Question de M. SUEUR Jean-Pierre (Loiret - SOC) publiée le 04/08/2011

M. Jean-Pierre Sueur appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration sur le recours à des tests osseux afin d'établir l'âge de mineurs isolés étrangers. Cette pratique peut en effet conduire à l'exclusion du dispositif de l'aide sociale à l'enfance de mineurs isolés pour cause de prétendue majorité, ce qui peut s'avérer particulièrement dramatique pour ces mineurs qui se retrouvent seuls, sans soutien ni assistance et risquent d'être expulsés de notre territoire. Or, la fiabilité de tels tests est sujette à caution. L'Académie nationale de médecine a, en effet, considéré que les expertises osseuses ne permettent pas « de distinction nette entre 16 et 18 ans », la marge d'erreur pouvant atteindre dix-huit mois. Il lui rappelle en outre que la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance stipule que le service de l'aide sociale à l'enfance peut également être destiné « aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre » (article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles). Il apparaît en conséquence qu'il serait justifié de limiter le recours aux tests osseux à la médecine et de ne pas les utiliser pour établir qu'une personne est mineure ou majeure dans le cadre de procédures civiles et administratives. Il lui demande quelles dispositions il compte prendre à cet égard.

- page 2014


Réponse du Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration publiée le 17/05/2012

En conformité avec ses principes constitutionnels, la France applique une réglementation très protectrice pour les étrangers mineurs quelle que soit leur situation juridique. Ainsi, un mineur isolé présent sur le territoire national ne peut faire l'objet d'une décision d'éloignement (cf. art. L. 511-4 et L. 521-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile - CESEDA), à la différence de ce que prévoit la législation d'autres États de l'Union Européenne (dont l'Allemagne, et le Royaume-Uni) et de ce qu'autorise le droit de l'Union européenne (directive « retour » du 16 décembre 2008). Néanmoins, la garantie juridique liée à l'état de minorité nécessite qu'en cas de doutes sur les déclarations de l'intéressé il soit procédé à une vérification de celles-ci. La confirmation de la minorité juridique par des documents d'état civil constitue le premier moyen de vérification, consacré par l'article 47 du code civil qui dispose que « tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi... ». Cependant en présence de documents qui ne peuvent être rattachés avec certitude à la personne qui les produit ou en l'absence de tous documents, la preuve de l'âge par tous moyens est admissible. Le second moyen de validation de la minorité, notamment en l'absence de documents d'état civil, repose sur l'examen physique. Pour ce faire, il est procédé notamment à une radiographie de la main et du poignet et au contrôle de la dentition. Cette méthode d'analyse osseuse, dite de Greulich et Pyle, constitue pour l'Académie nationale de médecine, d'après l'avis qu'elle a rendu le 8 mars 2006 sur saisine conjointe des ministères de la justice et de la santé, un cadre référentiel « universellement utilisé » et offre « une bonne approximation de l'âge de développement d'un adolescent en dessous de seize ans », sans pour autant permettre « une distinction nette entre seize et dix-huit ans ». L'Académie conclut que cette méthode est plutôt favorable au mineur, en sous-estimant l'âge réel, de plus ou moins 18 mois observés, compte tenu de la marge de détermination scientifique de l'âge osseux, lors de ce test. Selon l'Académie de médecine, il existe des situations relativement rares où âge de développement et âge réel comportent des dissociations, la plupart d'entre elles conduisant à une sous-estimation de l'âge réel. « Cette précision est importante puisqu'elle remet en cause l'idée selon laquelle le recours à cette méthode pourrait avoir pour effet de déclarer majeurs des jeunes mineurs. De même, dans son avis du 23 juin 2005, le Comité consultatif national d'éthique "ne récuse pas a priori leur emploi", dans la mesure où ces tests permettent de protéger tous les jeunes étrangers. Il indique que "le statut de mineur est un statut protégé" et "que la protection qu'il entraîne pourrait encourager une certaine délinquance ou criminalité d'enfants ou d'adolescents instrumentalisés par des adultes". En l'état actuel de la science, cette méthode constitue le meilleur test disponible, unanimement admis par les juridictions comme un mode de preuve de l'âge d'un jeune étranger, dans le respect de la personne du mineur et suivant des règles éthiques. En tout état de cause le doute bénéficie toujours au mineur.

- page 1263

Page mise à jour le