Question de M. REPENTIN Thierry (Savoie - SOC-EELVr) publiée le 27/10/2011

M. Thierry Repentin attire l'attention de M. le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique sur les négociations en cours entre la société Rio Tinto Alcan, propriétaire de plusieurs sites industriels en France, et Électricité de France, au sujet de leur approvisionnement en énergie.

Les deux dernières usines françaises d'aluminium, métal hautement stratégique pour l'industrie automobile et aéronautique, sont menacées par le renchérissement du coût de l'énergie et la fin programmée de deux contrats d'approvisionnement à long terme pour les usines de Dunkerque et de Saint-Jean-de-Maurienne. Si l'usine de Dunkerque bénéficie d'atouts indéniables en termes de proximité des moyens d'approvisionnement en énergie et en matières premières, ainsi que d'un contrat d'approvisionnement qui court jusqu'en 2016, l'usine de Saint-Jean-de-Maurienne, dont le contrat se termine en 2013, peut compter sur la présence du Laboratoire de Recherche et de Fabrications dans lequel a été élaborée la technologie leader de cuves à électrolyse fonctionnant actuellement dans le monde. Ce LRF travaille actuellement à la mise au point de cuves de nouvelle génération, économes en énergie, dans un contexte de demande accrue d'aluminium, dont la croissance est estimée à 5 % par an sur les dix prochaines années. Concernant plus particulièrement l'usine de Saint-Jean-de-Maurienne, Rio Tinto Alcan qui, dans un premier temps, s'est engagé dans la voie judiciaire pour faire valoir sa demande de prolongation du contrat d'approvisionnement, privilégie aujourd'hui la voie de la négociation avec EDF et renonce à poursuivre le contentieux. Il est évident que, faute d'accord entre Rio Tinto Alcan et EDF dans les prochaines semaines, l'année 2013 pourrait être une année sombre pour le bassin industriel qu'est la Maurienne.

Il souhaite connaître l'action du Gouvernement, représentant l'État, premier actionnaire d'EDF, pour contribuer à la préservation de cet outil de production stratégique pour la France et leader européen pour la fabrication du fil, véritable valorisation du métal primaire, ainsi que le LRF qui constitue un avantage compétitif significatif pour le site.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce extérieur publiée le 14/12/2011

Réponse apportée en séance publique le 13/12/2011

M. Thierry Repentin. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique sur les négociations en cours entre la société Rio Tinto Alcan, propriétaire de plusieurs sites industriels en France, et Électricité de France, EDF, au sujet de l'approvisionnement de ces sites en énergie.

L'aluminium est un métal hautement stratégique pour les industries automobile et aéronautique ; vous savez, monsieur le secrétaire d'État, de quel poids pèsent ces secteurs dans notre balance des paiements extérieurs...

Or les deux dernières usines françaises d'aluminium - il en restait sept en 1990 -, celles de Dunkerque et de Saint-Jean-de-Maurienne, sont menacées par le renchérissement du coût de l'énergie et la fin programmée de leurs contrats d'approvisionnement à long terme.

L'usine de Dunkerque bénéficie, en plus d'atouts indéniables du point de vue de la proximité des moyens d'approvisionnement en énergie et en matière première, d'un contrat d'approvisionnement qui court jusqu'en 2016.

L'usine de Saint-Jean-de-Maurienne, dont le contrat d'approvisionnement arrivera à échéance en 2013, peut compter sur la présence du laboratoire de recherche des fabrications, le LRF, dans lequel a été élaborée la technologie leader des cuves à électrolyse, actuellement employée dans le monde entier.

Le LRF travaille aujourd'hui à la mise au point de cuves de nouvelle génération, très économes en énergie, dans le contexte d'une croissance de la demande d'aluminium estimée à l'échelle de la planète à 5 % par an au cours des dix prochaines années.

Concernant plus particulièrement l'usine de Saint-Jean-de-Maurienne, la société Rio Tinto Alcan, après s'être d'abord engagée dans la voie judiciaire pour faire valoir sa demande de prolongation du contrat d'approvisionnement en énergie, renonce aujourd'hui à poursuivre le contentieux pour privilégier la voie de la négociation avec EDF.

Mais ces négociations avancent peu. Or nulle part au monde il n'existe d'exemple d'une aluminerie qui achèterait son énergie au prix du marché : ce n'est pas économiquement possible. Les usines d'aluminium, quand elles ne produisent pas elles-mêmes leur électricité, bénéficient de conditions avantageuses négociées pour leur approvisionnement.

Il est évident que, faute d'accord entre Rio Tinto Alcan et EDF avant la fin de l'année 2011, l'année 2013 pourrait être une année sombre pour le bassin industriel qu'est la Maurienne, avec une fermeture annoncée de l'usine en 2014.

Je souhaite donc savoir quelle action compte entreprendre le Gouvernement au nom de l'État, premier actionnaire d'EDF, pour contribuer à la préservation de cet outil de production stratégique pour la France - je rappelle qu'il est le leader européen pour la fabrication du fil aluminium, véritable valorisation du métal primaire - et du LRF, qui constitue un avantage compétitif significatif pour le site.

Alors qu'il y a quelques jours, dans son discours de Tricastin, le chef de l'État s'est ému de la part que représente la facture énergétique dans les coûts de production des industries dites « électro-intensives », l'occasion se présente de passer d'un constat à des décisions volontaires permettant de sauver plus de 1 000 emplois sur un bassin de vie !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. Mesdames, messieurs les sénateurs, le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique vous demande de bien vouloir excuser son absence. Il m'a demandé, monsieur le sénateur Thierry Repentin, de répondre à votre question.

Le Gouvernement est mobilisé pour préserver et pour développer l'industrie de l'aluminium, dont vous avez rappelé qu'elle est fortement consommatrice d'électricité.

Saint-Jean-de-Maurienne, berceau de cette industrie en France, est aujourd'hui exploité par Rio Tinto Alcan. Le contrat d'électricité du site, très compétitif, prendra fin en 2014. Comme vous le savez, l'Union européenne interdit désormais les contrats à tarif très préférentiel sans contrepartie pour l'électricien, comme le sont la plupart des contrats historiques.

Le Gouvernement s'emploie activement à permettre une signature très rapide de la seconde phase du contrat Exeltium. Unique en Europe, celui-ci prévoit une fourniture d'électricité sur vingt-quatre ans. Sa première phase a été signée en 2010, avec le soutien constant du Gouvernement.

Des discussions sont très avancées entre EDF et Rio Tinto Alcan pour permettre de pérenniser l'usine au-delà de 2014 en partageant plus de risques et d'opportunités.

Le cas de Saint-Jean-de-Maurienne est emblématique de l'enjeu que représente le prix de l'électricité pour l'industrie française. À ce propos, je me permets de souligner que, grâce au nucléaire, le prix de l'électricité en France est particulièrement compétitif : en moyenne, les industriels paient leur électricité 60 % plus cher dans le reste de l'Europe !

Il s'agit d'un atout clé pour nos industriels électro-intensifs, dont l'électricité représente plus de 10 % de la valeur ajoutée. Selon l'Union des industries utilisatrices d'énergie, l'UNIDEN, la fédération qui les représente, deux millions d'emplois seraient fragilisés en cas de sortie du nucléaire. Le soutien aux industries électro-intensives, monsieur le sénateur, va donc de pair avec celui à l'énergie nucléaire...

Tel était bien le sens du déplacement effectué par le Président de la République, le 25 novembre dernier, chez Saint-Gobain Isover puis sur le site nucléaire du Tricastin.

On ne peut pas, tout à la fois, vouloir sortir du nucléaire et réclamer une électricité bon marché pour nos industries. En tant que secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, je me permets d'insister sur ce point : nos industriels paient leur électricité 30 % de moins que leurs voisins européens.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Je n'étais pas au Sénat ce matin pour un débat entre le Gouvernement et la représentation nationale sur l'avenir de l'énergie nucléaire dans notre pays ! Ma question était précise et portait sur la sauvegarde d'un bon millier d'emplois dans une vallée alpine.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Les deux sujets sont liés !

M. Thierry Repentin. En effet - je le redis au-delà de toute polémique -, faute de décisions avant la fin de l'année 2011, monsieur le secrétaire d'État, Rio Tinto Alcan sera dans l'obligation d'annoncer la fermeture de son site historique en France. Ce serait tout simplement dramatique pour une région qui, malheureusement, ne dispose pas d'industries de proximité permettant aux personnes qui perdraient leur emploi d'en retrouver un facilement.

Je rappelle que nous discutons ici avec un géant à l'échelle de la planète, dont la filière aluminium représente tout au plus de 1 à 2 % du chiffre d'affaires.

Je me permets donc d'insister : sans un geste d'EDF - et je crois que, à cet égard, le Gouvernement a les moyens de faire entendre sa voix, dans l'intérêt de la présence de la filière aluminium en France -, nous serons obligés de tirer un trait sur une industrie historique dans notre pays, ce qui serait incompréhensible.

Quant au débat sur le nucléaire, monsieur le secrétaire d'État, il aura lieu ailleurs !

Quelle que soit l'origine de l'électricité, le curseur de nos décisions doit être placé sur le maintien de l'emploi industriel. À cet égard, un gouvernement proactif peut faire bouger les choses !

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