Question de M. GODEFROY Jean-Pierre (Manche - SOC) publiée le 10/03/2011

M. Jean-Pierre Godefroy attire l'attention de M. le ministre de la défense et des anciens combattants sur la reconnaissance des maladies professionnelles des militaires et anciens militaires.

En effet, la prise en compte des maladies professionnelles pour les personnels militaires est assujettie à la réglementation du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG) lequel, contrairement aux autres régimes de protection sociale, n'intègre pas la notion de maladie professionnelle et soumet donc ses ressortissants à prouver qu'il existe un lien direct, certain et déterminant entre ce dont ils souffrent et leur activité militaire présente ou passée. Ceci entraîne des démarches particulièrement longues face à une administration très souvent extrêmement rétive à admettre sa responsabilité dans les pathologies qui les affectent.

Cette situation apparaît d'autant plus choquante qu'elle s'accompagne, dans le cas particulier des personnels exposés à l'amiante, de l'interdiction pour les militaires de demander à bénéficier de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), ce qui constitue une discrimination reconnue par tous les rapports (parlementaires et autres) rédigés sur le sujet, comme par le Médiateur de la République qui propose depuis plusieurs années d'harmoniser les règles des dispositifs de cessation anticipée d'activité entre les différents régimes de sécurité sociale.

C'est pourquoi il lui demande quelles mesures il entend prendre pour faire évoluer le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, mettre fin à ces situations discriminatoires envers les militaires et permettre ainsi une égalité de traitement avec les autres citoyens.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la jeunesse et de la vie associative publiée le 11/05/2011

Réponse apportée en séance publique le 10/05/2011

M. Jean-Pierre Godefroy. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la défense sur la reconnaissance des maladies professionnelles des militaires et anciens militaires.

La prise en compte des maladies professionnelles pour les personnels militaires est assujettie à la réglementation du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, lequel, contrairement aux autres régimes de protection sociale, n'intègre pas la notion de maladie professionnelle et oblige donc ses ressortissants à prouver qu'il existe un lien direct, certain et déterminant entre ce dont ils souffrent et leur activité militaire présente ou passée.

Cela entraîne pour ces personnels des démarches particulièrement longues face à une administration très souvent extrêmement rétive à admettre sa responsabilité dans les pathologies qui les affectent.

Le Médiateur de la République a lui-même noté que la situation des militaires était, en la matière, particulièrement inéquitable, notamment par rapport aux fonctionnaires civils. C'est la raison pour laquelle il a récemment adressé au Gouvernement une proposition de réforme qui tend entre autres : premièrement, à modifier la rédaction actuelle du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre pour élargir la notion de service retenue par le juge des pensions, qui en fait aujourd'hui une interprétation extrêmement restrictive ; deuxièmement, à reformuler le régime de présomption d'imputabilité afin d'aligner la charge de la preuve exigée des militaires sur celle qui est requise pour les autres assurés sociaux.

Madame la secrétaire d'État, la spécificité du métier de militaire ne suffit pas à justifier l'application de dispositions aussi discriminatoires envers ceux-ci.

Cette situation apparaît d'autant plus choquante qu'elle s'accompagne, dans le cas particulier des personnels exposés à l'amiante, de l'interdiction pour les militaires de demander à bénéficier de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, l'ACAATA, ce qui constitue une discrimination reconnue par tous les rapports, notamment les rapports parlementaires, et j'ai l'honneur d'avoir été rapporteur de la mission commune d'information du Sénat sur l'amiante, et celui qui a été rédigé par le médiateur de la République, qui propose lui aussi, depuis plusieurs années, d'harmoniser les règles des dispositifs de cessation anticipée d'activité entre les différents régimes de sécurité sociale.

Aujourd'hui, l'exposition des militaires et anciens militaires à l'amiante ne leur est reconnue qu'en cas de maladie consécutive. Il faut savoir que les anciens marins militaires qui, dans le cadre d'une deuxième carrière, ont exercé une activité au contact de l'amiante et qui demandent à bénéficier du dispositif de l'ACAATA ne peuvent faire inclure dans le décompte de leurs droits les périodes d'activité militaires au contact de l'amiante.

C'est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d'État, quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour faire évoluer le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre afin de mettre fin à ces situations discriminatoires envers les militaires et permettre ainsi une égalité de traitement avec les autres citoyens.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de mon collègue ministre de la défense et des anciens combattants, Gérard Longuet.

Comme vous l'avez rappelé, l'indemnisation de l'invalidité relève de deux régimes distincts, adaptés aux besoins et aux spécificités particuliers de deux populations dont les fonctions ne sauraient être comparées. Ces régimes sont celui de la sécurité sociale pour les salariés du secteur privé et celui du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre pour les militaires.

Dans leur globalité, aucun de ces régimes ne peut être considéré comme plus favorable l'un par rapport à l'autre.

Si, dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, la preuve de l'imputabilité incombe en priorité à l'intéressé, l'administration effectue cependant pour lui toutes les enquêtes nécessaires et l'assiste dans ses démarches. Le ministre Gérard Longuet tient à vous préciser que les procédures vont être allégées à la suite de la réforme de l'administration des anciens combattants qui a lieu en ce moment. C'est le premier point positif.

En cas d'apparition différée des pathologies, le recours au « faisceau de présomptions » est admis. De plus, l'imputabilité est présumée lorsque l'affection est consécutive à une mission opérationnelle.

Dans le régime général, seules les maladies inscrites dans les listes sont indemnisables et la survenue de la maladie ne permet pas, à elle seule, d'ouvrir le droit à indemnisation. Certes, ces listes instituent une présomption d'imputabilité mais celle-ci est soumise à des conditions de délais de survenance et ne vaut que pour certains travaux.

À défaut de pouvoir remplir ces conditions, la preuve du caractère professionnel de la maladie doit être démontrée.

Par ailleurs, l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante, l'ACAATA, n'apporterait pas de droits nouveaux aux militaires, qui bénéficient, au titre de leur régime de retraite, d'un droit à pension à liquidation anticipée en cas d'invalidité.

Néanmoins, le ministre de la défense et des anciens combattants comprend les interrogations suscitées par l'absence de prise en compte, dans l'appréciation du droit à I'ACAATA, de certaines années au cours desquelles un militaire a pu être exposé à l'amiante dans l'exercice de ses fonctions.

Gérard Longuet a donc demandé à ses services d'examiner cette question et de lui soumettre des propositions. En effet, la résolution de cette question, qui ne concerne pas que les militaires, pourrait demander une révision de la loi instituant l'ACAATA.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse même si elle ne me satisfait pas pleinement.

La fin de votre réponse est très importante : les militaires qui ont été exposés à l'amiante doivent pouvoir bénéficier du critère de la durée d'exposition. Je pense que la Fédération nationale des officiers mariniers, notamment, prendra acte de la réponse que vous m'avez apportée.

Je rappelle que l'article 1er de la loi portant statut général des militaires prévoit « le respect des citoyens et la considération de la nation ». Or personne ne pourra nier que, pour ce qui concerne les marins notamment, l'exposition à l'amiante est patente. Il suffit de se rappeler la saga du Clemenceau : pratiquement tous les bâtiments de la marine nationale subissent un désamiantage très compliqué, et ces militaires ont donc été très largement exposés à l'amiante.

Ensuite, il faut se rappeler que la faute inexcusable de l'État a été reconnue en matière de maladie liée à l'amiante. Il ne faut donc pas maintenir cette discrimination. Si la carrière militaire évidemment engage les risques du métier des armes, en revanche, tout ce qui est lié à la malfaçon de matériels qui peut avoir des répercussions sur la santé doit être pris en compte par la nation.

Madame la secrétaire d'État, je vous remercie donc des réponses que vous avez apportées, qui constituent une petite avancée par rapport à ce qu'on nous disait auparavant. Cela étant, j'espère que des mesures seront rapidement mises en œuvre, car, pour les personnes touchées par les maladies liées à l'amiante, le temps qui reste à vivre est extrêmement court.

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