Question de M. POVINELLI Roland (Bouches-du-Rhône - SOC) publiée le 16/06/2011

M. Roland Povinelli attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur l'annonce faite par un ancien matador, improvisé porte-parole du Gouvernement, le 22 avril dernier, de la décision, prise en janvier et occultée jusque-là, par une commission administrative dite « indépendante », composée pour majorité de personnes favorables à la corrida, d'inscrire la tauromachie au patrimoine culturel de la France. Cette annonce a suscité une profonde émotion au sein de l'opinion publique. Le ministère de la culture a ainsi fait de la France le premier pays au monde à associer une tradition barbare à la préservation de notre patrimoine, à l'heure même où le Parlement de Catalogne espagnole l'a abolie voici déjà presque un an, le 28 juillet 2010.

Une majorité de Français est choquée de constater que ce ministère puisse cautionner le spectacle d'un animal torturé à mort dans une arène. Il rappelle que cette pratique est considérée comme un délit sur 90 % du territoire, qu'elle n'est autorisée que lorsqu'est constatée une tradition locale ininterrompue. La corrida ne peut donc, en aucun cas, faire partie de notre patrimoine culturel national. Il s'agit en réalité d'une décision totalement arbitraire et prise dans des conditions très obscures, sans concertation ni transparence.

Même si le ministère affirme que cette résolution « n'a pas d'autre valeur que d'appartenir à un inventaire », il n'en demeure pas moins qu'au-delà de cette publicité offerte à cette pratique d'un autre temps, aucun débat national sur ce sujet portant pourtant à polémique n'a encore vu le jour en France. Sur un autre plan, les conséquences financières, car il y en aura, c'est indéniable, seront à la charge des contribuables, puisque le monde taurin pourra recevoir des subventions de l'État même. Le ministère a minimisé cette résolution, alors qu'elle est éminemment utile aux fervents partisans de la torture tauromachique pour l'obtention d'un classement de la corrida au patrimoine immatériel de l'Unesco.

En conséquence, il lui demande s'il a l'intention, devant l'indignation suscitée par cette décision, de retirer la corrida de cet inventaire et de moderniser en profondeur la procédure d'inscription au patrimoine culturel, en permettant, notamment, aux représentants du peuple siégeant dans les commissions de la culture des deux assemblées, de rendre un avis sur l'inscription proposée.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 01/09/2011

La convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, adoptée dans le cadre de l'UNESCO en 2003, et approuvée par la France en 2006, fait obligation aux États parties à cette convention d'établir un recensement des éléments de patrimoine immatériel existant sur leur territoire. Il s'agit d'une démarche à visée scientifique, fondée sur la seule existence factuelle de ces éléments, et qui ne constitue en rien une forme de reconnaissance de la part de l'État, ni de promotion ou de mise en valeur particulière ; en soi, elle ne constitue aucune forme de protection juridique et reste sans influence sur les législations ou réglementations éventuellement applicables aux activités recensées. En ce sens, elle est fondamentalement différente de l'inscription au patrimoine culturel immatériel de l'Humanité, également instituée par la même convention, laquelle emporte une reconnaissance de la valeur universelle de l'élément inscrit et peut entraîner des obligations de protection de la part des États concernés, s'il apparaît que l'existence de cet élément est menacée. L'inscription de la tauromachie sur la liste du patrimoine immatériel français se situe strictement dans le cadre de ces principes juridiques et scientifiques. Elle ne vise qu'à constater, sur la base de critères ethnologiques, l'existence de pratiques tauromachiques sur plusieurs parties du territoire français, et ne saurait en rien constituer, de la part de l'État, une forme particulière de reconnaissance de quelque forme que ce soit à l'égard de ces pratiques. Elle n'a aucun impact sur le régime juridique dérogatoire applicable à la corrida en France, tel qu'il résulte en particulier des articles R. 521-1, R. 654-1 et R. 655-1 du code pénal, éclairés par la jurisprudence des juridictions compétentes. Elle n'ouvre droit à aucun concours financier de la part de l'État, notamment sous la forme d'une subvention. Enfin, elle ne constitue pas la première étape d'une procédure d'inscription au patrimoine culturel de l'Humanité, que le Gouvernement français n'entend pas soutenir auprès de l'UNESCO. Pour l'ensemble de ces motifs, il n'est pas envisageable de revenir sur l'inscription telle qu'elle a été prononcée. Les débats que cette dernière a suscités mettent néanmoins en lumière la nécessité de mieux faire connaître les différentes procédures d'inscription, dont les éléments du patrimoine immatériel sont susceptibles de faire l'objet, et d'organiser de manière plus rigoureuse, sur le plan scientifique et juridique, leur mise en Suvre sur le territoire français. C'est la raison pour laquelle le ministre de la culture et de la communication s'apprête à signer un arrêté créant un Comité du patrimoine ethnologique et immatériel, qui le conseillera sur l'ensemble des questions relatives à l'application sur le territoire national de la convention de 2003. Il sera composé en majorité de personnalités qualifiées choisies en raison de leurs compétences dans le domaine du patrimoine ethnologique et immatériel et d'élus désignés par leurs associations représentatives. Les propositions d'inscription qu'il retiendra devront faire l'objet d'une approbation expresse du ministre. Ainsi pourra se poursuivre, dans des conditions optimisées, un travail essentiel à la connaissance de toutes les composantes du patrimoine.

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