Question de Mme JARRAUD-VERGNOLLE Annie (Pyrénées-Atlantiques - SOC) publiée le 12/05/2011

Mme Annie Jarraud-Vergnolle attire l'attention de M. le ministre chargé des collectivités territoriales sur la situation des services publics des collectivités territoriales en zone frontalière.

En Pyrénées-Atlantiques, les collectivités locales situées en zone frontalière sont confrontées à des situations complexes et spécifiques. On estime que la population hendayaise est composée d'au moins 30 % de résidents de langue et de culture espagnole. En outre, le transit permanent des habitants d'Irun fréquentant quotidiennement les services publics présents sur Hendaye, ne fait que renforcer le caractère « international » de cette ville.

La situation des écoles publiques est à cet égard très significative : 60 % des élèves « entrants » ne sont pas francophones. Il est indéniable, dans ces conditions, que le nombre d'élèves par classe est déterminant pour le bon fonctionnement de l'enseignement. Il apparaît nécessaire d'envisager la mise en place d'un statut dérogatoire en matière de carte scolaire.

Les services de police nationale connaissent de la même façon des difficultés spécifiques. Le commissariat d'Hendaye voit se réduire ses effectifs, et les menaces de suppression de l'antenne hendayaise sont fréquentes. Pourtant il s'agit ici de prendre en compte l'existence d'une délinquance difficile à traiter du fait de la proximité de la frontière, concernant notamment la poursuite des infractions commises par des ressortissants espagnols.

Ces mêmes observations peuvent être formulées concernant les services postaux, les suppressions successives de postes à la SNCF et la disparition des permanences CPAM sur la commune. De fait, c'est l'ensemble des services publics qui vacille.

Sur l'ensemble du territoire national, les services publics sont fragilisés, cette politique entraîne des situations dramatiques lorsque ces territoires sont frontaliers. Dès lors, apparaît la nécessité de trouver des solutions adéquates par la mise en place de normes adaptées à ces territoires pour le maintien d'un service public de qualité.

En 2010, une mission parlementaire sur la politique transfrontalière a souligné les besoins de mettre en place une politique adaptée. Dans ce rapport, dix-neuf propositions ont été soumises au Premier Ministre. L'une d'entre elles préconise la mise en place de « schéma de service transfrontalier à l'échelle des bassins de population ». Les conclusions de ce rapport seront-elles réellement prises en compte par le Gouvernement.

Elle lui demande comment il compte adapter les procédures et règlements aux territoires transfrontaliers et comment il
envisage de donner une réponse rapide aux difficultés que connaissent les services publics de ces territoires.

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Transmise au Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire


Réponse du Ministère chargé de l'outre-mer publiée le 15/06/2011

Réponse apportée en séance publique le 14/06/2011

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Madame la ministre, j'attire votre attention sur la situation des services publics des collectivités territoriales en zone frontalière.

J'évoquerai le cas des Pyrénées-Atlantiques, où les mouvements de population entre l'Espagne et la France sont nombreux. De ce fait, les collectivités locales situées en zone frontalière sont confrontées à des situations complexe et spécifique, notamment en ce qui concerne le fonctionnement des services publics.

Sur la commune d'Hendaye, si les difficultés que connaissent les services publics relevant notamment de la police nationale, de l'éducation nationale ou de La Poste y sont les mêmes qu'au niveau national, leur acuité est plus forte du fait de la spécificité transfrontalière.

Cette spécificité et la complexité des problèmes qui se posent ne sont pas anecdotiques.

On estime que la population hendayaise est composée d'au moins 30 % de résidents de langue et de culture espagnoles. En outre, la prégnance du fait culturel basque ainsi que le transit permanent des habitants d'Irun, utilisant quotidiennement les services publics implantés à Hendaye, ne font que renforcer le caractère « international » de cette ville.

La situation des écoles publiques est à cet égard très significative. Alors que 60 % des élèves « entrants » ne sont pas francophones, le nombre d'élèves par classe est déterminant pour le bon fonctionnement de l'enseignement. C'est indéniable. Faute de pouvoir obtenir des effectifs allégés, il apparaît nécessaire d'envisager la mise en place d'un statut dérogatoire en matière de carte scolaire.

Les services de police nationale connaissent, de la même manière, des difficultés spécifiques liées à la géographie de la ville. Le commissariat d'Hendaye voit ainsi ses effectifs réduits à la portion congrue, et les menaces de suppression de l'antenne hendayaise sont fréquentes. Pourtant, la délinquance y est difficile à traiter, du fait de la proximité de la frontière, et s'agissant notamment de la poursuite des infractions commises par les ressortissants espagnols. Cette spécificité doit être prise en compte.

Cette situation crée un malaise profond auprès de la population locale. La présence d'effectifs de fonctionnaires de police en nombre suffisant est indispensable pour garantir la sécurité de la population. Aussi, la mise en place de dérogations en matière d'ouverture ou de fermeture de postes serait-elle souhaitable. Il en va de même de l'application concrète des conventions internationales permettant la poursuite des infractions au-delà de la frontière.

Ces observations peuvent également être formulées à propos des services postaux, de la SNCF, qui a connu plusieurs suppressions consécutives de postes, et de la caisse primaire d'assurance maladie, dont les permanences sur la commune ont disparu. De fait, c'est l'ensemble des services publics qui vacille.

Sur le territoire national, les services publics sont fragilisés par la mise en place d'une politique de réduction draconienne des moyens et des effectifs. Cette politique entraîne une situation dramatique dans les territoires frontaliers. Il paraît dès lors nécessaire de trouver des solutions adéquates par la mise en place de normes adaptées à ces territoires pour le maintien d'un service public de qualité, répondant aux réels besoins du terrain.

En 2010, une mission parlementaire sur la politique transfrontalière, composée d'Étienne Blanc, député de l'Ain, de Fabienne Keller, sénatrice du Bas-Rhin, et de Marie-Thérèse Sanchez Schmid, députée européenne, a souligné les spécificités des territoires frontaliers et la nécessité d'y mettre en place une politique adaptée.

L'une des dix-neuf propositions au Premier ministre que contient le rapport préconise la mise en place de « schémas de services transfrontaliers » à l'échelle des bassins de population. Ces schémas concerneraient l'État, les collectivités territoriales des zones frontalières ainsi que les opérateurs sollicitant un concours public.

Madame la ministre, les conclusions de ce rapport seront-elles réellement prises en compte par le Gouvernement ? Comment entendez-vous adapter les procédures et règlements aux territoires transfrontaliers ? Quelle réponse rapide envisagez-vous d'apporter aux difficultés que connaissent les services publics de ces territoires ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Madame la sénatrice, vous interrogez le Gouvernement sur la façon dont il entend prendre en compte les difficultés que connaissent les territoires transfrontaliers, notamment en matière d'accès aux services publics.

Les problèmes que vous soulevez ont été clairement identifiés par le Gouvernement. En effet, la place de la coopération territoriale transfrontalière, transnationale et interrégionale est allée grandissante ces vingt dernières années, notamment dans le cadre de la politique européenne de cohésion.

Le cadre juridique a donc évolué, afin de faciliter les actions de coopération entre territoires européens. Les groupements européens de coopération transfrontalière, les GECT, ont ainsi été intégrés dans le code général des collectivités territoriales par la loi n° 2008–352 du 16 avril 2008. Ils permettent que soient désormais rassemblées les compétences utiles à la mise en œuvre d'un projet de coopération. Un premier groupement est ainsi sur le point d'être créé au niveau de la frontière luxembourgeoise.

Madame la sénatrice, il y a là une piste concrète pour répondre à votre préoccupation qu'un service public de qualité soit préservé en zone frontalière.

De nombreux problèmes doivent cependant encore être résolus pour mettre un terme aux difficultés que rencontrent, notamment en termes d'accès aux services publics, les 300 000 citoyens travaillant dans un pays limitrophe et vivant en France.

Comme vous l'avez indiqué, une mission parlementaire composée de Mme Fabienne Keller, sénatrice du Bas-Rhin, de Mme Marie-Thérèse Sanchez Schmid, députée européenne, et de M. Étienne Blanc, député de l'Ain, a été chargée par Michel Mercier, en décembre 2009, d'étudier ces difficultés et de formuler des propositions de solutions.

Après plusieurs mois de travaux et de nombreuses auditions, la mission a élaboré dix-neuf propositions, que l'on peut regrouper en trois grands axes de travail : renforcer la gouvernance transfrontalière en France, tant au niveau central qu'au niveau déconcentré ; renforcer la compétitivité et l'attractivité des zones frontalières ; répondre aux besoins de services des populations frontalières, notamment en matière de santé, d'éducation, de formation continue, d'accès à l'emploi, de transports et de télécommunications.

Sachez que le Gouvernement travaille aux modalités de mise en œuvre de ces préconisations. Toutefois, plusieurs d'entre elles soulèvent des difficultés d'ordre juridique qu'il convient de lever avant toute prise de décision soit dans un cadre bilatéral, soit dans un cadre européen.

C'est la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale, la DATAR, qui assure la coordination des travaux en cours. Parallèlement, un ambassadeur de France pour la coopération et les questions transfrontalières a été nommé pour faciliter les démarches engagées, M. Frédéric Basaguren.

M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Madame la ministre, vous avez déclaré qu'un travail de réflexion était en cours, au sein de la DATAR, à la suite du rapport rédigé par les trois parlementaires.

Qu'en est-il de la préconisation de développer les GECT, que vous évoquiez tout à l'heure ? Je rappelle que le rapport préconisait pour ce faire d'assouplir le statut de leur personnel et d'autoriser leur création avec un seul pays membre de l'Union européenne.

Je dirais d'Hendaye que ce n'est pas une ville-frontière ; c'est une frontière dans la ville. En dehors de la période franquiste, la rivière Bidassoa n'a jamais constitué une barrière entre la France et l'Espagne, ni sur le plan historique, ni sur le plan culturel.

Aujourd'hui, l'autonomie de l'Euskadi contribue à changer la donne. Les dimensions triculturelle et trilinguistique français-basque-espagnol constituent une caractéristique forte d'Hendaye. De fait, la ville vit dans une situation de communauté internationale, avec ses contraintes, mais sans ses avantages, et avec une augmentation constante de sa population.

Le rapport parlementaire précité met bien en exergue les difficultés rencontrées par les territoires transfrontaliers. Selon ses trois auteurs, « Les frontières sont une entrave dans des espaces de vie quotidienne. Les préoccupations concrètes d'emploi, de chômage, de santé, de logement, de transports, d'éducation, de services… en sont accentuées. ». Ils ajoutent que « ce sont surtout les acteurs publics, en particulier les collectivités gestionnaires, qui assument les charges liées aux populations accueillies… sans bénéficier des ressources correspondant[es] ».

Toutefois, si le rapport vise à optimiser la situation des territoires transfrontaliers, il spécifie en conclusion que ces dix-neuf propositions « ne vaudront que par la suite qui pourra leur être donnée ».

J'espère donc, madame la ministre, que la suite qui sera donnée à ce rapport sera relativement rapide. En effet, la population d'Hendaye souffre excessivement de la perte des services publics.

J'espère en outre que le commissariat pourra être maintenu à Hendaye, car les problématiques, notamment en matière de toxicomanie et de délinquance, que l'on rencontre dans cette zone transfrontalière ne se retrouvent pas partout.

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