Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 22/09/2011

M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le devenir des biens mobiliers non réclamés.
Depuis la loi n° 2007-1775 du 17 décembre 2007, le phénomène des contrats d'assurance sur la vie non réclamés est connu et des initiatives ont été prises par le législateur pour résorber ce phénomène qui représenterait encore, selon les estimations, entre 1 et 5 milliards d'euros.
Le Sénat a d'ailleurs adopté à l'unanimité en avril 2010 une proposition de loi qui renforce la transparence sur l'état des stocks de contrats non réclamés et les recherches engagées par les sociétés d'assurance pour en retrouver les bénéficiaires. Cette proposition de loi n° 92 (2009-2010) doit encore être examinée par l'Assemblée nationale ; un engagement du Gouvernement en faveur de son inscription à l'ordre du jour serait bienvenu.
Pour autant le phénomène des biens non réclamés ne se limite pas aux seuls contrats d'assurance sur la vie. Les biens non réclamés sont aussi divers que les contenus de coffres-forts, les produits d'épargne retraite, les comptes bancaires, etc. (Le journal Le Monde faisait référence dans son édition du 2 août dernier à la fermeture par les établissements bancaires de plus d'un million de livrets A pour la seule année 2010).
Les causes de perte de contact entre le détenteur d'un bien et son propriétaire sont de plus en plus nombreuses (divorces, déménagements, mobilité professionnelle, etc.).
Or sans cadre législatif définissant ce phénomène, il est très difficile de l'évaluer et plus encore de s'assurer que les biens détenus soient rendus à leurs bénéficiaires ou, le cas échéant, à l'État
Ce phénomène ne se rencontre pas qu'en France ; à titre d'exemple, le Québec s'est doté d'un arsenal législatif qui fixe clairement le délai de détention à partir duquel un bien est considéré comme non réclamé et détermine les obligations de recherche du bénéficiaire sous le contrôle d'une agence gouvernementale qui en assure la publicité.
Aussi il l'interroge sur l'opportunité, à l'instar du Québec, d'inscrire dans notre législation une définition des biens non réclamés et les obligations de recherche afférentes pour les détenteurs.

- page 2411


Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation publiée le 22/02/2012

Réponse apportée en séance publique le 21/02/2012

M. Hervé Maurey. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur la problématique des biens mobiliers non réclamés, sujet qui va au-delà de la question des contrats d'assurance vie non réclamés sur laquelle j'ai déjà alerté à plusieurs reprises tant le Gouvernement que mes collègues parlementaires.

Ainsi, le Sénat a voté à l'unanimité, le 29 avril 2010, sur mon initiative, une proposition de loi visant à renforcer la transparence sur l'état des stocks et à améliorer les recherches engagées par les sociétés d'assurance pour en retrouver les bénéficiaires.

Ces dispositions ont de nouveau été adoptées en décembre dernier par voie d'amendement à l'occasion de l'examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs, défendu par vous-même, monsieur le secrétaire d'État.

Le sujet sur lequel je souhaite ce matin attirer votre attention va au-delà : il concerne l'ensemble des produits d'épargne, des comptes bancaires et même le contenu des coffres-forts.

Le journal Le Monde faisait référence, dans son édition du 2 août 2011, à la fermeture par les établissements bancaires de plus d'un million de livrets A non réclamés, pour la seule année 2010, soit un chiffre tout à fait important.

Les causes de cette situation, qui résulte de la perte de contact entre le détenteur d'un bien et son propriétaire, sont nombreuses et renvoient aux grandes évolutions de notre société : augmentation des divorces, multiplication des déménagements, accroissement de la mobilité professionnelle.

Or il n'existe aujourd'hui aucun cadre législatif définissant ce phénomène et permettant a fortiori d'évaluer son ampleur. Il n'y a ainsi aucun moyen de s'assurer que les biens détenus sont rendus à leurs bénéficiaires ou à leurs ayants droit.

Naturellement, ce type de situation se rencontre dans d'autres pays.

À titre d'exemple, je voudrais attirer votre attention sur ce qui est fait au Québec pour répondre au problème. Cette province canadienne s'est en effet dotée d'un arsenal législatif qui a permis de donner une définition précise des biens non réclamés, en fixant clairement le délai de détention à partir duquel un bien est considéré comme tel, et de déterminer les obligations de recherche du bénéficiaire, sous le contrôle d'une agence gouvernementale qui en assure la publicité.

Un organisme unique, « Revenu Québec », a été créé pour la récupération et l'administration de ces biens. Par exemple, s'agissant des produits financiers, les établissements financiers doivent, après un délai de trois ans d'inactivité, envoyer un avis aux propriétaires desdits produits. Si ces derniers ne réagissent pas ou si les établissements financiers ne sont pas en mesure de les joindre, ces biens sont remis à « Revenu Québec », qui les administre dans l'attente de leur récupération.

Aussi, monsieur le secrétaire d'État je souhaiterais connaître votre avis sur un tel dispositif, ainsi que la position du Gouvernement sur ce phénomène de plus en plus important.

Il ne me paraît pas tolérable, en termes non seulement éthiques, mais aussi économiques et sociaux, que des établissements financiers puissent détenir indûment, et de manière opaque, des sommes ne leur appartenant pas.

Envisagez-vous d'inscrire dans notre législation une définition générale des biens non réclamés et les obligations de recherche afférentes pour les détenteurs ? Quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour trouver une solution à ce problème ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur Maurey, François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et moi-même suivons très attentivement ce sujet.

S'agissant des contrats d'assurance vie non réclamés, vous êtes à l'origine d'un certain nombre d'initiatives auxquelles le Gouvernement a été extrêmement attentif. Ainsi, après la proposition de loi adoptée par le Sénat en 2010, avec l'aval du Gouvernement, j'ai eu le plaisir, lors de l'examen en première lecture par la Haute Assemblée du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs, le 22 décembre 2011, d'émettre un avis favorable sur un amendement visant à intégrer dans le texte ce même dispositif.

Malheureusement - et vous comme moi l'avons regretté -, la majorité sénatoriale n'a pas considéré ce texte, pourtant attendu par les consommateurs, comme suffisamment urgent et important pour le mener à son terme avant la fin de la législature.

Je prends donc l'engagement, au nom du Gouvernement, que, sur ce point comme sur l'essentiel du projet de loi, ce dispositif sera repris, bien évidemment si les Français nous font confiance lors des prochaines échéances électorales.

Sur la question plus large des biens non réclamés, nous ne partons pas de zéro, puisqu'un certain nombre de textes encadrent ce phénomène, s'agissant notamment des comptes bancaires.

Ainsi, en cas de comptes bancaires inactifs, c'est-à-dire sans mouvement ni réclamation depuis dix ans, la banque peut, après en avoir informé le titulaire, clore le compte et verser les sommes à la Caisse des dépôts et consignations, qui conserve les encours pendant vingt ans. La banque peut aussi choisir de gérer elle-même le compte inactif pendant cette période.

Au cours de ces vingt ans, le titulaire du compte ou ses ayants droit peuvent récupérer les sommes inscrites au compte en se présentant avec les justificatifs nécessaires soit à la Caisse des dépôts et consignations, soit à la banque, si c'est cette dernière qui gère le compte.

Au terme de cette période de vingt ans, la Caisse des dépôts et consignations, si elle gère les encours, informe le titulaire de la déchéance encourue.

Sont acquises à l'État les sommes figurant sur un compte inactif n'ayant fait l'objet d'aucun mouvement ou réclamation de la part du titulaire ou de ses ayants droit pendant une période de trente ans.

Il convient certes de relativiser le poids de ce phénomène - vous en êtes conscient, je le sais - puisque l'encours des comptes consignés à la Caisse des dépôts et consignations était de l'ordre de 17 millions d'euros en 2010, soit 0,002 % de l'ensemble des 842 milliards d'euros d'encours de dépôt des ménages : les clôtures intervenant à échéance de trente ans concernent essentiellement des comptes qui comportent des encours réduits et qui ne font par conséquent l'objet d'aucun suivi par leur titulaire. Néanmoins, 17 millions d'euros constituent une somme, et certains de nos concitoyens peuvent être confrontés à des situations difficiles, voire dramatiques.

Vous avez évoqué le cadre législatif très intéressant du Québec, qui fixe clairement le délai de détention à partir duquel un bien est considéré comme non réclamé et détermine les obligations de recherche du bénéficiaire, sous le contrôle d'une agence gouvernementale, laquelle en assure la publicité.

Le Gouvernement est tout à fait prêt à examiner avec vous les moyens d'améliorer les dispositifs existants, même si l'examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs ne pourra être mené à son terme d'ici à la fin de cette législature, compte tenu du calendrier extrêmement serré. Cependant, rien ne nous empêche de commencer à travailler sur ce sujet, que vous connaissez bien et sur lequel le Gouvernement est décidé à progresser avec vous.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.

Il est vrai que, s'agissant de la question des assurances vie non réclamées, nous avons pu progresser à l'occasion de l'examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs, que vous avez défendu devant le Sénat en décembre 2011.

Je regrette que la discussion de ce texte ne puisse être menée à son terme et que les dispositions introduites sur le sujet par voie d'amendement au Sénat soient dans l'attente d'un vote de l'Assemblée nationale. J'espère cependant que, sur ce point précis, nous arriverons à nos fins.

La question plus large que j'ai évoquée ce matin recouvre un phénomène assez important. J'ai cité le chiffre, avancé par Le Monde, d'un million de livrets A clos en 2010, ce qui n'est pas rien.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez rappelé le dispositif existant, qui n'est malheureusement pas très contraint en termes de temps : il ne se passe rien avant dix ans, puis il faut attendre encore vingt ans !

Vous avez évoqué des chiffres tendant à prouver que le phénomène n'est pas si important. Pour ma part, je reste prudent, car, pour avoir étudié de près la question des assurances vie non réclamées, je sais que les établissements bancaires et financiers ont plutôt tendance à minorer les chiffres.

Le projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs ne pourra certes pas être mené à son terme avant la fin de la présente législature. Mais, monsieur le secrétaire d'État, j'accepte volontiers votre proposition tendant à travailler d'ores et déjà sur le sujet, afin que soit envisagé l'élargissement des dispositifs adoptés par le Sénat en matière de contrats d'assurance vie à l'ensemble de la problématique des biens mobiliers.

- page 1379

Page mise à jour le