Question de M. SIGNÉ René-Pierre (Nièvre - SOC) publiée le 24/03/2011

M. René-Pierre Signé attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les conventions CIFRE (conventions industrielles de formation par la recherche) qui apportent une aide au recrutement de jeunes doctorants en entreprise. Elles s'adressent aux entreprises qui ont un projet de recherche et de développement et souhaitent accéder à de nouvelles compétences scientifiques et technologiques.

Pour cela, elles recrutent, grâce à cette aide, un jeune doctorant dont le projet de recherche, en liaison avec un laboratoire extérieur, peut conduire à la soutenance d'une thèse. L'entreprise recrute en CDI ou CDD de trois ans un jeune diplômé de grade master et lui confie des travaux de recherche, objet de sa thèse. Si son dossier est validé par l'Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT) qui gère les conventions CIFRE pour le compte du ministère de la recherche, l'entreprise concernée recevra une subvention annuelle pendant trois ans.

Dans le cadre de ce dispositif, l'entreprise signe, avec le laboratoire et le doctorant, un contrat de collaboration, spécifiant les conditions de déroulement des recherches et définissant les clauses de propriété quant aux résultats obtenus par le jeune chercheur. Or le droit français impose aux résultats obtenus au terme de ces recherches, leur appartenance à l'entreprise. Il s'agit bien entendu des droits patrimoniaux et non des droits moraux ; ces derniers étant incessibles.

Les clauses de propriété dans le contrat de collaboration sont ainsi rendues caduques par les dispositions du droit français. Elles sont réduites, ce qui constitue un avantage du dispositif en faveur des entreprises, au détriment des chercheurs et des laboratoires.

Ces éléments réduisant manifestement l'intérêt du dispositif CIFRE pour les laboratoires publics et pour l'État, le conduisent à lui poser une question simple : que compte-t-elle faire pour rendre le dispositif CIFRE plus équitable pour toutes les parties prenantes dans le cadre du contrat signé ?

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Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 25/05/2011

Réponse apportée en séance publique le 24/05/2011

M. René-Pierre Signé. Madame la ministre, les conventions CIFRE, ou conventions industrielles de formation par la recherche, constituent une aide au recrutement de jeunes doctorants en entreprise. Elles s'adressent aux entreprises qui ont un projet de recherche et de développement et qui souhaitent accéder à de nouvelles compétences scientifiques et technologiques.

À cette fin, les entreprises recrutent, grâce à cette aide, un jeune doctorant, dont le projet de recherche, mené en liaison avec un laboratoire extérieur, conduira à la soutenance d'une thèse. La convention CIFRE associe donc trois partenaires : une entreprise, un doctorant et un laboratoire de recherche, qui assure l'encadrement de la thèse.

L'entreprise recrute en contrat à durée indéterminée ou déterminée de trois ans un jeune diplômé de grade master et lui confie des travaux de recherche, objet de sa thèse.

L'Association nationale de la recherche et de la technologie, ou ANRT, qui gère les conventions CIFRE pour le compte du ministère chargé de la recherche, reçoit les dossiers de demande de subvention. Si elle valide le dossier, elle verse à l'entreprise concernée une subvention annuelle pendant trois ans.

Dans le cadre de ce dispositif, l'entreprise signe avec le laboratoire et le doctorant un contrat de collaboration spécifiant les conditions de déroulement des recherches et les clauses de propriété des résultats obtenus par le jeune chercheur.

Or le droit français impose que les résultats obtenus dans le cadre des recherches menées dans une entreprise privée appartiennent à celle-ci. Je parle bien sûr des droits patrimoniaux et non des droits moraux sur la découverte, ces derniers étant incessibles par celui qui en est l'auteur.

À l'heure de la valorisation des résultats issus du partenariat, les clauses du contrat relatives à la propriété qui sont donc négociées au cas par cas dans le cadre des conventions CIFRE sont généralement rendues caduques par les dispositions du droit français.

Madame la ministre, quel jugement portez-vous sur de tels contrats et sur les dispositions qui les régissent ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu m'interroger sur le dispositif CIFRE, qui, comme vous l'avez indiqué, a pour objet de favoriser les échanges entre les laboratoires de recherche publique et les acteurs socio-économiques et de contribuer à l'emploi des docteurs dans les entreprises.

Les conventions de ce type associent trois partenaires : une entreprise, qui confie à un doctorant un travail de recherche, objet de sa thèse ; un laboratoire, extérieur à l'entreprise, qui assure l'encadrement scientifique du doctorant ; un doctorant, titulaire d'un diplôme conférant le grade de master.

Ce dispositif permet aux entreprises de bénéficier d'une aide financière pour embaucher un jeune doctorant dont les travaux de recherche, encadrés par un laboratoire public, conduiront à la soutenance d'une thèse.

L'entreprise recrute en contrat à durée indéterminée ou déterminée de trois ans un jeune diplômé de grade master, lui verse un salaire brut minimal annuel de 23 484 euros et lui confie des travaux de recherche, objet de sa thèse. Elle reçoit de l'Association nationale de la recherche et de la technologie, qui gère les conventions CIFRE pour le compte de mon ministère, une subvention annuelle de 14 000 euros pendant trois ans.

L'entreprise signe avec l'établissement de tutelle du laboratoire un contrat dont l'objet est de mettre en œuvre cette collaboration.

Ce contrat de collaboration résulte d'une négociation entre les différents partenaires qui tient compte des spécificités de chaque projet de thèse et des apports immatériels, matériels et financiers de chaque partenaire.

Il spécifie ainsi les conditions de déroulement des recherches et les clauses de propriété des résultats obtenus par le doctorant. Suivant les recommandations établies par les services du ministère chargé de la recherche, le contrat prévoit en général un partage de la propriété des résultats entre les deux partenaires.

Il en résulte un règlement de copropriété et d'exploitation, qui vise à permettre à l'entreprise de valoriser les recherches qui peuvent l'être, tout en préservant les intérêts de l'établissement, du laboratoire et du jeune chercheur.

Généralement, l'entreprise bénéficie d'une licence, parfois exclusive, d'exploitation des résultats – brevet et/ou savoir-faire – dans son domaine d'activités, et l'établissement public conserve un droit d'utilisation des résultats à des fins de recherche, ainsi que la liberté de concéder, en dehors du domaine, un droit d'exploitation à un autre partenaire.

Le contrat de collaboration prévoit également le plus souvent un retour financier lié à l'exploitation des résultats par l'entreprise dont une part non négligeable, dépendante du statut de l'établissement, revient au laboratoire et au doctorant.

L'équité du dispositif, fondé sur la négociation entre les partenaires, est ainsi garantie pour toutes les parties prenantes à une convention CIFRE.

Le positionnement des établissements dans ce type de négociations sera renforcé par la création des sociétés d'accélération du transfert de technologies qui bénéficieront de 900 millions d'euros, dans le cadre des investissements d'avenir financés par le Grand emprunt, et dont l'un des objectifs est de développer et de professionnaliser l'appui aux chercheurs dans le domaine de la valorisation de leurs travaux.

Le nombre annuel de conventions CIFRE signées a longtemps été de 700 à 800. Il s'élève aujourd'hui à 1 200 et devrait s'établir, selon les estimations, à 1 300 en 2011. Le succès de ce dispositif ne se dément donc pas et s'accroît même depuis quelques années.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Le succès du dispositif ne se dément pas, fort bien ! Mais vous parlez d'équité ; or je ne suis pas sûr que tel soit le cas. En effet, la situation me paraît un peu injuste pour les chercheurs dans la mesure où le résultat du travail appartient non plus au doctorant, qui en est l'auteur, mais à l'entreprise. Le fait que le doctorant non salarié garde l'intégralité de ses droits, contrairement à celui qui a signé un contrat dans le cadre d'une convention CIFRE, m'étonne aussi quelque peu Le statut d'un tel contrat est donc complexifié d'autant.

Le dispositif en cause s'appuie sur une disposition du droit français qu'il n'est peut-être pas possible de modifier. Vous ne m'avez pas répondu sur ce point, madame la ministre. Est-il néanmoins envisageable de faire droit aux demandes des jeunes chercheurs qui trouvent le mécanisme assez injuste, plus favorable à l'entreprise qu'à eux-mêmes ? Malgré la signature d'un contrat leur accordant une rémunération, je le répète, le résultat de leur travail leur échappe.

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