Question de M. COLLOMBAT Pierre-Yves (Var - RDSE) publiée le 25/11/2011

Question posée en séance publique le 24/11/2011

M. Pierre-Yves Collombat. Pour la bibliothèque rose libérale (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP),…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ça commence bien !

M. Pierre-Yves Collombat. … les agences de notation sont des instruments, objectifs et indépendants, d'évaluation de la solidité des acteurs financiers et de la fiabilité de leurs produits. Simples thermomètres,…

M. Jackie Pierre. Cassez-les !

M. Pierre-Yves Collombat. … elles ne sauraient être responsables des fièvres qu'elles mesurent.

Curieux thermomètres, qui ne détectent pas les débuts de fièvres, mais aggravent celles-ci une fois déclarées ! Crise asiatique, crise des valeurs internet, banqueroute d'Enron, de WorldCom, de Lehman Brothers et des rehausseurs de crédit américains : partout plane l'ombre des agences de notation.

Récemment, Fitch a abaissé la note de PSA, dont les résultats ont pourtant progressé de 18 % au premier semestre de 2011. Un train de licenciements suit, histoire de « rassurer les marchés » ! Cette même agence vient tout juste de rendre publique sa décision de dégrader la note du Portugal pour cause de récession – récession provoquée par la rigueur demandée.

Après avoir certifié les produits financiers à base de subprimes qui ont empoisonné le système bancaire mondial, les agences de notation sont passées à la déstabilisation des États qui se sont endettés pour sauver les banques d'un naufrage mérité. La facture de la récession et du chômage, on le sait, a été envoyée aux peuples…

Cerise sur le gâteau, voilà quelques jours, Standard & Poor's – j'ai failli dire Laurel et Hardy ! –…

M. Jean-Claude Carle. Vous exagérez !

M. Pierre-Yves Collombat. … a annoncé « par erreur » la dégradation de la note de la France, s'attirant ainsi les foudres, sans que cela entraîne plus d'effets, des autorités françaises et suscitant une démangeaison régulatrice à Bruxelles.

Régulons donc, la morale publique y gagnera certainement. Mais, régulation ou pas, monsieur le ministre, aussi longtemps que l'alpha et l'oméga de votre politique sera de sauver le « triple A » français – ou plutôt ce qu'il en reste, au vu de l'écart entre les taux consentis à l'Allemagne et à la France –, vous resterez l'otage des agences de notation et des marchés.

M. Alain Gournac. Nul !

M. Pierre-Yves Collombat. On ne rassure pas les marchés : quand ils ne craignent pas un excès d'endettement, c'est un défaut de croissance qui les inquiète. On ne rassure pas les marchés : on s'en passe ! (M. le Premier ministre rit.) La Banque centrale européenne devrait être faite pour cela.

Ma question est donc simple : jusqu'à quand la France acceptera-t-elle de se plier aux marottes mortifères de l'Allemagne (Murmures sur les travées de l'UMP.), qui refuse toute monétisation directe des déficits publics, moyen pourtant de sortir de la crise à moindres frais et de sauver l'Europe ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 25/11/2011

Réponse apportée en séance publique le 24/11/2011

M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Collombat, vous allez vraiment très loin dans les facilités de langage pour résumer une situation qui, en réalité, est extrêmement sérieuse.

Ce n'est pas en tapant comme vous le faites sur les agences de notation que l'on réglera le problème essentiel, à savoir l'accumulation des déficits depuis trente ans,...

M. Jean-Louis Carrère. Surtout depuis cinq ans !

M. François Baroin, ministre. ... amplifié par une crise mondiale sans précédent. Pour sauver l'économie et les dépôts des particuliers, pour éviter une récession majeure et ses cortèges de douleurs sociales, les États ont accepté de prendre le fardeau sur leurs épaules. Telle est la réalité que nous avons à affronter.

La question principale porte donc sur la politique à suivre en matière de finances publiques, sur le rythme de réduction des déficits publics, sur la tenue du calendrier que nous proposons à nos partenaires, et non sur la destruction de « thermomètres », pour reprendre le terme que vous avez employé.

Pour autant, il faut en effet plus de transparence, plus de réglementation et plus de responsabilité.

Plus de transparence, c'est ce qui a été obtenu grâce aux différents travaux menés dans le cadre du G20, qui ont permis de mettre des moyens juridiques supplémentaires à la disposition des autorités de marché, en France comme à l'échelon européen.

En matière de responsabilité, vous avez eu raison d'évoquer ce que nous avons nous-mêmes qualifié de « boulette ». Dans les temps actuels, empreints d'incertitudes et de turbulences, c'est de confiance que nous avons besoin. La responsabilité de l'agence de notation en question doit être à la hauteur de la faute qu'elle a commise et reconnue. Son président s'est déplacé en personne pour présenter ses excuses. Nous avons réagi immédiatement. J'ai saisi l'autorité de régulation compétente et, ce matin, devant la place de Paris, j'ai réaffirmé la position du Gouvernement français. Les régulateurs disposent aujourd'hui de plus de moyens juridiques pour adapter la sanction à l'importance de la faute.

Naturellement, il importe d'aller vers une moins grande dépendance à l'égard de ces agences de notation. La France, au côté de la Commission européenne, œuvre à cette fin. Il s'agit d'adapter la réglementation européenne en fonction de cet objectif prioritaire. En effet, il ne faut pas oublier que la publication d'une note par une agence entraîne des contraintes juridiques. Il faut donc mettre en place un cadre européen pour les alléger : c'est le chemin que nous empruntons. À cet égard, la France est aux avant-postes et elle soutiendra les propositions que fera la Commission européenne. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UCR.)

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