Question de M. SUEUR Jean-Pierre (Loiret - SOC) publiée le 28/04/2011

M. Jean-Pierre Sueur appelle l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur le travail de création et de diffusion tout à fait remarquable qu'accomplit depuis un quart de siècle le théâtre de l'Escabeau à Briare, dans le Loiret. Ce théâtre présente des spectacles de très haute qualité. Ceux-ci sont mis en scène et interprétés par des professionnels, intermittents du spectacle, dont il peut assurer, étant un spectateur fidèle, qu'ils servent le théâtre avec professionnalisme, talent et ferveur. Ce théâtre s'est créé un large public venant d'au moins trois départements et il peut témoigner du fait que les spectateurs repartent enchantés et enthousiasmés après avoir vu les spectacles qu'il présente. Ce théâtre a accompli, de surcroît, une action très suivie de formation des jeunes spectateurs en lien avec les établissements scolaires. Il accueille de nombreuses compagnies et organise des festivals qui rencontrent un véritable succès. Au cas où il douterait du bien-fondé de ces assertions, il l'invite à venir assister aux spectacles du théâtre de l'Escabeau. Connaissant nombre de structures, de compagnies, de théâtres bénéficiant de subventions de l'État, il ne comprend pas pourquoi ce théâtre ne bénéficie pas de subvention de son ministère. Il lui demande en conséquence s'il peut lui indiquer qu'il est prêt à étudier positivement, en lien avec le théâtre de l'Escabeau, comment celui-ci pourra bénéficier à l'avenir de subventions de l'État sous les formes appropriées.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation publiée le 22/06/2011

Réponse apportée en séance publique le 21/06/2011

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d'État, je veux vous parler d'un théâtre qui accomplit un travail remarquable.

Au théâtre, la magie opère ou elle n'opère pas. C'est Shakespeare, Molière, Musset, tant d'autres… Les spectateurs assistent – ou plutôt participent – à la représentation, et il se passe quelque chose en eux : ils sentent une ferveur les gagner, et ils ressortent du théâtre transformés.

Voilà maintenant un quart de siècle que je participe aux spectacles du théâtre de l'Escabeau de Briare, et je suis toujours émerveillé devant le travail qui y est réalisé, avec peu de moyens, par des professionnels intermittents du spectacle. Ils animent chaque année un festival d'une qualité remarquable et mènent auprès des jeunes, en lien avec les institutions scolaires, une action marquante de formation et de diffusion de la culture théâtrale.

Je ne comprends donc pas pourquoi ce théâtre, qui accomplit une œuvre magnifique, ne perçoit aucune subvention de l'État, en dépit d'innombrables interventions, notamment auprès des services de la direction régionale des affaires culturelles. Beaucoup d'autres – je ne parle pas de celui dans lequel j'ai l'honneur de me produire en cet instant ! (Sourires.) – sont pourtant subventionnés, parfois largement –tant mieux pour eux ! –, sans qu'il y règne toujours la ferveur que je viens d'évoquer…

Dans le texte que j'avais préparé, mais dont je n'ai pas donné lecture car ce serait absurde s'agissant de théâtre, j'invitais d'ailleurs M. le ministre de la culture à venir à Briare constater lui-même la réalité de cette ferveur. Je vous adresse bien entendu la même invitation, monsieur le secrétaire d'État : cela vous changera des occupations austères liées à vos fonctions ! (Sourires.)

J'espère que vous allez pouvoir m'apporter une réponse encourageante pour ces comédiens qui font vivre la culture dans cette magnifique ville de Briare, qui appartient au patrimoine national et où l'on voit notamment un superbe pont-canal sur la Loire, dû en partie à Gustave Eiffel. Les raisons de venir à Briare ne manquent donc pas, le théâtre de l'Escabeau n'étant pas la moindre !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Je vous remercie de votre invitation, monsieur le sénateur !

Je vous prie de bien vouloir excuser M. Frédéric Mitterrand, qui aurait aimé pouvoir vous répondre en personne.

Vous avez parlé de ferveur ; le mot est bien choisi. Je la retrouve chez les artisans et les commerçants, qui relèvent de mon champ d'action.

Le théâtre est un monde que je connais un peu, pour l'avoir beaucoup fréquenté durant ma jeunesse, et pour m'y rendre encore régulièrement aujourd'hui.

En tant que secrétaire d'État chargé du tourisme, je considère que, dans notre pays, on ne s'appuie pas suffisamment sur le patrimoine vivant.

M. Jean-Pierre Sueur. Bien sûr !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. On valorise le patrimoine historique – la tour Eiffel, le mont Saint-Michel… –, mais on oublie trop souvent le patrimoine vivant de la France, qu'il s'agisse de la gastronomie, de l'œnotourisme ou du spectacle vivant.

Je comprends donc parfaitement que vous mettiez autant d'énergie et d'éloquence à défendre un métier qui compte parmi les plus beaux, consistant à défendre la langue française et nos grands textes. Il est exercé par des gens en effet passionnés, qui jouent un rôle très important pour l'équilibre des territoires, y compris sur le plan économique. D'ailleurs, voilà peu, j'ai participé à une réunion au théâtre des Abbesses, à Montmartre, à l'invitation de commerçants de ce quartier très touristique qui souhaitaient obtenir l'autorisation d'ouvrir leurs magasins le dimanche.

M. Frédéric Mitterrand considère lui aussi que les lieux de spectacle vivant tiennent une place très importante dans le maillage territorial.

Il rappelle toutefois que l'intervention de l'État est plutôt concentrée sur les grands équipements de création et de diffusion, qui offrent aux compagnies et ensembles des outils professionnels partagés, et sur les équipes indépendantes dont les projets et démarches artistiques ont été distingués par des collèges d'experts dans chacune des disciplines du spectacle vivant. Cette expertise apportée par des professionnels est nécessaire pour éclairer l'engagement de l'État. Néanmoins, j'ai été sensible, en tant que secrétaire d'État chargé du tourisme, à la logique d'aménagement du territoire qui sous-tend votre question, notamment sa conclusion.

Ces procédures d'évaluation permettent d'assurer un renouvellement des projets et des artistes accompagnés, garantissant la vitalité de la création sur le territoire.

M. Frédéric Mitterrand souligne que le théâtre de l'Escabeau a bénéficié de subventions de l'État au début de son existence, voilà un quart de siècle, à une époque où un tel soutien, conjugué à celui des collectivités locales, était indispensable pour lancer l'activité de cette structure en attendant qu'elle ait trouvé son public. Ce type d'aide du ministère de la culture et de la communication n'a pas vocation à perdurer une fois que le seuil de viabilité est atteint, les moyens devant alors pouvoir être redéployés au profit d'autres lieux, afin de contribuer à l'émergence de réussites aussi belles que celle du théâtre de l'Escabeau. Je serais enchanté d'assister en votre compagnie à l'un de ses spectacles, à l'occasion d'un déplacement dans le Loiret !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d'État, vous le comprendrez, la réponse de M. Frédéric Mitterrand ne me satisfait que modérément.

Vous avez commencé par évoquer le soutien qu'apporte le ministère de la culture et de la communication aux grands équipements et projets, ainsi que l'intervention des collèges d'experts, pour lesquels j'ai un profond respect, mais qui ont parfois tendance à se borner à reconduire les décisions antérieurement prises.

Je me suis accroché au « néanmoins » qui est venu ensuite, en espérant qu'il annonce une réponse positive. Certes, le théâtre de l'Escabeau a reçu, à ses débuts, des subventions de l'État, mais il n'en est plus ainsi depuis longtemps, sans qu'il ait pour autant atteint son seuil de viabilité, comme vous l'avez affirmé. En vérité, ce théâtre tire le diable par la queue, si je puis m'exprimer ainsi ! Chaque année, ses responsables se demandent comment « boucler » le budget et s'interrogent sur la poursuite de l'activité la saison suivante.

Monsieur le secrétaire d'État, eu égard au remarquable travail accompli par le théâtre de l'Escabeau et à la précarité de sa situation financière, puis-je espérer votre intercession auprès de M. le ministre de la culture et de la communication pour qu'il veuille bien envisager de lui attribuer une aide de l'État, accordée à nombre d'autres structures ? Ma demande n'est pas exorbitante !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je me ferai bien volontiers votre messager auprès de M. Frédéric Mitterrand, en insistant sur le fait que, contrairement à lui, vous considérez que ce théâtre n'a pas atteint son seuil de viabilité.

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous en remercie !

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