Question de Mme GONTHIER-MAURIN Brigitte (Hauts-de-Seine - CRC-SPG) publiée le 10/03/2011

Mme Brigitte Gonthier-Maurin interroge M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur le statut juridique de Pôle emploi.

L'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 du code du travail, à savoir Pôle emploi, figure à l'annexe du décret n°84-38 du 18 janvier 1984 fixant la liste des établissements publics de l'État à caractère administratif prévue au 2° de l'article 3 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984.

Un établissement public à caractère administratif relève, en principe, du droit public administratif. Or le législateur a décidé que les salariés de Pôle emploi relevaient du droit privé. En effet, l'article 2 de la loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi a créé l'article L. 311-7-7 du code du travail selon lequel : « Les agents de l'institution nationale, qui sont chargés d'une mission de service public, sont régis par le présent code dans les conditions particulières prévues par une convention collective étendue agréée par les ministres chargés de l'emploi et du budget. Cette convention comporte des stipulations, notamment en matière de stabilité de l'emploi et de protection à l'égard des influences extérieures, nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les règles relatives aux relations collectives de travail prévues au titre III du livre Ier, aux titres Ier à III, V, VI et VIII du livre IV et au titre II du livre V du présent code s'appliquent à tous les agents de l'institution, sous réserve des garanties justifiées par la situation particulière de ceux qui restent contractuels de droit public. Ces garanties sont définies par décret en Conseil d'État. »

Elle lui demande donc de bien vouloir lui clarifier le statut juridique de Pôle emploi en lui indiquant si les agents de Pôle emploi sont régis par le code du travail, si la compétence de l'inspection du travail est pleine et entière quant au fonctionnement des institutions représentatives des personnels et pour les salariés de statut privé de Pôle emploi, et enfin de lui préciser quelle est la juridiction compétente pour les conflits individuels et collectifs.

- page 568


Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation publiée le 27/04/2011

Réponse apportée en séance publique le 26/04/2011

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ma question porte sur le statut juridique de Pôle emploi, statut qui pose problème depuis le vote de la loi du 13 février 2008 relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi.

Ma question interroge directement le statut des personnels, puisque Pôle emploi est né de la fusion des ASSEDIC, organismes privés employant des salariés soumis au code du travail, et de l'ANPE, établissement public à caractère administratif composé d'agents de droit public.

Depuis le début, le Gouvernement entretient un « flou juridique » quant à la nature de Pôle emploi.

Tout d'abord, si la terminologie choisie d'« institution nationale », dont le caractère « public » n'était même pas mentionné dans le projet de loi initial, renvoie à bien des égards à la définition juridique d'un établissement public administratif, rien dans la loi de 2008 ne l'indique expressément.

Pourtant, par un décret n° 2009–661 du 9 juin 2009, modifiant le décret n° 84–38 du 18 janvier 1984 fixant la liste des établissements publics de l'État à caractère administratif, le Gouvernement y fait figurer Pôle emploi comme EPA.

Le Gouvernement a tenu la même position en décembre 2009, lors du débat sur le projet de loi de finances rectificative pour 2009.

Alors que Pôle emploi fait l'objet de recours en justice de la part d'organisations syndicales pour obtenir le remboursement de cotisations chômage indûment prélevées sur les salariés issus des ASSEDIC – ou Associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce –, le Gouvernement défend et fait voter un amendement devant permettre à Pôle emploi d'adhérer au régime d'assurance chômage à titre dérogatoire en 2009 pour ces personnels, amendement censuré fort à propos par le Conseil constitutionnel, mais dans lequel le Gouvernement allait dans le même sens.

Je cite ici l'exposé des motifs de cet amendement : « [...] Bien que la loi ne précise pas la nature juridique de Pôle emploi, il est désormais établi qu'il s'agit d'un établissement public administratif [...] ».

Le Gouvernement a donc tranché, à deux reprises, en faveur du statut d'établissement public administratif ou EPA.

Un EPA relève, en principe, du droit public. Or le législateur a décidé que les salariés de Pôle emploi relevaient du droit privé.

Cette insécurité juridique touche directement les personnels – près de 45 000 personnes tout de même – et leurs instances représentatives, elle doit être tranchée en urgence car nous sommes loin d'un traitement juridique identique pour tous les agents, tel que le laissait supposer l'entrée en vigueur de la nouvelle convention collective.

Ma question est donc simple, monsieur le secrétaire d'État : quel est le statut juridique de Pôle emploi ?

Les agents de Pôle emploi étant régis par le code du travail en matière de relations collectives du travail, la compétence de l'inspection du travail est-elle pleine et entière quant au fonctionnement des institutions représentatives des personnels et pour les salariés de statut privé de Pôle emploi, ce qui semble être contesté par la Direction générale du travail ?

Enfin, quelle est la juridiction compétente pour les conflits individuels et collectifs ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Madame la sénatrice, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de Xavier Bertrand qui, vous le savez, est actuellement en réunion avec l'ensemble des syndicats de son ministère.

Vous avez mentionné la loi du 13 février 2008 qui crée Pôle emploi. Vous avez simplement omis de rappeler que, dans le débat, les choses étaient claires depuis le début, puisque, contrairement au sentiment que pouvait donner votre question, il n'y a pas eu d'hésitation sur le statut de Pôle emploi, qui est bien un établissement public à caractère administratif.

L'intention du législateur est manifeste puisque le Gouvernement a clairement indiqué devant votre Haute Assemblée, comme il l'avait fait d'ailleurs devant l'Assemblée nationale, que sa volonté était de créer un établissement public administratif et le législateur s'est prononcé à ce moment-là.

De la même façon, l'activité de Pôle emploi est une activité de service public, ses ressources sont d'origine publique, puisqu'elles relèvent principalement de la subvention versée par l'État, et ses modalités de fonctionnement correspondent bien à celles qui prévalent dans les établissements publics administratifs.

Pôle emploi est donc indiscutablement un établissement public et le Conseil d'État a d'ailleurs retenu cette qualification lors de l'examen du décret relatif à l'organisation du service public de l'emploi. Vous avez d'ailleurs fait référence au décret de 1984, qui déterminait ce statut.

Pour autant, le législateur, parfaitement conscient de créer un établissement public administratif, a décidé que les personnels de l'établissement puissent être soumis à des conditions de travail et d'emploi relevant d'un régime de droit privé. Ce débat est donc bien connu, il a eu lieu devant la Haute Assemblée et devant l'Assemblée nationale, et c'est donc en toute clarté que ce régime existe aujourd'hui.

Précisément, l'article L. 5312-9 du code du travail dispose que les agents de Pôle emploi, qui sont chargés d'une mission de service public, sont régis par le code du travail dans les conditions particulières prévues par une convention collective.

Seuls demeurent régis par le régime de droit public les anciens agents de l'Agence nationale pour l'emploi, l'ANPE, qui, conformément à la possibilité ouverte par la loi, n'auraient pas opté pour l'application du droit du travail et l'application de la convention collective.

Je rappelle que ce droit d'option est ouvert aux salariés de droit public jusqu'au 31 décembre 2011 et que, à la fin du premier trimestre 2011, 60 % du personnel de droit public aura opté.

Par conséquent, 80 % du personnel de Pôle emploi est désormais régi par les règles de droit privé et les inspecteurs du travail ont bien compétence pour contrôler l'application du droit du travail, de la convention collective nationale et des accords collectifs de Pôle emploi. Il n'y a aucun doute sur cette question.

Vous m'avez interrogé sur les juridictions compétentes.

Dans le cadre des litiges individuels, si l'agent est soumis au statut de droit privé, le conseil des prud'hommes est compétent ; en revanche, si l'agent est soumis au statut de droit public, c'est le tribunal administratif. Dans les conflits collectifs, c'est le code du travail qui s'applique.

Vous avez posé des questions précises, les réponses sont précises. Mais les éléments du débat étaient bien connus au moment où ce texte a été discuté et adopté au Parlement.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de vos réponses. Mais sur le terrain, les choses sont beaucoup moins claires et moins simples puisque, je vous le rappelle, de nouveau un conseil des prud'hommes – celui de Paris – doit statuer, le 26 août prochain, car, à l'évidence, c'est la confusion et l'inégalité de traitement.

D'ailleurs, chaque fois que les organisations syndicales ont voulu ester en justice, quelle que soit la juridiction saisie, au final, celle-ci s'est déclarée incompétente. Il y a donc bien un problème.

Or nous parlons là d'un service public de première importance puisqu'il s'agit de celui de l'emploi. On se souvient d'ailleurs que la fusion ANPE-ASSEDIC, qui avait présidé à la naissance de Pôle emploi, était présentée comme un outil de simplification. Elle s'inscrivait, à l'époque, dans l'objectif affiché de réduire le chômage – on voit qu'il n'en a rien été – et cela avait soulevé beaucoup de scepticisme et de résistance de la part des organisations syndicales et des salariés.

Monsieur le secrétaire d'État, moins d'un an après sa mise en place, c'est la surcharge de travail qui prévaut, avec plusieurs centaines de milliers de nouveaux inscrits, des effectifs insuffisants, des formations trop courtes et moult problèmes matériels. On constate une véritable dégradation des conditions de travail.

Je citerai simplement deux chiffres : 71 % des salariés de Pôle emploi jugent que leur situation au travail est tendue et près de 60 % d'entre eux que leur santé est affectée. Cela signifie tout de même qu'il faut revoir cette réforme.

- page 2995

Page mise à jour le