Question de M. DOUBLET Michel (Charente-Maritime - UMP) publiée le 15/09/2011

M. Michel Doublet attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences pour les collectivités locales des règles prudentielles déterminées par le Comité de Bâle (dit Bâle III).

Ces recommandations qui visent à renforcer la solidité du système bancaire en appliquant des règles plus strictes en matière de capital et de liquidité, devraient avoir pour incidences une réduction sensible des possibilités pour les banques d'accorder des prêts aux collectivités locales. Force est de constater que certaines banques ont mis en œuvre par anticipation ces dispositions particulièrement préjudiciables pour les investissements publics locaux.

Alors que les ratios pouvant impacter le financement des collectivités locales ne devraient être obligatoires qu'en 2018, on peut dès lors s'interroger sur les motivations réelles des banques. La spécificité des collectivités locales doit impérativement être reconnue. En conséquence, il lui demande quelles mesures le Gouvernement compte mettre en œuvre en la matière afin de ne pas obérer la dynamique et l'aménagement de nos territoires.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce extérieur publiée le 26/10/2011

Réponse apportée en séance publique le 25/10/2011

M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question porte sur les conséquences pour les collectivités locales des règles prudentielles déterminées par le comité de Bâle, dit « Bâle III ».

Ces recommandations, qui visent à renforcer la solidité du système bancaire en appliquant des règles plus strictes en matière de capital et de liquidité, devraient avoir pour incidence une réduction sensible des possibilités pour les banques d'accorder des prêts aux collectivités locales.

Alors que les ratios pouvant avoir une incidence sur le financement des collectivités locales ne devraient être obligatoires qu'en 2018, on peut s'interroger sur les motivations réelles des banquiers.

Sur le terrain, nous avons déjà pu constater que certaines banques ont anticipé la mise en œuvre de ces dispositions préjudiciables aux investissements publics locaux et aux acteurs économiques de notre pays.

Pour illustrer mon propos, je souhaite faire un éclairage sur la situation du département de la Charente-Maritime.

En juin dernier, le département a organisé une consultation auprès de plusieurs établissements bancaires afin de pourvoir au financement d'une partie des besoins d'investissement pour l'année 2011. Sur les onze partenaires consultés, seuls cinq ont répondu et il a été décidé de retenir trois offres. Au cours du mois d'août, une des banques choisies a retiré sa proposition en raison de la crise des liquidités.

Cette consultation a ainsi mis en lumière la réduction de notre capacité de négociation due à l'absence de concurrence et au renchérissement du coût du crédit.

Ce qui vaut pour le département vaut également pour les communes. Nos collègues maires nous ont déjà fait part du fait qu'ils rencontraient de telles difficultés.

L'inquiétude des élus locaux est d'autant plus patente que le projet de loi de finances pour 2012 prévoit un nouveau gel en valeur des concours financiers aux collectivités locales.

Les élus locaux ne sont pas hostiles à l'idée de participer à l'effort budgétaire de maîtrise des déficits, mais ils souhaitent que le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales soit respecté et veulent conserver leur capacité d'investissement.

Pour cela, il convient de garantir les moyens nécessaires à l'exercice de leurs compétences.

En effet, les collectivités territoriales qui souhaitent investir pour l'avenir doivent avoir recours raisonnablement et en toute sécurité à l'emprunt.

Dans les années quatre-vingt-dix, certains groupes bancaires ont proposé aux collectivités des produits de financement à taux variable, avec la perspective de faire baisser la charge de leur dette. On connaît le résultat : les taux d'intérêt ont explosé, mettant en grande difficulté de nombreuses collectivités.

Ainsi, afin de garantir l'accès à la liquidité en diversifiant les sources de financement, le président de l'Association des maires de France, le président de l'Association des communautés urbaines de France et le président de l'Association des maires de grandes villes de France ont pris l'initiative de proposer la création d'une agence de financement des investissements locaux, proposition qui devrait prochainement trouver une traduction législative.

Dans le même temps, l'Association des maires de France propose l'ouverture d'un guichet de secours à destination des collectivités. Je souscris totalement à cette idée et je soutiens également le principe d'une reconnaissance de la spécificité des collectivités locales.

Le Premier ministre, François Fillon, a annoncé récemment que la Caisse des dépôts et consignations allait dégager 3 milliards d'euros pour assurer le financement des collectivités locales. La Banque postale et la Caisse des dépôts et consignations examinent, pour leur part, la mise en place d'un pôle de financement public des territoires, dont le rôle serait d'offrir les prêts bancaires nécessaires au développement des collectivités.

La situation est grave et complexe, mais les élus ont besoin de visibilité et d'assurances pour l'avenir. Il en va de même pour les entreprises, déjà impactées.

Dans les périodes de ralentissement de l'activité, nous le savons, la commande publique est indispensable pour soutenir le volume d'investissement des entreprises. Tous attendent des réponses.

En conséquence, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre afin de ne pas obérer la dynamique et l'aménagement de nos territoires ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui ne peut être présent ce matin et vous prie de bien vouloir l'en excuser, m'a chargé de répondre à votre question.

Les effets potentiels de la nouvelle réglementation prudentielle Bâle III sur le financement des collectivités locales sont, pour l'instant, difficiles à quantifier.

Les nouvelles exigences qu'elle emporte auront, en effet, des conséquences différentes en fonction des types de ratio considérés. Ainsi, les conséquences sont potentiellement plus importantes s'agissant des nouveaux ratios de liquidité que du ratio dit « de levier ».

De plus, les modalités d'application de ces ratios ne sont pas encore déterminées précisément à ce jour et devront faire l'objet de discussions complémentaires au niveau international, en particulier s'agissant des ratios de liquidité. La France plaide donc au sein des enceintes internationales pour que les normes qui s'appliquent aux établissements de crédit restent compatibles avec le maintien d'un financement élevé de l'ensemble des secteurs de notre économie. C'est notre souci, monsieur Doublet, vous le savez bien.

Si un effet structurel sur la capacité du marché bancaire à financer les collectivités territoriales ne peut être écarté, il est aujourd'hui assez difficile à caractériser et à quantifier.

En outre, le resserrement actuel de l'offre de crédit s'explique par des raisons conjoncturelles et tient, notamment, à une reconfiguration de l'offre sur le marché. Pour répondre à cette tension conjoncturelle, le Gouvernement a décidé l'ouverture d'une enveloppe sur fonds d'épargne dédiée au financement des collectivités locales et établissements publics de santé d'un montant de 3 milliards d'euros. Cette enveloppe permettra de prévenir tout manque éventuel de liquidités sur le marché des collectivités locales françaises en 2011.

Enfin, vous y avez fait allusion, le Premier ministre a annoncé que la Banque postale et la Caisse des dépôts et consignations s'apprêtent à créer une société commune spécialisée dans le financement des collectivités locales. Ce nouvel acteur du marché sera une société publique et fournira uniquement des produits de crédit simples et transparents. Il devrait être opérationnel d'ici à quelques mois. L'apparition de ce nouvel acteur autour de la Banque postale et de la Caisse des dépôts et consignations est de nature à assurer un bon équilibre entre l'offre et la demande sur ce marché.

M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.

M. Michel Doublet. Je remercie M. le ministre de sa réponse.

J'espère que les mesures qui seront décidées et prises satisferont les besoins des collectivités et permettront à celles-ci de réaliser, ainsi qu'elles l'espèrent, des projets indispensables pour l'économie et pour l'emploi.

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