Question de M. CHEVÈNEMENT Jean-Pierre (Territoire de Belfort - RDSE) publiée le 04/03/2011

Question posée en séance publique le 03/03/2011

Concerne le thème : Situation en Afghanistan

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre, le Président afghan, M. Hamid Karzaï, va annoncer le 21 mars – dans trois semaines – quand et où l'armée afghane va prendre le relais des troupes internationales.

Il est souhaitable que soit concerné d'emblée le district de Surobi où, selon votre prédécesseur M. Alain Juppé, s'exprimant devant la commission des affaires étrangères et de la défense, la sécurité a été rétablie par les troupes françaises au courage et au stoïcisme desquelles je veux rendre hommage.

La Grande-Bretagne a annoncé son retrait au plus tard en 2014. Le Président Sarkozy a, quant à lui, déclaré que nous n'étions pas liés par ces délais et que nous serions là « dans la durée ». Une formulation aussi générale est-elle bien raisonnable, dès lors que le principe de retrait a été posé par la Conférence de Lisbonne ?

La décision dépend, vous l'avez rappelé, d'un organisme, le JANIB – Joint Afghan Nato Intiqual Board ; Intiqual signifie « transition » en pachtoun –, qui réunit les responsables afghans de la sécurité et le commandement de l'Alliance. En dernier ressort, c'est le Président Karzaï qui tranchera. Au sein de cet organisme, nous sommes représentés depuis peu par notre ambassadeur. Mais une prise de position officielle à votre niveau y contribuerait, monsieur le ministre, puisque, je le répète, les conditions de l'afghanisation dans le district de Surobi sont réunies et que l'afghanisation va commencer dans une vingtaine de jours. Or je crois comprendre de vos propos que la fin de l'année 2011 vous conviendrait tout aussi bien.

Vous vantez les réalisations sur le terrain. Mais, monsieur le ministre, je crois rêver : j'ai connu la fin de l'Algérie française et j'ai l'impression, en vous écoutant, que nous sommes en 1961-1962.

M. le président. Posez votre question !

M. Jean-Pierre Chevènement. Ma question, la voici : puisque la transition est désormais irréversible, n'est-il pas préférable de définir avec l'ensemble de nos alliés un calendrier harmonisé de retrait pouvant, certes, comporter des flexibilités mais permettant de commencer à diminuer sans tarder nos effectifs engagés ?

Deuxième question : ne serait-il pas opportun d'associer la France au processus de la transition et, donc, aux contacts qui seront pris dans le cadre d'une éventuelle « réconciliation » ?

Qu'en est-il, à cet égard, de notre politique à l'égard du Pakistan, dont il serait utile de connaître les intentions en vue de faciliter la transition et de permettre la réconciliation des différentes factions pachtounes dès lors qu'elles se seraient clairement dissociées de l'entreprise du terrorisme international d'Al-Quaïda ?

M. le président. Mon cher collègue, je vous en prie, posez votre question.

M. Jean-Pierre Chevènement. J'attire votre attention sur le fait que nos troupes ne doivent pas être embarquées – embeded, comme disent les Américains – dans un processus sur lequel nous n'aurions aucun contrôle. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. le président. Monsieur Chevènement, vous avez consommé en partie le temps qui vous était alloué pour une éventuelle réplique.

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Réponse du Ministère de la défense et des anciens combattants publiée le 04/03/2011

Réponse apportée en séance publique le 03/03/2011

M. Gérard Longuet, ministre. Cher Jean-Pierre Chevènement, il y a un projet politique. Il consiste à transmettre à un État afghan, à une structure afghane, à une armée afghane, à une police afghane la responsabilité de gérer un grand pays, qui a une très longue histoire mais qui n'est assurément pas une société moderne au sens où le sont les démocraties d'aujourd'hui.

L'intervention de M. Yves Pozzo di Borgo nous le rappelait – bien qu'il s'agisse non du monde arabe mais, en l'occurrence, du monde musulman –, il se produit un immense changement. Il bouscule les idées communes, notamment le sentiment que c'était un monde à part, hermétique aux idées de liberté, de responsabilité individuelle et de démocratie, un monde qui, au fond, semblait condamné à choisir entre des régimes autoritaires plus ou moins laïcs ou laïcisants et, au contraire, des régimes islamiques.

Nous avons quelque chose de nouveau, dont nous ne savons pas ce qu'il sortira.

En Afghanistan, nous essayons de faire évoluer une société en créant une structure d'État.

Très concrètement, s'agissant du secteur de Surobi, nous pensons pouvoir saisir le JANIB afin d'obtenir une décision du président Karzaï et de pouvoir en effet passer la main.

En ce qui concerne la Kapisa, les efforts sont en cours, le calendrier ne sera absolument pas le même.

Il existe une différence profonde entre les deux situations : lorsque nous aurons transmis la responsabilité, nous redeviendrons libres de nos moyens. Et je n'imagine pas un seul instant que le Gouvernement ne propose pas, à un moment ou un autre, un débat public, et d'abord au Parlement, sur l'évolution de nos engagements quand nous aurons fait notre travail et passé la main aux responsables afghans. Car tel est bien le projet politique de l'alliance internationale : faire émerger un État.

Nous sommes loin des ambiguïtés que vous évoquiez voilà quelques instants et qui ont attristé des pages de notre histoire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour la réplique, en quelques secondes.

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre, il faudrait redéployer nos moyens vers une présence civile, conformément à une belle et grande tradition de la France. Je pense aux lycées, aux centres culturels, aux hôpitaux (M. Jean-Louis Carrère applaudit.), aux musées, aux fouilles archéologiques, ainsi qu'à la coopération universitaire et scientifique.

M. Jean-Louis Carrère. Très bien !

M. Jean-Pierre Chevènement. Il faudrait que ce retrait rapide de nos forces débouche sur un retour de la France dans des domaines où elle était traditionnellement présente.

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Jean-Pierre Chevènement. Nous voyons l'Inde et la Chine multiplier leurs investissements en Afghanistan ; ces pays se disputeront son territoire dès lors que les Occidentaux l'auront quitté. La France doit cependant y rester présente ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – M. Jean-Louis Carrère applaudit également.)

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