Question de M. LEGENDRE Jacques (Nord - UMP) publiée le 31/03/2011

M. Jacques Legendre attire l'attention de M. le Premier ministre sur le non-usage du français au jury des projets d'initiatives d'excellence éligibles au grand emprunt.
Un jury international examine actuellement les projets d'initiatives d'excellence qui pourront être éligibles au grand emprunt.
Il est surprenant d'apprendre que le support de l'intervention des représentants des universités françaises devant ce jury doit être préparé en anglais parce que « le jury est international ».
À juste titre, la Conférence des présidents d'université s'en est émue. Elle demande que « les porteurs d'initiatives d'excellence puissent exprimer dans leur langue toutes les nuances, les complexités, les ambitions des projets qui vont dessiner la carte de la France scientifique de demain… sans que soit mise en doute la vocation de la langue française à exprimer une modernité scientifique intelligible au-delà de nos frontières ».
À la suite de cette prise de position, la possibilité de recourir à un service de traduction a été accordée mais le recours à l'anglais reste recommandé.
Chacun admettra que le jury international doit pouvoir comprendre ce qu'il a à examiner. Mais la seule disposition, conforme à la loi française et au bon sens, est évidemment que les Français puissent s'exprimer en français et que la traduction de leurs propos soit assurée.
Il lui demande quelles initiatives il compte prendre, en cette semaine où dans le monde entier, on célèbre la francophonie pour faire respecter chez nous la loi sur la langue française, tout en assurant aux scientifiques étrangers la possibilité de nous comprendre.

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Transmise au Ministère de la culture et de la communication


Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 02/06/2011

Les candidats aux projets d'initiatives d'excellence éligibles au grand emprunt ont été informés que, compte tenu du caractère international du jury, ils devaient préparer leur support d'intervention en anglais, l'utilisation de cette langue étant par ailleurs fortement recommandée pour la présentation proprement dite du projet ainsi que pendant toute la durée des échanges. Cette décision n'était pas conforme à notre cadre constitutionnel et légal, à l'application duquel il revient au ministère chargé de la culture de veiller. Plusieurs décisions du Conseil constitutionnel, en particulier la décision n° 99-412 sur la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, précisent en effet que l'« usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public ; que les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d'un droit à l'usage d'une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage ; que l'article 2 de la Constitution n'interdit pas l'usage de traductions ». Le fait de contraindre à l'usage d'une langue autre que le français, dans le cadre d'un programme « investissements d'avenir », dont le Commissariat général à l'investissement est le principal opérateur, contrevenait manifestement à la volonté du législateur. Consciente des risques inhérents à cette pratique, la Conférence des présidents d'université a dès lors effectué une mise au point en demandant que les porteurs d'initiatives d'excellence puissent « exprimer dans leur langue toutes les nuances, les complexités, les ambitions des projets qui vont dessiner la carte de la France de demain ». Elle a, ce faisant, exprimé sa confiance dans la capacité de la langue française à exprimer « une modernité scientifique intelligible au-delà de nos frontières ». Cette position sans ambiguïté conforte les efforts conduits par le dispositif interministériel d'enrichissement de la langue française pour doter notre langue des ressources nécessaires à l'expression des réalités du monde contemporain, dans toutes les disciplines des sciences et des techniques. Devant l'émoi suscité par cette décision dans la communauté scientifique, des dispositions ont été prises par l'Agence nationale de la recherche pour permettre aux porteurs de projets de s'exprimer en français, via un dispositif de traduction. Cette mesure permet de rendre effective la garantie apportée par notre droit de permettre à tout chercheur de s'exprimer en français ; le Gouvernement rendra compte des conditions de son application dans le rapport sur l'emploi de la langue française qu'il remettra aux assemblées le 15 septembre prochain. Plus généralement, il convient d'observer qu'inciter des candidats, dans un processus de sélection, à recourir à une langue autre que celle de la République (leur droit à l'expression en français fût-il reconnu) pourrait créer entre eux une inégalité de traitement. Dans un dispositif administré par la puissance publique - différent par nature d'un colloque ou d'un séminaire dans lequel un chercheur vient exposer les résultats de ses travaux devant ses pairs - ouvrir à ceux qui le souhaitent la possibilité d'une expression dans une langue autre que le français pourrait introduire, devant un jury sensible à l'emploi de la langue dite « globale », une inégalité entre des candidats qui, à qualité de dossier équivalente, présenteraient leur dossier en français et d'autres qui le feraient en anglais, voire entre ceux qui le feraient avec une expression parfaite en français et ceux qui le feraient dans un anglais médiocre, mais compréhensible par le jury. Seul un recours au français de plein droit et généralisé à tous les candidats, accompagné, si nécessaire, d'un dispositif de traduction, serait susceptible de lever cette ambiguïté, en créant une égalité de fait - et non plus seulement de droit - entre les candidats. Sans doute une telle mesure, pour souhaitable qu'elle soit, se heurterait-elle au poids prépondérant pris par la langue anglaise dans la recherche - plus manifeste d'ailleurs dans les sciences exactes que dans les sciences humaines et sociales : force est de constater qu'il est nécessaire aux chercheurs de maîtriser cette langue, ne serait-ce que pour qu'ils puissent communiquer entre eux par-delà les frontières. Il n'en reste pas moins que des garde-fous sont indispensables pour permettre l'expression en français de tous ceux qui souhaitent recourir à notre langue et il revient à l'État, garant de la cohésion de notre pays et de l'égalité entre les citoyens, d'y veiller.

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