Question de Mme LEPAGE Claudine (Français établis hors de France - SOC) publiée le 01/06/2011

Question posée en séance publique le 31/05/2011

Concerne le thème : Politique audiovisuelle extérieure

Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la création de la société holding AEF devait permettre à l'audiovisuel extérieur de la France de rivaliser avec les incontournables BBC World et CNN et de porter haut ce fameux « regard français sur le monde ».

Il serait plus juste, aujourd'hui, de parler de « regard consterné du monde » sur notre audiovisuel extérieur, devant le spectacle offert par le P-DG d'AEF et sa directrice générale déléguée.

Tout en espérant que cette regrettable affaire sera bientôt derrière nous, j'évoquerai plus particulièrement la situation à RFI, Radio France Internationale.

Fleuron de notre audiovisuel extérieur, cette radio est depuis des mois, sous prétexte de modernité et de nouvelles synergies, l'objet d'une véritable entreprise de démolition.

Les faits sont là : un premier plan social en 2009, avec 206 suppressions de postes, pour un coût de 41,3 millions d'euros ; un second en préparation, estimé à 27,5 millions d'euros ; la suppression de six rédactions en langues étrangères ; la diminution programmée des productions en anglais ; et aujourd'hui, un déménagement dans des locaux mitoyens de ceux de France 24, générateur de coûts très importants – on parle de 24,5 millions d'euros –, du fait, notamment, de gros travaux de restructuration et d'un loyer au mètre carré supérieur à celui qui est versé à Radio France et qui, de plus, reviendra à un fonds de pension étranger.

M. Guy Fischer. Scandaleux !

Mme Claudine Lepage. Monsieur le ministre, le point d'orgue de ce démantèlement sera-t-il la fusion des rédactions de RFI et France 24, alors même que ce projet ne comporte ni gain social, ni gain économique, ni même gain stratégique ?

Par ailleurs, AEF est aujourd'hui sous le coup d'un double examen, de la part de l'inspection générale des finances et d'une mission d'information de l'Assemblée nationale, laquelle a clairement souhaité qu'aucune décision « irréversible » ne soit prise avant la remise de son rapport.

Monsieur le ministre, en attendant les relevés de conclusions, ne pouvez-vous, enfin, exercer votre pouvoir de tutelle et suspendre la « descente aux enfers » de RFI ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 01/06/2011

Réponse apportée en séance publique le 31/05/2011

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, vous évoquez une « descente aux enfers » quand il n'est question que d'une réorganisation de RFI.

En 2009, cette radio connaissait une situation financière véritablement critique, reflétant une crise existentielle profonde et une totale inadéquation aux messages qu'elle se devait de véhiculer et aux publics auxquels elle était censée s'adresser. En d'autres termes, elle avait perdu le cap.

La réorganisation décidée avait pour but de permettre à la société de retrouver l'équilibre budgétaire et de s'adapter aux évolutions géopolitiques et technologiques de son environnement.

Les départs prévus dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi de RFI sont effectifs et ont permis de préserver les autres postes. Parallèlement, le plan global de modernisation de la radio se poursuit.

Un premier groupe de personnels est donc d'ores et déjà parti : 275 personnes ont d'ailleurs demandé à quitter l'entreprise alors que 206 suppressions de postes seulement étaient programmées.

Mme Claudine Lepage. Ça, on le sait !

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Il est maintenant question d'une deuxième tranche. Tout cela se fait dans une concertation à la fois complète et permanente.

Mme Catherine Tasca. Non !

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Mais si, madame !

RFI ne pouvait plus continuer à fonctionner ainsi.

J'ajoute que, parallèlement, 35 emplois ont été créés.

M. le président. Monsieur le ministre, il vous faut conclure.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Je rappelle que le maintien de rédactions dans un certain nombre de pays, dont la Pologne, n'avait plus de sens, d'autant que tout le territoire africain était encore à reconquérir.

Par conséquent, madame Lepage, je ne pense pas du tout que la réforme actuelle de RFI nuise à l'avenir de cette radio, bien au contraire.

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour la réplique.

Mme Claudine Lepage. Monsieur le ministre, votre réponse n'est pas de nature à apaiser mes craintes.

Vous parlez de réforme ; moi, j'ai parlé de fusion. Si la fusion des rédactions n'est pas actée, vous conviendrez qu'il existe un faisceau d'indices concordants : un déménagement, une procédure de plan social largement entamée au niveau des instances représentatives du personnel, déjà réunies à deux reprises.

La question essentielle est bien celle-ci : à qui profiterait une telle fusion ? Certainement pas aux employés puisque les effectifs devraient diminuer de 327 personnes en quelques mois. Pas davantage à l'État, à qui les plans sociaux et le déménagement coûteraient 90 millions d'euros. Reste l'intérêt stratégique : mais radio et télévision sont deux supports différents, induisant bien deux métiers distincts.

M. le président. Veuillez conclure !

Mme Claudine Lepage. Je ne suis pas une spécialiste, mais il me semble qu'on ne fait pas de la télé comme on fait de la radio : une fusion ne profiterait donc même pas aux auditeurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

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