Question de M. FOUCAUD Thierry (Seine-Maritime - CRC-SPG) publiée le 14/07/2011

M. Thierry Foucaud attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur l'état dégradé des conditions matérielles et humaines de fonctionnement du tribunal d'instance de Rouen.

En effet, le 6 juin 2011, il a répondu à l'invitation des magistrats, des fonctionnaires, des avocats et des syndicats de cette juridiction qui organisaient une opération découverte de leur lieu de travail. Il a ainsi pu constater, de visu, le manque de considération dont les professionnels de la justice et les justiciables pâtissent en ce lieu. La visite à laquelle il a participé est particulièrement édifiante de ce point de vue.

Quelques exemples méritent d'être cités. Alors que quatre juges d'application des peines devraient siéger seuls, trois postes sont pourvus. En juillet et en août, un seul juge sera disponible en permanence en raison à la fois des vacances estivales et d'un congé maternité. Une telle situation est particulièrement préjudiciable pour le suivi des affaires en cours.

À l'instruction, une vision comptable de la gestion de la justice a conduit à la suppression d'un cabinet, c'est-à-dire d'un juge et d'un greffier. Cela a pour effet de reporter la charge de travail sur leurs collègues qui vont avoir à traiter plus de 100 dossiers par cabinet et accroître ainsi le nombre d'heures supplémentaires effectuées par les greffiers.
Les dispositions nouvelles qui empêchent les experts qui exerçaient leur métier en hôpital de pratiquer leurs expertises sur leur lieu d'exercice professionnel ont pour conséquence un allongement des délais d'instruction notamment en matière criminelle.

Quatre auditrices de justice sont actuellement en stage. Faute de salles disponibles, elles sont recluses dans un espace de repos dédié aux fonctionnaires qui s'en trouvent de fait privés. De plus, elles n'ont d'autres solutions que d'avoir recours à leur ordinateur portable personnel en l'absence de matériel mis à leur disposition.

Dans un certain nombre de services en raison d'un manque criant d'espace et de meubles, les dossiers s'entassent dans des boîtes à archives posées sur le sol, souvent dans des couloirs, ou bien encore dans des armoires qui ne peuvent plus fermer laissant ceux-ci à la vue de tous, au risque d'être subtilisés.

Au tribunal pour enfants, il n'existe pas de salle d'attente pour ces derniers.

Aux affaires familiales, un juge a été transféré aux tutelles des mineurs sans que l'on ait pourvu à son remplacement.
Le tribunal d'instance de Rouen dispose de deux annexes dont l'une située à plusieurs centaines de mètres du bâtiment principal. Il en résulte un transport manuel des dossiers et archives. Les détenus passent d'un lieu à un autre menottés parmi le public. Enfin, l'accessibilité pour les handicapés est inexistante.

Même s'il considère que le tableau qu'il a ainsi dressé est révélateur d'une politique dont la seule boussole est la diminution des dépenses publiques, il n'en pense pas moins que pour autant la situation du tribunal d'instance de Rouen appelle la mise en œuvre de solutions d'urgence. Voilà pourquoi, dans l'intérêt des justiciables, des fonctionnaires, des avocats, des magistrats de cette juridiction, il lui demande quelles mesures il compte prendre pour pallier les dysfonctionnements et carences précédemment décrits.

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Réponse du Ministère chargé de l'outre-mer publiée le 12/10/2011

Réponse apportée en séance publique le 11/10/2011

M. Thierry Foucaud. Je souhaite appeler l'attention sur l'état dégradé des conditions matérielles et humaines de fonctionnement du tribunal d'instance de Rouen.

Le 6 juin 2011, j'ai répondu à l'invitation de magistrats, de fonctionnaires, d'avocats et des organisations syndicales de cette juridiction, qui organisaient une « opération découverte » de leur lieu de travail. J'ai ainsi pu constater le manque de considération dont les professionnels de la justice et les justiciables pâtissent malheureusement en ce lieu. Quelques exemples méritent d'être cités.

Alors que quatre juges d'application des peines devraient siéger, seuls trois postes sont pourvus. En juillet et en août, un seul juge était disponible en permanence en raison à la fois des vacances estivales et d'un congé maternité. Une telle situation est particulièrement préjudiciable au suivi des affaires en cours.

À l'instruction, une vision comptable de la gestion de la justice a conduit à la suppression d'un cabinet, c'est-à-dire d'un juge et d'un greffier. Cela a pour effet de reporter la charge de travail sur les autres magistrats, qui ont à traiter plus de cent dossiers par cabinet, et d'accroître le nombre d'heures supplémentaires effectuées par les greffiers.

Les dispositions nouvelles qui empêchent les experts qui exerçaient leur métier en hôpital de pratiquer leurs expertises sur leur lieu d'exercice professionnel ont aussi pour conséquence un allongement des délais d'instruction, notamment en matière criminelle.

Quatre auditrices de justice sont actuellement en stage au tribunal. Faute de salles disponibles, elles sont recluses dans un espace de repos dédié aux fonctionnaires, qui, de fait, s'en trouvent privés. Vous pouvez imaginer les conditions de travail !

Dans un certain nombre de services, en raison d'un manque criant d'espace et de meubles, les dossiers s'entassent dans des boîtes à archives posées à même le sol, souvent dans des couloirs, ou bien encore dans des armoires qui ne peuvent plus fermer. Ils sont donc laissés à la vue de tous, au risque d'être subtilisés.

Au tribunal pour enfants, il n'existe pas de salle d'attente pour ces derniers.

Aux affaires familiales, un juge a été transféré aux tutelles des mineurs sans que l'on ait pourvu à son remplacement.

Le tribunal d'instance de Rouen dispose de deux annexes dont l'une située à plusieurs centaines de mètres du bâtiment principal. Il en résulte donc un transport manuel des dossiers et archives, ce qui ne va pas sans poser de problèmes de sécurité.

Et je ne m'étends pas sur les détenus qui passent, menottés, d'un lieu à un autre, au milieu du public, ni sur l'accessibilité pour les personnes handicapées, qui est inexistante.

Même si je considère que le tableau ainsi dressé est révélateur d'une politique dont la seule boussole est la diminution des dépenses publiques, je n'en pense pas moins que la situation du tribunal d'instance de Rouen appelle la mise en œuvre de solutions d'urgence. C'est pourquoi je vous demande, madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour pallier les dysfonctionnements et carences que je viens de décrire.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, Michel Mercier, ministre de la justice et des libertés, m'a chargée de vous répondre, car il est en ce moment même avec la présidente du Haut Conseil du commissariat aux comptes.

La circulaire de localisation des emplois du 24 février 2011 a fixé à cinquante-cinq, dont quarante et un au siège et quatorze au parquet, les effectifs de magistrats du tribunal de grande instance de Rouen.

Un des cinq emplois de juge d'instruction a effectivement été supprimé compte tenu de la baisse d'activité, réelle, du service de l'instruction. En effet, en quatre ans, le nombre de saisines des juges d'instruction à Rouen a diminué de 59 %.

Au 1er septembre 2011, les effectifs du siège sont au complet, avec même un magistrat en surnombre. Au parquet, il reste deux vacances à combler. En outre, le premier président de la cour d'appel et le procureur général près ladite cour disposent de magistrats placés - quatre au siège, quatre au parquet - qu'ils peuvent déléguer dans les juridictions du ressort, notamment pour pallier les absences liées à des congés de maternité.

S'agissant de la situation immobilière des juridictions rouennaises, la mise en œuvre de la réforme de la carte judiciaire pour les tribunaux d'instance a conduit la Chancellerie à acquérir un bâtiment destiné à héberger l'ensemble des services de l'instance. Les travaux nécessaires à la mise aux normes de ce bâtiment, qui s'achèveront en juin 2012, ne permettaient pas d'accueillir immédiatement l'ensemble des services du tribunal d'instance. Jusqu'à cette date, une partie des services de l'instance ne recevant pas de public est donc hébergée sur un autre site, situé à proximité immédiate du palais de justice.

À terme, l'espace ainsi libéré par le départ des services du tribunal d'instance encore présents au sein du palais de justice permettra un redéploiement des services du tribunal de grande instance et de la cour d'appel de Rouen. Les travaux programmés en 2013 devraient être livrés au cours du premier trimestre de 2014. Par ailleurs, des travaux de mise aux normes, notamment d'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite, seront réalisés entre janvier et septembre 2012.

En ce qui concerne les auditeurs de justice, les contraintes immobilières ne permettent pas toujours de leur réserver un espace spécifique. Ils effectuent leurs stages dans les cabinets des magistrats en poste.

Enfin, il convient de rappeler que le budget du ministère de la justice a augmenté de près de 60 % entre 2002 et 2011 et que, sur cette même période, les crédits consacrés aux services judiciaires ont augmenté de 35 %, traduisant l'effort du Gouvernement pour l'institution judiciaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. J'invite un représentant du Gouvernement à se rendre à Rouen pour constater la réalité des problèmes que je viens de décrire. Il semblerait d'ailleurs que la situation se soit encore dégradée depuis ma visite du 6 juin dernier, à tel point que la presse écrite régionale titrait, le 14 juillet : « Inquiétante accumulation de dossiers en instance au tribunal de Rouen » et, le 30 août : « Le tribunal de Rouen au régime sec »...

Les médias relayent donc la réelle émotion des professionnels de justice. C'est pourquoi je demande à nouveau au Gouvernement de prêter attention aux difficultés rencontrées par les magistrats, les fonctionnaires et les avocats du tribunal de grande instance de Rouen et de tenir compte des revendications de leurs organisations syndicales.

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