Question de Mme DAVID Annie (Isère - CRC-SPG) publiée le 31/03/2011

Mme Annie David attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur le régime juridique du contrat de travail des saisonniers. La France est le premier pays visité au monde, 78 millions de touristes sont accueillis par des professionnels de talent que sont les employeurs et les salariés de ce secteur d'activité florissant, puisqu'il a rapporté, en 2010, 145 milliards d'euros.

Pourtant les 400 000 salariés en CDD saisonniers sont pénalisés par des règles qui les empêchent de bénéficier des mêmes droits que les autres CDD, et ce, pour plusieurs raisons : absence de définition légale du travail saisonnier, la clause de reconduction des contrats de travail d'une saison à l'autre n'est pas systématique, le CDD saisonnier n'ouvre pas droit à la prime de 10 % de fin de contrat comme les CDD et le chômage des saisonniers est moins indemnisé, puisque leurs allocations sont minorées par un coefficient réducteur.

Face à cette inégalité de traitement, le Médiateur de la République a été saisi. Il a, conformément à son pouvoir de réforme, fait une proposition de réforme qui a été adressée à Monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, ainsi qu'à Madame la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à Monsieur le ministre de l'agriculture, de l‘alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire et à Monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises du tourisme, des services et des professions libérales.

Aussi, elle lui demande quelles suites il entend donner à cette proposition qui permettrait une amélioration considérable et légitime des conditions de travail des saisonniers.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé du logement publiée le 15/06/2011

Réponse apportée en séance publique le 14/06/2011

Mme Annie David. Ma question, qui s'adresse effectivement à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, concerne les inégalités de traitement en matière de contrat de travail que subissent les saisonniers par rapport aux autres salariés.

Monsieur le secrétaire d'État, je suis persuadée que vous ferez part de cette question à votre collègue M. Xavier Bertrand.

La France est le premier pays visité au monde : 78 millions de touristes sont accueillis par des professionnels de talent, qu'ils soient employeurs ou salariés dans ce secteur d'activité florissant, puisqu'il a rapporté 145 milliards d'euros en 2010.

Pourtant, les salariés en contrats à durée déterminée saisonniers sont pénalisés par des règles qui les empêchent de bénéficier des mêmes droits que les autres personnes en contrats à durée déterminée, CDD, alors même qu'ils font preuve d'une importante mobilité et d'une grande capacité d'adaptation.

Déjà, en 2004, lors des débats concernant la loi relative au développement des territoires ruraux, j'étais intervenue pour dénoncer les injustices que subissent ces « prolétaires du tourisme », alors même que ces hommes et ces femmes contribuent au développement de la ruralité, au prix de conditions de vie hautement précaires !

J'avais d'ailleurs déposé de nombreux amendements. L'un d'entre eux, qui a été adopté, posait explicitement, au sein du code du travail, le principe d'égalité des travailleurs pluriactifs ou saisonniers en matière de droit du travail et de droit social par rapport aux autres catégories de travailleurs. Malheureusement, les députés ne l'ont pas jugé utile et l'ont supprimé lors de la navette.

Aujourd'hui, au-delà des déclarations de principe, c'est une véritable politique garantissant l'égalité de traitement que nous devons mettre en œuvre. En effet, sept ans après ces débats, de nombreuses inégalités subsistent : absence de définition légale du travail saisonnier, clause non systématique de reconduction des contrats de travail d'une saison à l'autre, CDD saisonniers n'ouvrant pas droit à la prime de 10 % de fin de contrat...

Enfin, le chômage des saisonniers était, récemment encore, moins indemnisé, puisque les allocations étaient minorées par un coefficient réducteur. Après que les intéressés eurent livré une âpre bataille, ils ont obtenu sa suppression à l'issue des dernières négociations de l'UNEDIC, et je ne peux que m'en féliciter.

Il s'agit là d'un premier pas vers la réduction de cette précarité sociale, mais nous devons aller plus loin encore pour obtenir un nouveau cadre définissant la saisonnalité et construire les bases d'une véritable sécurisation sociale et professionnelle du parcours des salariés saisonniers.

C'est dans cette perspective que le Médiateur de la République a, conformément à ses compétences, fait une proposition de réforme dont je ne vais pas vous donner les détails ici, mais qui reprend les points que je viens d'aborder. M. le ministre de l'emploi en a été destinataire, ainsi que Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire et M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et des professions libérales. C'est dire si le Gouvernement auquel vous appartenez est bien informé de cette proposition de réforme !

Aussi, je vous demande quelles suites vous entendez donner à cette proposition qui permettrait, en renforçant les droits attachés au contrat de travail des saisonniers, d'apporter à ces derniers une amélioration considérable et légitime de leurs conditions de travail et, donc, de vie.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Madame la sénatrice, vous m'interrogez sur les suites susceptibles d'être données au rapport du Médiateur de la République concernant le régime juridique du contrat de travail des saisonniers.

Dans ce rapport, sont préconisées des voies de réforme du contrat à durée déterminée saisonnier au travers des trois mesures suivantes : l'introduction d'une définition légale du caractère saisonnier du contrat, la reconduction de principe du contrat saisonnier emportant l'obligation pour l'employeur de motiver la non-reconduction et l'obligation pour l'employeur de verser une indemnité de fin de contrat compensatrice de précarité lorsque le contrat saisonnier n'est pas reconduit.

L'introduction dans la loi de la définition du caractère saisonnier de l'emploi objet du contrat ne paraît pas s'imposer. En effet, la jurisprudence constante, je dis bien « constante », de la Cour de cassation en donne une définition claire. Le contrat saisonnier s'applique à des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs. Cette définition n'appelle pas de difficulté particulière d'application.

En ce qui concerne la reconduction du contrat saisonnier ou l'obligation de verser l'indemnité compensatrice de précarité seulement en cas de non-reconduction du contrat saisonnier, il est, à ce stade, prématuré de se prononcer. Il convient, au préalable, de disposer des études économiques permettant d'analyser le bien-fondé de ces mesures et de connaître la position des partenaires sociaux.

S'agissant, enfin, de la situation des travailleurs saisonniers au regard de l'indemnisation du chômage, une règle spécifique instaurée en 2007 minorait le montant de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, ARE, versé aux travailleurs saisonniers. Ce montant d'allocation était affecté d'un coefficient réducteur basé sur le nombre de jours de travail au cours des douze mois antérieurs effectué par le salarié.

Comme vous, le Gouvernement se félicite du fait que, dans le cadre de la convention du 6 mai 2011 relative à l'indemnisation du chômage, les partenaires sociaux, soucieux d'améliorer la situation des travailleurs saisonniers, aient souhaité modifier les conditions d'indemnisation de ces demandeurs d'emploi au titre du régime d'assurance chômage.

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement est effectivement bien informé de cette proposition de réforme puisque vous en avez rappelé les principales mesures. Je ne peux pourtant pas me contenter des réponses que vous nous faites. Vous dites qu'il faudrait avoir l'avis des partenaires sociaux, notamment en ce qui concerne la reconduction d'une année sur l'autre du contrat saisonnier.

Vous connaissez, comme l'ensemble du Gouvernement, les positions des partenaires sociaux sur ce sujet puisque des forums de la saisonnalité sont régulièrement organisés. Si l'UNEDIC a revu son mode d'indemnisation des chômeurs à l'issue d'un CDD saisonnier, c'est bien parce que les partenaires sociaux ont fait valoir dans ce domaine leurs propositions ! Cette prime de 10 % en cas de non-reconduction du contrat doit évidemment être accordée.

Vous avez dit que la jurisprudence est claire du point de vue de la définition du contrat saisonnier. C'est vrai qu'à l'origine il a été conçu pour répondre aux besoins d'un surcroît saisonnier d'activité dans les métiers du tourisme et de l'agriculture.

Mais, aujourd'hui, par dérogation, ces contrats saisonniers tendent à se généraliser. Ils ont déjà été étendus à plusieurs reprises à des activités pratiquées, notamment, dans des musées, des stations-service et dans la grande distribution. Et là, on peut se dire qu'il n'y a pas lieu de s'interroger sur la reconduction d'une année sur l'autre puisque, si on fait les contrats saisonniers, c'est bien parce qu'on sait que, d'une année sur l'autre, la saison va recommencer !

Monsieur le secrétaire d'État, pour en terminer sur la reconduction, je pense que l'on pourrait accéder très rapidement à la demande des saisonniers : soit le contrat est reconduit, soit on verse au salarié une prime de 10 % de fin de contrat. En effet, ces salariés vivent dans une précarité permanente, ce qui est inacceptable.

Je vous encourage vivement, monsieur le secrétaire d'État, à bien relire les propositions faites par le Médiateur de la République, car elles sont tout à fait intéressantes.

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