Question de M. FAUCONNIER Alain (Aveyron - SOC) publiée le 19/05/2011

M. Alain Fauconnier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur le problème posé par le nombre croissant de suicides chez les agriculteurs, conséquence directe de la crise que traverse la profession. Il lui demande de bien vouloir lui faire savoir de quelle manière le Gouvernement compte combattre ce qui tend à devenir un véritable fléau, au-delà de l'aide psychologique proposée.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la famille publiée le 06/07/2011

Réponse apportée en séance publique le 05/07/2011

M. Alain Fauconnier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question porte sur un problème qui, hélas ! tend à augmenter au sein d'une profession jusque-là préservée : je veux parler de l'évolution inquiétante du nombre de suicides chez les agriculteurs.

Selon l'Institut de veille sanitaire, l'INVS, le taux de suicide des agriculteurs est en effet trois fois plus élevé que celui des cadres, bien qu'il en soit moins fait état dans la presse et les médias, ce qui peut poser question. Certes, le suicide reste un mystère, et il l'est encore plus en milieu rural où les liens sociaux, le cadre de vie pourraient, dans l'esprit des gens, préserver de ces détresses.

En collaboration avec la Mutualité sociale agricole, la MSA, M. le ministre de l'agriculture a annoncé le 31 mars dernier, à Rennes, un plan de prévention du suicide dans le monde rural, et je m'en félicite. Est-ce pour autant suffisant pour endiguer ce fléau ? Je n'en suis pas persuadé. Trois mois après ces annonces, a-t-on des éléments d'appréciation sur leur mise en œuvre ?

Si tel était le cas, je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous les indiquer.

Mais s'il est urgent de proposer un suivi psychologique adapté à la profession, il est tout aussi impératif, selon moi, d'agir sur les causes profondes du malaise dans le monde agricole.

En l'espace de deux générations, les campagnes françaises se sont radicalement transformées. On a demandé aux agriculteurs de rompre avec des modes de productions traditionnels, familiaux, ce qui pousse les exploitants agricoles à se positionner dans des processus de production plus intégrés, qui privilégient la seule rentabilité au lien à la terre et au pays.

Les agriculteurs peuvent ainsi tout perdre dans un laps de temps très court, soit par la volatilité des prix, soit par les aléas climatiques et sanitaires, qui, régulièrement, détruisent les productions.

Ils doivent, de ce fait, faire face non seulement à l'absence désespérante de perspectives, mais encore à l'insupportable pression des fournisseurs et des banquiers, avec tout ce que cela implique.

Cette profession est sans cesse montrée du doigt, notamment à l'occasion de chaque crise alimentaire ou environnementale. Ces réflexes médiatiques passent sous silence les efforts considérables réalisés par les agriculteurs pour améliorer les conditions de production en termes aussi bien de protection de la nature que de bien-être animal.

Si l'on ajoute les grandes inquiétudes quant à l'impact des phytosanitaires sur l'intégrité physique et la santé psychique des agriculteurs, on peut s'interroger sur les conséquences de l'ensemble de ces causes.

On voit bien que cette situation dramatique est la résultante d'une multitude de paramètres.

Cette succession de difficultés est perçue comme un échec personnel et pousse certains agriculteurs à commettre l'irréparable.

La loi de modernisation de l'agriculture devait apporter plus de sécurité et davantage de perspectives pour les producteurs, notamment à travers les notions d'assurance et de contrat de filière. Force est de constater que, dans ce domaine, la déception est grande et que la détresse des agriculteurs appelle à des actions urgentes.

Loin de moi l'idée d'imputer au ministre de l'agriculture une quelconque responsabilité face à ces drames humains qui nous concernent tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégions. Toutefois, je souhaiterais connaître les premières évaluations du plan d'urgence qui a été mis en place en direction de cette frange d'agriculteurs fragilisés et les nouvelles mesures envisagées par le Gouvernement pour redonner de l'espoir à l'ensemble de la profession.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Claude Greff, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chargée de la famille. Monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir excuser Bruno Le Maire, retenu à son ministère par une réunion sur la contractualisation interfilière. Je tiens à vous dire combien je m'associe à ses propos. Vous interrogez, en effet, le ministre de l'agriculture sur une question extrêmement difficile, celle du suicide en agriculture. Les causes de cet acte désespéré sont évidemment le plus souvent multiples : économiques, sociales ou psychologiques. Il importe d'agir sur l'ensemble d'entre elles. Sachez que le Gouvernement s'y efforce, ô combien !

C'est dans ce but que Bruno Le Maire s'attache à apporter à nos agriculteurs des réponses concrètes, à leur ouvrir des perspectives à long terme et à défendre un modèle d'agriculture à la fois protecteur, stable et régulé.

C'est, bien sûr, l'un des objectifs clés de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche qui a jeté les bases d'un nouveau modèle agricole. C'est aussi tout le sens du combat que Bruno Le Maire mène, aux niveaux européen et international, en faveur de la régulation et contre la volatilité excessive des cours des matières premières agricoles. Il s'agit, plus que jamais, de donner à nos agriculteurs les moyens d'envisager l'avenir de leur activité de façon plus sereine.

Au-delà, le Gouvernement s'emploie à traiter les autres facteurs de fragilités à l'origine de cet acte. Bruno Le Maire a ainsi annoncé, le 31 mars dernier, à Rennes, un plan de prévention du suicide dans le monde agricole. Il a confié à la Mutualité sociale agricole le soin de mettre en œuvre ce plan qui s'intégrera dans le Programme national d'actions contre le suicide que présentera prochainement la secrétaire d'État chargée de la santé, Mme Nora Berra.

Ce plan comporte trois axes.

Le premier est une meilleure connaissance de ce phénomène – c'est important. La MSA et l'INVS constitueront un groupe de professionnels chargé d'établir des données fiables et d'identifier au plus près des pistes de travail. Ce groupe remettra sa première étude à la fin de l'année 2011.

Le deuxième axe est la mise en place de dispositifs d'écoute pour les agriculteurs en situation de détresse. L'écoute est essentielle. Les personnels des plates-formes téléphoniques des réseaux d'aide à distance spécialisés seront formés à cette fin et pourront renvoyer les agriculteurs en détresse vers la MSA, qui prendra le relais, un relais humain, pour apporter une réponse sur mesure à leurs problèmes.

Enfin, le troisième axe est la création de cellules de prévention dans chaque caisse de la MSA pour repérer les agriculteurs en difficulté. C'est un élément d'une très grande importance. Ces cellules regrouperont des compétences variées – médecins du travail, assistantes sociales, psychologues, tous très ouverts et attentifs aux autres – et seront chargées de repérer les agriculteurs fragiles et de prendre contact avec eux pour prévenir toute tentative de suicide. Elles assureront un suivi afin de prévenir les récidives.

Monsieur le sénateur, il n'y a malheureusement pas de solution miracle et définitive à ce phénomène. Soyez néanmoins assuré que le Gouvernement met tout en œuvre pour combattre les situations de trop grande détresse.

M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.

M. Alain Fauconnier. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.

Je tiens à le dire, à la détresse individuelle des agriculteurs s'ajoute une détresse plus collective du milieu rural, milieu rural qui voit aujourd'hui disparaître ses services publics, notamment La Poste.

Or, vous savez combien était important le passage du facteur, puisque ce dernier était quasiment la seule personne extérieure que l'agriculteur voyait dans la journée ! Aujourd'hui, ce passage se résume à quelques secondes… La situation actuelle pose une vraie difficulté.

La conjonction de cette détresse individuelle, de ce sentiment d'abandon en milieu rural et de cette détresse collective devrait appeler, à l'avenir, au-delà des clivages partisans, à une mobilisation nationale.

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