarches particulièrement longues face à une administration très souvent extrêmement rétive à admettre sa responsabilité dans les pathologies qui les affectent.
Cette situation apparaît d'autant plus choquante qu'elle s'accompagne, dans le cas particulier des personnels exposés à l'amiante, de l'interdiction pour les militaires de demander à bénéficier de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), ce qui constitue une discrimination reconnue par le rapport n° 2822 de la Mission parlementaire d'information sur la prise en charge des victimes de l'amiante qui, remis le 29 septembre 2010 à l'Assemblée nationale, a recommandé sa disparition.
Au-delà du règlement dans les meilleurs délais de ce cas spécifique et particulièrement difficile à admettre, il apparaît également souhaitable que le CPMIVG reconnaisse les maladies professionnelles « hors guerre » et que ce soit à l'administration d'apporter la preuve que les pathologies qui lui sont présentées ne sont pas dues à l'activité des personnels concernés. Enfin, des aménagements des procédures visant à réduire le délai de traitement des dossiers semblent à la fois possibles et nécessaires.
Il lui demande donc de lui indiquer quelles dispositions il compte prendre à ce sujet.

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Réponse du Ministère de la défense et des anciens combattants publiée le 14/07/2011

Le régime de la sécurité sociale relatif à l'indemnisation de l'invalidité, auquel sont affiliés les salariés du secteur privé, et celui du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG), dont relèvent les militaires, sont deux régimes distincts, ayant chacun leur cohérence, qui ne sauraient, dans leur globalité, être déclarés plus favorable l'un que l'autre. Concernant la prise en compte des maladies professionnelles des militaires, le CPMIVG dispose que le droit à pension peut être ouvert, soit au titre de la preuve, soit par présomption d'imputabilité au service. Si le régime de la preuve impose effectivement au militaire d'établir l'imputabilité de l'affection à un fait de service, l'administration effectue également, dans la pratique, toutes les enquêtes nécessaires, considérant qu'il est de son devoir de prévenir les éventuelles difficultés engendrées par les démarches de reconnaissance des pathologies découlant des activités de service. À cet effet, l'attention des gestionnaires du personnel a toujours été appelée sur la nécessité d'établir, avec le plus grand soin et la plus grande objectivité possible, les circonstances de chaque accident ou maladie ayant causé l'infirmité donnant lieu à la demande de pension, mais aussi d'assister les militaires dans leurs démarches. Le CPMIVG prévoit également que le droit à pension peut être ouvert par présomption d'imputabilité de la pathologie au service. Cette présomption est applicable à tous les militaires en temps de guerre ou en opérations extérieures, ainsi qu'aux appelés ayant servi en temps de paix pendant la durée de leur service national, à condition que la blessure ait été officiellement constatée entre le premier et le dernier jour de service, et la maladie entre le 90e jour de service et le 60e jour suivant le retour du militaire dans ses foyers. Dans ces circonstances, il appartient alors à l'administration de démontrer que l'infirmité subie est consécutive à une faute de l'intéressé et détachable du service. Si une telle preuve ne peut être apportée, alors la présomption d'imputabilité est infirmée. Au regard des dispositions qui précèdent, l'imputabilité au service des maladies d'apparition différée, telles que celles liées à l'exposition à l'amiante, ne peut donc être admise, pour les militaires, que par le régime de la preuve. Si ce régime est parfois considéré comme étant moins adapté à la reconnaissance des pathologies à caractère professionnel que celui de la sécurité sociale, il doit être rappelé que la démarche d'imputabilité par preuve peut être entamée par tout moyen et à tout moment. Par ailleurs, la jurisprudence du Conseil d'État admet que la preuve puisse résulter d'un « faisceau de présomptions », au cas par cas, en tenant compte de tous les éléments d'appréciation du dossier, scientifiques et juridiques, et en tenant compte des règles utilisées par les autres régimes comme éléments de comparaison. Le raisonnement médical de l'imputabilité repose alors sur l'analyse du poste de travail du militaire, sur les risques effectivement rencontrés et sur l'existence d'une pathologie pour laquelle les connaissances scientifiques actuelles admettent un lien avec les risques auxquels le militaire a été exposé. À cet égard, sans avoir de valeur impérative, les listes de maladies professionnelles du code de la sécurité sociale constituent une source d'informations importantes. Par ailleurs, le dispositif de suivi post-professionnel pour les militaires exposés à des produits cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction, mis en place prochainement, est destiné à non seulement renforcer la prévention des maladies découlant de l'activité professionnelle, mais aussi à faciliter, s'il en était besoin, la démonstration future de l'imputabilité d'éventuelles infirmités. De plus, l'imputabilité au service examinée par un médecin agréé indépendant de l'administration, ainsi que la possibilité de contester le constat provisoire par lequel est notifié le résultat de l'instruction administrative et médico-légale de la demande de pension d'invalidité devant la commission de réforme, donnent des garanties d'examen impartial et complet des requêtes. Les dispositions du CPMIVG et leur mise en oeuvre se révèlent donc équilibrées et permettent d'examiner les demandes d'indemnisation pour des pathologies d'apparition différée, en tenant compte de tous les éléments d'appréciation figurant au dossier des requérants. Dans le cadre du dispositif de prise en compte des maladies professionnelles prévu par le régime de la sécurité sociale, il est rappelé que la survenue d'une pathologie ne permet pas d'ouvrir, à elle seule, le droit à indemnisation. Si, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans l'un des tableaux des maladies professionnelles annexés au code de la sécurité sociale, cette présomption d'imputabilité est toutefois soumise à des conditions strictes et déterminantes : de délais, dits « délais de prise en charge », dans lesquels la maladie doit survenir pour être qualifiée de « professionnelle » ; d'activités professionnelles : le salarié doit avoir exercé une des activités professionnelles visées très précisément par le tableau et considérées comme susceptibles de provoquer la maladie ; d'exposition à des substances expressément énumérées, et pendant une durée minimale déterminée. Si ces conditions ne sont pas remplies, il appartient alors au salarié du secteur privé de démontrer l'imputabilité directe de sa pathologie à l'activité qu'il a exercée. Les procédures pour y parvenir sont longues et contraignantes, étant précisé que la notion « d'éventualité de l'exposition » n'est aucunement prise en compte par le régime général. Le CPMIVG, pour sa part, n'impose aucune de ces exigences : il ne fixe pas de restriction quant au délai de survenance de la pathologie, à l'environnement professionnel du militaire au moment des faits, ou à ses conditions d'exposition au risque ; il ne détermine aucun périmètre aux pathologies qu'il est en mesure d'indemniser. Ce point constitue par ailleurs l'un des principes fondamentaux du régime de l'imputabilité par preuve. Le CPMIVG n'est donc pas moins protecteur que le code de la sécurité sociale. Concernant l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), destinée à permettre à certains salariés du secteur privé, exposés à l'amiante lors de travaux limitativement énumérés, de cesser leur activité avant l'âge légal de départ en retraite, son dispositif prévoit que l'âge auquel il est possible d'en bénéficier est soixante ans diminué du tiers des années durant lesquelles le demandeur a été exposé à l'amiante. Ainsi, un départ à cinquante ans, âge minimal, nécessite de réunir trente ans d'exposition. Dans ces conditions, une transposition de ces mêmes dispositions aux militaires ne peut être envisagée dans la mesure où le statut des militaires leur fait d'ores et déjà bénéficier d'un dispositif plus favorable permettant un départ anticipé avec une liquidation immédiate de leur pension de retraite avant l'âge de cinquante ans. Par ailleurs, les dispositions du CPMIVG permettent d'indemniser, selon un régime propre au statut militaire, des pathologies notamment imputables à l'exposition à l'amiante. Le bénéfice du dispositif de l'ACAATA ne paraît donc pas s'imposer. S'agissant des anciens militaires, ils perçoivent une pension militaire de retraite dont le calcul intègre les années d'exposition à l'amiante. Or, selon une jurisprudence constante du Conseil d'État (CE, 6 juin 1980, M. Garnier), une même période d'activité ne peut être prise en considération pour l'attribution de deux prestations liées à la durée des services. Par conséquent, il n'est pas possible, en droit, de prendre en compte les années de services militaires pour le calcul des années d'exposition à l'amiante ouvrant droit au dispositif de l'ACAATA. Dès lors, les différences constatées entre les dispositions relevant du régime général et celles du CPMIVG tiennent au fait que les militaires et les salariés du privé ne sont pas placés dans la même situation vis-à-vis du droit à l'ACAATA, ni au regard de leurs fonctions respectives. Dans leur globalité, aucun de ces régimes ne peut être considéré comme plus favorable l'un par rapport à l'autre. En revanche, une réflexion est menée concernant la situation des anciens militaires reconvertis dans le secteur privé, sans droit à pension, et plus largement, celle de l'ensemble des fonctionnaires devenus salariés du privé. En effet, certains d'entre eux ont effectué, durant leur carrière au sein de l'une des fonctions publiques, des travaux identiques à ceux ouvrant droit au dispositif de l'ACAATA. Or, ces personnes ne peuvent aujourd'hui bénéficier de ce droit, ou voient leur départ en retraite différé, du fait de l'absence de prise en compte de ces années d'exposition. Il est envisageable que le droit à l'ACAATA puisse être apprécié en prenant en considération l'ensemble des activités de même nature accomplies durant toute une carrière, quels que soient les différents régimes successifs d'affiliation de l'intéressé. Pour entreprendre cette réforme, appelée de ses voeux par la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la prise en charge des victimes de l'amiante, il conviendrait au préalable de modifier l'article 41 de la loi no 98-1194 portant financement de la sécurité sociale pour l'année 1999 et instituant l'ACAATA. Dans la mesure où, par équité, le principe d'équivalence entre les différentes périodes de travail d'exposition à l'amiante devra concerner tous les actifs et pas uniquement les militaires radiés des cadres ou des contrôles sans droit à pension militaire de retraite ou à pension d'invalidité, une évolution de la législation en vigueur ne peut être envisagée par le ministère de la défense et des anciens combattants, que dans le cadre de travaux menés à l'initiative du ministère chargé du travail.

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