Question de Mme GONTHIER-MAURIN Brigitte (Hauts-de-Seine - CRC-SPG) publiée le 05/05/2011

Mme Brigitte Gonthier-Maurin interroge M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative sur le devenir du centre national d'enseignement à distance (CNED) et de ses missions de service public.

Elle rappelle que le CNED est le premier établissement public d'enseignement à distance en Europe dont la mission de service public est de dispenser et promouvoir un enseignement à distance à tous les niveaux de formation, de l'école primaire jusqu'aux formations supérieures en passant par l'enseignement professionnel. Il contribue ainsi à la formation initiale, notamment à destination des élèves empêchés dont il assure la scolarisation, et à la promotion d'une offre de formation sur le marché de la formation tout au long de la vie. Une de ses missions de service public est donc de favoriser la promotion sociale en fournissant des formations de qualité, à des tarifs accessibles à tous.

En 2009, après une baisse significative de ses inscrits depuis 2000, la direction du CNED, en accord avec les services du ministère, a proposé que soit conduite une étude dite de modernisation. S'agissant des préconisations émises par le cabinet d'audit, dans une réponse à une question écrite publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale le 6 octobre 2009, le Gouvernement avait alors indiqué que celles-ci ne remettaient pas en cause les métiers du CNED, pas plus que son statut d'établissement public national à caractère administratif (EPA) ou encore ses implantations sur le territoire national.

Or, elle constate aujourd'hui que la mise en place de ce plan prévoit la fermeture de plusieurs sites régionaux, sans que les personnels ne soient ni informés ni associés. Elle lui demande donc de bien vouloir l'informer de la réalité de ces fermetures.

Le budget 2011 traduit une accélération des suppressions de postes de titulaires (68) avec pour corollaire l'embauche croissante de contractuels sans connaissance du CNED. Ce plan a déjà conduit à une augmentation des tarifs de certaines formations et d'autres non rentables pourraient être supprimées. Par ailleurs, contrairement à ce qui avait été annoncé en 2009, une étude a été lancée pour que le CNED passe du statut d'EPA à celui d'établissement public à caractère commercial (EPIC).

Toutes ces mesures sont contraires au maintien et à la garantie des missions de service public du CNED et vont concourir à la dégradation de la qualité et de la diversité de l'offre d'enseignement à distance, au détriment notamment des publics les plus fragilisés. C'est pourquoi, elle demande au ministre de bien vouloir reconsidérer cette restructuration.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la jeunesse et de la vie associative publiée le 22/06/2011

Réponse apportée en séance publique le 21/06/2011

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, à l'issue de la restructuration débutée en 2009, le Centre national d'enseignement à distance, le CNED, aura-t-il encore les moyens d'assurer ses missions de service public d'origine ? Pour l'intersyndicale du CNED de Vanves, dont certains membres sont présents dans les tribunes du public, la réponse est « non ». Je partage leur analyse, tant les motifs d'inquiétude sont nombreux.

Historiquement, le service public de l'enseignement à distance s'adresse aux personnes de tous les âges, aux enfants d'âge scolaire comme aux adultes. Il assure l'instruction des enfants « empêchés » d'aller à l'école, par la maladie ou toute autre difficulté, et leur évite de subir une interruption de scolarité. Il est également destiné aux adultes, qui représentent aujourd'hui les deux tiers des 210 000 inscrits : demandeurs d'emplois en reconversion, bénéficiaires de la formation permanente, femmes au foyer, prisonniers, malades.

La vocation première du CNED est en effet de favoriser la promotion sociale en fournissant des formations qualifiantes et diplômantes de qualité, à des tarifs accessibles à tous.

Une autre des missions du CNED est de permettre à des enseignants « accidentés de la vie », du fait d'une maladie ou d'un handicap, de continuer de travailler.

Cette double articulation entre apprenants et enseignants « empêchés » est en train de disparaître. Alors même que les discours officiels font la promotion de l'emploi des personnes handicapées et des dispositifs de seconde carrière, c'est l'inverse qui se produit au CNED. Ce double langage est source de fortes souffrances pour ses personnels.

Les missions de service public du CNED sont remises en cause depuis la publication du décret 2009-238 du 27 février 2009 relatif au service public de l'enseignement à distance : la révision générale des politiques publiques, la RGPP, venait de faire son entrée au CNED !

Si ce décret a instauré la gratuité de l'inscription pour les élèves âgés de six à seize ans, il a surtout réduit le périmètre du service public à la seule scolarité obligatoire. Désormais, 80 % des formations, y compris l'enseignement supérieur, relèvent du secteur concurrentiel de la formation professionnelle.

Dès lors, il s'agit de développer non plus « une politique d'inscrits », mais une « politique du chiffre d'affaires ». Priorité est donc donnée au développement du soutien scolaire, aux formations dites « rentables ».

Bilan : cinquante formations ont déjà été supprimées pour la période 2010-2011 ; les tarifs sont en augmentation de 20 % en moyenne, ce taux pouvant atteindre 48 % pour certaines formations. Des aberrations sont constatées : le tarif du diplôme d'accès aux études universitaires a bondi de 40 % en deux ans, en faisant l'un des plus chers et entraînant une chute des inscriptions. Les tarifs préférentiels pour les chômeurs ont quant à eux été supprimés.

Cette politique tarifaire est en décalage avec la sociologie actuelle des inscrits.

Des postes d'enseignants, de personnels administratifs et techniques sont supprimés chaque année, ce qui ne sera pas sans conséquence sur la qualité des formations.

Contrairement aux engagements pris en 2009, la fermeture de plusieurs sites – deux ou trois – est prévue, sans que les personnels en soient informés ou soient associés à ces décisions. La transformation du CNED en établissement public à caractère industriel ou commercial parachèverait ce démantèlement. Une étude a d'ailleurs été lancée.

Que pouvez-vous nous dire, madame la secrétaire d'État, sur ces fermetures de sites et sur le statut du CNED ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser M. le ministre de l'éducation nationale, qui ne peut être présent au Sénat ce matin.

Comme vous l'avez dit, le Centre national d'enseignement à distance est le premier organisme d'enseignement à distance en Europe, avec plus de 200 000 inscrits pour l'année 2010.

La formation scolaire initiale représente une part assurément importante, mais pas majoritaire, des élèves ou étudiants qui y sont inscrits. Le CNED compte en effet environ 47 000 inscrits annuels, relevant du secteur réglementé.

En ce domaine, la mission de service public du CNED a été renforcée, tant par le décret de 2009, qui réaffirme le rôle de cet établissement, que par l'augmentation, cette année encore, de la subvention pour charges de service public, laquelle est en hausse de 669 815 euros par rapport à 2010 et dépasse les 72 millions d'euros. La mission de service public du CNED est donc loin d'être remise en cause.

Les autres publics du CNED, soit près de 80 % des inscrits, relèvent du champ de la formation continue, de la formation professionnelle ou encore de l'enseignement supérieur.

Il convient de souligner que le nombre d'inscrits et le chiffre d'affaires du CNED sont en baisse constante depuis les années 2000, ce qui risque de compromettre son équilibre financier.

Le CNED doit donc s'appuyer sur des ressources pérennes et compatibles avec le droit de la concurrence. Il doit pour cela se moderniser en proposant une offre de formation mieux adaptée à son public, en trouvant de nouveaux marchés, en organisant de nouvelles modalités de formation, notamment en ayant largement recours aux technologies numériques.

Le CNED doit aussi rationaliser son fonctionnement et proposer une organisation qui lui permette de s'adapter à la demande de ses usagers. C'est tout l'objet du chantier entamé par la direction générale depuis 2009.

Le ministère de l'éducation nationale souhaite que le CNED conserve sa première place d'établissement public en Europe dans le domaine de la formation à distance. C'est pourquoi Luc Chatel a rappelé, en novembre dernier, le rôle qu'il souhaitait voir prendre par le CNED dans le développement du numérique à l'école et qu'il a demandé au CNED, en janvier dernier, de construire un service universel d'apprentissage de l'anglais.

Madame la sénatrice, la mission de service public du CNED est loin d'être menacée, bien au contraire : c'est en effet à travers les chantiers qu'il lui a confiés et en lui permettant de développer ses ressources et de se moderniser que le ministère de l'éducation nationale pérennise cet établissement.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la secrétaire d'État, permettez-moi de faire une observation sur l'augmentation de la subvention pour charges de service public que vous avez évoquée, laquelle est en fait tout à fait théorique. En effet, un écart non négligeable est toujours constaté entre les subventions votées dans les lois de finances et les montants réellement consommés. Ainsi, dans la loi de finances de 2009, le montant de cette subvention s'élevait à 73 millions d'euros, mais seuls 68 millions d'euros ont en réalité été utilisés. Bien que des augmentations soient votées, la réalité ne suit pas !

Vous avez rappelé les engagements du Gouvernement dans le plan de modernisation du CNED. Effectivement, une diminution du nombre des inscrits et une baisse du chiffre d'affaires du Centre sont constatées, mais elles résultent, hélas ! de la politique que vous conduisez.

Dès lors, on peut se demander quelle place est réservée au service public. Aucune en fait, car le plan de modernisation du Gouvernement s'apparente à un démantèlement de l'opérateur public : je ne suis d'ailleurs pas la seule à le penser, l'intersyndicale s'étant largement mobilisée pour préserver cet outil de service public. Ou comment réduire ses recettes tout en augmentant ses charges…

L'État demande au CNED de développer toujours plus de nouveaux services, lesquels sont évidemment financés sur le budget et avec les ressources en personnels du CNED, sans apport supplémentaire de l'État.

La révision générale des politiques publiques a débuté par un audit privé qui a coûté la modique somme de 850 000 euros et à la suite duquel des préconisations ont été formulées sans que les moyens techniques et informatiques du CNED, assurément problématiques, aient été analysés. Il y aurait pourtant eu là un motif de modernisation.

En parallèle, différents services ont été développés, à l'instar de la « trente et unième académie en ligne ». La création de ce site de ressources gratuites a entraîné une diminution du nombre d'inscrits. Le coût de sa mise en place, qui est estimé à environ 2 millions d'euros, a été compensé par une hausse des tarifs. La création de ce site a également occasionné un doublement du budget des droits d'auteurs, lequel n'a pas non plus été compensé par l'État. Le CNED a évidemment été obligé de prendre en charge cette dépense sur ses fonds propres.

On pourrait également évoquer la collection « AtoutCNED », la campagne de communication de 3 millions d'euros ou encore « MyCNED », la dernière commande de l'État, qui va évidemment coûter très cher, sans compensation aucune.

Il est évident que le plan de modernisation mis en œuvre par le Gouvernement mine de fait les missions de service public du CNED. Ce service public étant, je le rappelle, destiné aux publics les plus fragilisés, c'est extrêmement dommageable.

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