Question de Mme ESCOFFIER Anne-Marie (Aveyron - RDSE) publiée le 21/04/2011

Mme Anne-Marie Escoffier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur l'efficacité de la lutte contre le campagnol terrestre.

La complexité de la règlementation européenne et les investissements nécessaires pour adapter les produits aux nouvelles contraintes en matière de lutte contre le campagnol obligent les exploitants à adopter des stratégies et des méthodes de prévention et de préservation de leurs terres qui s'avèrent inefficaces et insuffisantes. Aussi, elle lui demande de bien vouloir l'informer sur les nouvelles orientations de la France en ce domaine pour garantir l'efficience des solutions contre ce fléau agricole et les recours pour l'indemnisation des dommages.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire publiée le 25/05/2011

Réponse apportée en séance publique le 24/05/2011

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, ma question, qui concerne les rats taupiers, pourrait faire sourire s'il ne s'agissait d'une véritable préoccupation pour les agriculteurs français.

Depuis 2000, le campagnol terrestre figure dans la liste des organismes nuisibles aux végétaux, produits végétaux et autres objets de l'annexe B de l'arrêté du 31 juillet 2000.

Comme le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire le soulignait, en juin 2010, dans sa réponse à la question orale de notre collègue Gérard Bailly, « si la lutte contre son développement n'est pas obligatoire, sa propagation peut néanmoins justifier des mesures spécifiques de lutte obligatoire ».

Comme le préconisent les auteurs du programme interrégional de recherche « Campagnols terrestres et méthodes de lutte raisonnée » et du rapport de décembre 2010 de la mission du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, la lutte doit être prudente et raisonnée, coordonnée, collective et précoce.

Nul ne condamne l'utilisation maîtrisée et très localisée de produits chimiques, notamment de la bromadiolone, qui est reconnue comme un produit efficace et un complément indispensable aux techniques de piégeage, à la politique de protection des prédateurs ou encore à la plantation de haies, particulièrement dans les situations alarmantes.

Pourtant, la Suède, chargée par l'Europe de rédiger un rapport sur l'utilisation de ce produit, a émis un avis défavorable qui entraînera le retrait inéluctable de son homologation.

Le problème posé par l'indemnisation des dégâts est plus préoccupant encore. En effet, comme vous l'avez vous-même rappelé dans votre réponse à la question écrite de M. Morel-A-l'Huissier, député, publiée le 15 mars 2011, ni le Fonds national de garantie des calamités agricoles ni le Fonds national de gestion des risques en agriculture n'indemnisent aujourd'hui les dégâts provoqués par le campagnol.

Nos exploitants agricoles, conscients de leurs responsabilités, ne recourent ni systématiquement ni abusivement à des produits chimiques, en raison tant de la complexité de la réglementation européenne que de l'ampleur des investissements nécessaires pour s'adapter aux nouvelles contraintes. En revanche, ils sont confrontés à une absence d'indemnisation de leurs pertes et de leurs dommages.

Une double inquiétude, que je relaie ici, les tenaille.

D'une part, ils sont préoccupés par les délais qui leur sont imposés pour utiliser un moyen de lutte efficace, dans la mesure où l'action raisonnée contre les campagnols s'appuie sur un réseau d'épidémiosurveillance mis en place à l'occasion du plan Écophyto 2018, issu du Grenelle de l'environnement, et où, par ailleurs, l'Europe, sur les préconisations de la Suède, demande d'interdire l'utilisation de la bromadiolone.

D'autre part, ils s'inquiètent des prochaines orientations françaises et européennes d'indemnisation, puisque la Commission européenne, consultée sur la prise en compte de ce type de dégâts dans le cadre des fonds de mutualisation de la nouvelle PAC, impose à la France de démontrer le caractère exceptionnel de ces dommages.

Je serais heureuse, monsieur le ministre, que vous puissiez apaiser nos exploitants agricoles sur ces deux points.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Madame la sénatrice, ce problème n'est pas du tout négligeable, contrairement à ce que vous affirmiez au début de votre intervention. J'ai particulièrement conscience de la gravité de la question.

Comme j'ai pu le constater, notamment en Franche-Comté et en Aveyron, nombre d'exploitants agricoles vivent une situation très difficile. Les campagnols terrestres sont responsables de désastres dans bien des exploitations, où des prairies entières deviennent inexploitables. En cette période de sécheresse, ils rendent encore plus difficile le fourrage et l'alimentation des animaux. En effet, une prairie infestée de campagnols a des rendements, en termes de fourrage, qui sont divisés par trois ou quatre, voire qui sont nuls.

J'ai donc demandé au Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux d'expertiser les méthodes disponibles et de me faire part des solutions envisageables pour lutter contre ce fléau. Le rapport qui m'a été remis à la fin de 2010 rappelle la nécessité, d'une part, de mettre en œuvre des principes de lutte raisonnée, en évitant l'utilisation massive de produits chimiques pouvant avoir des répercussions négatives sur l'environnement, et, d'autre part, de mener une action collective précoce et combinant tous les moyens disponibles.

Nous avons mis en place, notamment, un « contrat de lutte raisonnée » en Franche-Comté, qui formalise, pour une durée minimale de cinq ans, l'engagement des agriculteurs à poursuivre des opérations de lutte raisonnée.

Cette lutte s'appuie sur le réseau d'épidémiosurveillance mis en place dans le cadre du plan Écophyto 2018, ainsi que sur les bulletins de santé du végétal publiés dans plusieurs régions concernées par ce fléau.

Elle doit combiner des méthodes de lutte directe – piégeage des animaux, emploi d'appâts – et des techniques complémentaires, qui peuvent, elles aussi, être très efficaces. Il s'agit, notamment, d'assurer la protection des prédateurs naturels du campagnol, tels les rapaces et le renard, ainsi que de leurs habitats, et de mettre en œuvre des mesures d'aménagement du territoire.

Autre moyen de lutte efficace, le retournement des prairies a également été autorisé, sous réserve, évidemment, de les réimplanter en surfaces en herbe pour maintenir le niveau actuel et éviter des pertes en termes de captation de carbone.

Concernant le volet financier de ce dossier, madame la sénatrice, vous avez raison de rappeler que les dégâts résultant du campagnol ne sont pas éligibles au Fonds national de gestion des risques en agriculture. En revanche, je souhaite que soit étudiée la possibilité de les prendre en compte dans le cadre des fonds de mutualisation, qui constituent selon moi une réponse adaptée à ce genre de fléaux agricoles. Encore une fois, il s'agit de ne pas sous-estimer les conséquences très graves de la présence de rats taupiers et de campagnols sur les cultures et le bilan des exploitations.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, si j'ai effectivement ouvert mon intervention en disant qu'une telle question « pourrait faire sourire », j'ai immédiatement précisé que je mesurais complètement la gravité du problème. J'ai pu encore m'en rendre compte le week-end dernier à l'occasion d'un déplacement en Aubrac pour la grande fête de la transhumance : les prairies y sont en effet littéralement labourées !

Puisque vous avez indiqué qu'un contrat de lutte raisonnée avait été signé avec la Franche-Comté, ne serait-il pas envisageable de faire de même avec le département de l'Aveyron dont je suis l'élue ? Cela nous permettrait d'avancer quelque peu sur le sujet.

Je me réjouis par ailleurs que vous envisagiez une indemnisation financière et j'espère que celle-ci pourra être prochainement mise en œuvre.

Reste la question du produit chimique que j'ai évoqué, à laquelle vous n'avez pas répondu. L'Europe maintiendra-t-elle sa condamnation ? À l'inverse, est-il tout de même envisageable d'avoir recours à un tel dispositif, sous réserve que son utilisation soit très raisonnée et maîtrisée ? (M. le ministre manifeste son scepticisme.)

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