Question de M. DAUNIS Marc (Alpes-Maritimes - SOC) publiée le 07/04/2011

M. Marc Daunis attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration sur la situation des demandeurs d'asile dans le département des Alpes-Maritimes.

Faute d'hébergement mis à la disposition par la préfecture, des demandeurs d'asile sont installés dans un immeuble abandonné à Nice. En dépit des alertes répétées des élu-e-s, de citoyen-nes et d'associations, aucune solution d'hébergement pérenne ne leur a été proposée depuis plusieurs mois. La directive 2003/9/ CE du conseil du 27 janvier 2003 relative aux normes pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les états membres dispose pourtant que les demandeurs doivent être informés des avantages dont ils bénéficient et des obligations qui leur incombent.

La directive dispose en particulier que les conditions d'accueil matérielles et les soins médicaux et psychologiques sont garantis pendant le déroulement de tous types de procédures (normale, de recevabilité, accélérée, de recours), afin d'assurer un niveau de vie adéquat pour le demandeur et sa famille. Plus précisément, les états membres doivent fournir un logement dans une maison, dans un centre d'hébergement ou dans un hôtel afin de protéger la vie familiale et privée.

Ses différents courriers, adressés en tant que maire de Valbonne-Sophia Antipolis au préfet étant restés sans réponse, il rappelle que le droit doit être appliqué dans les Alpes-Maritimes comme sur le reste du territoire national et que l'État doit assumer ses responsabilités. Il lui demande donc quelles sont les dispositions qu'il entend prendre pour que la préfecture applique les textes en vigueur.

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Réponse du Ministère chargé de l'outre-mer publiée le 15/06/2011

Réponse apportée en séance publique le 14/06/2011

M. Marc Daunis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration sur la situation des demandeurs d'asile sur le territoire national, plus particulièrement dans le département des Alpes-Maritimes.

Qu'il s'agisse de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou encore de la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les États membres, de nombreux textes et traités ratifiés par la France permettent de garantir un logement, une aide financière ainsi qu'un accompagnement au montage des dossiers aux demandeurs d'asile le temps de l'instruction de leurs demandes par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Or, dans de nombreux départements, le droit n'est pas appliqué et l'État ne remplit pas ses obligations.

Dans mon département des Alpes-Maritimes en particulier, aucune solution d'hébergement pérenne n'est proposée malgré la forte mobilisation d'élus, des associatifs, de citoyens et citoyennes à la suite notamment de l'expulsion de certains demandeurs d'asile par les forces de police d'un immeuble abandonné qu'ils occupaient à Nice au mois de novembre dernier.

Les différents courriers adressés aux services préfectoraux sont restés lettre morte. Ce sont donc les associations et nos concitoyens qui, depuis, se substituent à l'État qui n'assume pas ses responsabilités en la matière.

Ces situations soulèvent d'abord le problème fondamental du manque de logements en centres d'accueil pour les demandeurs d'asile, les CADA. On compte environ 200 places pour tout le département des Alpes-Maritimes !

Par ailleurs, la notion de « départ volontaire » recouvre en fait des réalités bien différentes, les membres d'une même famille se retrouvant bien souvent séparés. Bien plus que de départs volontaires, il s'agit de départs de désespoir.

Les Alpes-Maritimes ne figurent pourtant qu'en quinzième position des départements en termes de nombre de demandes d'asile déposées. Les mesures adoptées sont donc disproportionnées par rapport à une demande qui, elle, n'est pas exorbitante. Elle est même plutôt en baisse en 2011.

Enfin, permettez-moi d'attirer votre attention, madame la ministre, sur la procédure Eurodac, mise en place par le règlement européen dit « Dublin II » de février 2003. Les demandeurs d'asile ayant transité par un autre pays européen avant leur arrivée en France doivent obligatoirement déposer la demande d'asile dans le pays concerné. Pendant tout le temps de cette procédure, qui dure en général plusieurs mois, ils ne bénéficient ni de protection juridique ni d'aucune aide.

Or de récentes études ont montré que la France renvoie autant de demandeurs d'asile sous Eurodac qu'elle n'en reçoit elle-même chaque année. Il s'agit donc, pardonnez-moi l'expression, d'une sorte de jeu à somme nulle, qui est inutile et nécessite temps, argent et énergie.

Ma question est simple : quelles dispositions le Gouvernement envisage-t-il de prendre afin que l'État assume enfin ses responsabilités vis-à-vis des demandeurs d'asile et, surtout, quelles négociations le Gouvernement entend-il engager avec ses homologues européens pour remédier aux importantes difficultés créées par la procédure Eurodac, aujourd'hui dénoncée d'ailleurs par la Cour européenne des droits de l'homme ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur Marc Daunis, permettez-moi tout d'abord d'excuser Claude Guéant, ministre de l'intérieur, qui ne pouvait pas être présent ce matin.

Vous l'interrogez sur la situation des demandeurs d'asile dans les Alpes-Maritimes. C'est un sujet grave, sur lequel le Gouvernement et la majorité font en permanence des propositions d'amélioration, notamment législative, que vous refusez systématiquement.

La dernière preuve en est le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, que le Conseil constitutionnel vient de valider, à une phrase près, alors même que vous avez combattu, au motif de leur prétendue inconstitutionnalité, chacun des articles du texte, même ceux qui visait à améliorer justement la gestion et, donc, la situation des demandeurs d'asile dans notre pays.

Le droit d'asile s'inscrit en effet dans notre tradition républicaine. Nous y sommes, autant que vous, attachés. À ce titre, toute personne souhaitant solliciter la protection de notre pays peut être certaine que sa demande sera examinée dans des conditions conformes aux engagements internationaux, en bénéficiant d'un accueil et d'une prise en charge appropriés.

Ces dernières années, le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile a ainsi bénéficié d'un investissement important, avec une progression sans précédent du nombre de places dans les centres d'accueil pour les demandeurs d'asile, les CADA, la mise en œuvre du versement de l'allocation temporaire d'attente, l'ATA, et la couverture du territoire par un réseau homogène de plates-formes régionales d'accueil spécifiquement dédiées à la demande d'asile.

Chacun sait bien que l'évolution de la demande d'asile dépend de facteurs extérieurs, liés notamment à des tensions ou à des conflits à l'échelon international. De récents exemples évidents ont eu des incidences directes sur votre département.

La demande d'asile continue donc à s'inscrire dans une tendance à la hausse. L'augmentation de 20 % enregistrée en 2008 par rapport à 2007 s'est confirmée en 2009, en 2010 – la hausse globale y est de 10 % par rapport à 2009, mais surtout de 13,5 % pour les premières demandes – et depuis le début de l'année.

Nous le savons, vous le savez également, cette demande d'asile est essentiellement motivée par des considérations d'ordre économique, et non par la recherche d'une protection contre les risques que l'obtention du statut de réfugié est censée offrir.

Dans ce contexte, la France s'attache toujours à respecter scrupuleusement la directive du 27 janvier 2003 que vous avez citée, grâce notamment à un dispositif qui repose, à titre principal, sur l'offre d'un hébergement en CADA pendant toute la durée de la procédure d'asile.

Le dispositif national d'accueil comporte, en 2011, 21 689 places qui se répartissent entre 272 CADA, un centre spécialement adapté aux mineurs isolés demandeurs d'asile et 2 centres de transit. Les CADA répondent parfaitement aux besoins des demandeurs d'asile puisqu'ils leur offrent un accompagnement sur le plan tant social qu'administratif.

Tous ces dispositifs se déclinent naturellement dans votre région, qui se place au quatrième rang des régions métropolitaines en termes de capacité d'accueil.

Monsieur le sénateur, dans votre département, comme sur l'ensemble du territoire, l'État assume ses devoirs et attache la plus grande importance à l'application des textes qui encadrent le droit d'asile : les directives, les lois que vous avez fait adopter entre 1997 et 2002 et celles que vous n'avez pas souhaité voter depuis que notre majorité exerce les responsabilités gouvernementales.

M. le président. La parole est à M. Marc Daunis.

M. Marc Daunis. Monsieur le président, je souhaite naturellement réagir. Je regrette le ton de la réponse que Mme la ministre a jugé utile d'employer sur un sujet aussi important.

Si elle souhaite aller sur ce terrain, je lui rappellerai la différence que l'on peut observer en la matière entre les paroles et les actes. En 2007, le candidat Nicolas Sarkozy proclamait qu'il voulait « être le président d'une France qui se sente solidaire de tous les proscrits, de tous les enfants qui souffrent, de toutes les femmes martyrisées, de tous ceux qui sont menacés de mort par les dictatures et par les fanatismes. » Quel cruel écart entre la déclaration de 2007 et les pratiques de 2011 !

Permettez-moi aussi de relever deux inexactitudes dans votre réponse. Tout d'abord, vous parlez de progression sans précédent des places d'hébergement, incluant dans ce constat le département des Alpes-Maritimes, sur lequel portait plus précisément ma question. Or il y avait, et il y a toujours, 200 places dans ce département. Le projet de 80 places en CADA, prévu en 2010 et qui avait d'ailleurs obtenu les financements nécessaires, a été abandonné.

Ensuite, vous avancez toujours dans vos réponses une progression du nombre de demandeurs d'asile. C'est vrai pour 2008, 2009 ou 2010, mais pour ce qui concerne l'année 2011, dans le département des Alpes-Maritimes, on a pu constater une baisse du nombre de nouveaux arrivants, en dépit des événements internationaux auxquels vous avez fait référence.

J'ajoute en outre qu'il est inadmissible qu'un parlementaire, moi-même en l'occurrence, qui s'est adressé à deux reprises au préfet sur ce sujet, à la suite d'une question écrite au Gouvernement, n'ait toujours pas reçu de réponse de sa part.

Enfin, lorsqu'on évoque la crise de l'asile, qui s'amplifie, il faut toujours garder à l'esprit les enfants à la rue et les familles séparées. Je conclurai en exprimant ma profonde émotion et toute ma sympathie à la famille, aux amis et aux proches du jeune Tchétchène de vingt-six ans, totalement innocent, sur le point de se marier, qui s'est défenestré à Nice, il y a quelques jours, lors d'une opération de police diligentée par un juge antiterroriste. L'émotion m'empêche ici de trouver les mots pour décrire une réalité que je ne pensais pas connaître un jour sur notre territoire. Une telle politique abîme l'image de la France !

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