Question de M. BERSON Michel (Essonne - SOC-EELVr-A) publiée le 03/11/2011

M. Michel Berson attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur le devenir inquiétant du centre hospitalier sud francilien d'Évry, toujours inoccupé à ce jour et dont le coût financier devient exorbitant.

Le CHSF, né de la fusion de deux hôpitaux essonniens, ceux d'Évry et de Corbeil, est un projet hors normes en matière hospitalière : 110 000 m², 1 000 lits, 20 blocs opératoires, pour satisfaire les besoins de 600 000 personnes. Plus grand chantier hospitalier de France depuis dix ans, attribué au Groupe EIFFAGE en 2006, le nouvel hôpital a fait l'objet d'un partenariat public-privé qui est en train de tourner au fiasco financier.

À projet hors normes, coûts hors normes – 1,2 milliard d'euros pour le PPP quand la chambre régionale des comptes estimait au printemps dernier le coût d'une maîtrise d'ouvrage publique à 750 millions d'euros ; loyer hors normes – 38M d'euros par an pendant trente ans ; retard hors normes – initialement programmé pour janvier 2011, la date d'ouverture de l'hôpital n'est toujours pas connue ; dépassement hors normes du coût des travaux d'adaptation (185 millions d'euros) ; malfaçons hors normes – service pédiatrique sans biberonnerie, mobilier nid à microbes, eau non stérilisée ; système d'externalisation hors normes – l'État sous traite à EIFFAGE, qui sous traite à ses filiales qui elles-mêmes sous traitent à des sociétés de maintenance. À ce gaspillage de l'argent public, il faut maintenant ajouter les incertitudes budgétaires, la démission du directeur de l'hôpital et l'inquiétude des salariés.

Il est aujourd'hui le porte-parole des salariés du CHSF, inquiets pour leur emploi et pour leur sécurité, et celui des élus locaux du territoire qui constatent jour après jour, l'obstination du groupe EIFFAGE à capter l'argent public, sans reconnaître ses responsabilités et, comble du partenariat, à en demander plus pour corriger ses propres manquements.

Ainsi, il s'étonne de l'inertie du Gouvernement et de l'absence de ses réponses claires, tant juridiques que financières.
C'est pourquoi, il souhaite, d'une part, que la représentation nationale soit informée du résultat des actions menées par le ministère depuis plusieurs semaines et des choix qui seront pris par ce dernier pour sortir le centre hospitalier sud francilien de l'impasse dans laquelle il se trouve, c'est-à-dire de ce calamiteux partenariat public-privé. Il souhaite, d'autre part, savoir, en l'espèce, combien de temps le ministère continuera à imposer ce partenariat public-privé, au détriment du bon fonctionnement futur du service public hospitalier, des conditions de travail des salariés et de l'usage raisonnable des ressources publiques dans une période où elles s'avèrent de plus en plus rares.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale publiée le 14/12/2011

Réponse apportée en séance publique le 13/12/2011

M. Michel Berson. Madame la secrétaire d'État, le nouveau centre hospitalier sud-francilien, né de la fusion des hôpitaux d'Évry et de Corbeil-Essonnes, doit ouvrir ses portes le 23 janvier prochain. Les personnels, les usagers et les élus locaux sont légitimement inquiets quant à l'avenir très incertain de cet équipement public.

Le centre hospitalier a été construit par le groupe Eiffage sur la base d'un partenariat public-privé. Outre qu'un tel contrat est inapproprié pour un hôpital en raison de l'évolution constante des normes sanitaires et des technologies médicales, les clauses financières du contrat vont obliger le centre hospitalier à faire face, pendant trente ans, à un coût exorbitant en termes de loyer et de maintenance.

Quelque 38,8 millions d'euros en 2011, 42 millions d'euros en 2012 : ces montants ne sont financés qu'à hauteur de 50 % par l'agence régionale de santé, alors que les comptes de l'hôpital public sont dans le rouge depuis plusieurs années, comme vous le savez, madame la secrétaire d'État.

De plus, le groupe Eiffage exige le paiement immédiat de 115 millions d'euros au titre des surcoûts qu'il aurait assumés, et de 60 millions d'euros supplémentaires au titre des loyers, dont le versement serait étalé sur les trente ans du bail emphytéotique hospitalier, ou BEH. Dans de telles conditions, il est clair que le centre hospitalier, à peine né, n'est pas viable. De fait, il est dans l'incapacité d'assumer le coût financier colossal du PPP.

Au nom de quoi cet établissement devrait-il subir les conséquences financières d'un bail conclu au seul avantage du groupe Eiffage ?

La chambre régionale des comptes d'Île-de-France a d'ailleurs souligné que le recours à une maîtrise d'ouvrage publique financée par l'emprunt eût offert une solution moins coûteuse, moins hasardeuse et surtout mieux maîtrisable par l'établissement.

Madame la secrétaire d'État, il faut abandonner immédiatement ce PPP : il faut négocier la reprise de la gestion des bâtiments par l'hôpital lui-même et, pourquoi pas ? - le temps d'élaborer une solution définitive -, le transfert temporaire de sa propriété à une entité publique, telle que la Caisse des dépôts et consignations.

Du reste, la négociation nécessaire pour rompre ce PPP serait bien moins onéreuse que les trente ans de conflits juridiques et financiers, voire de déficits structurels, que susciteraient non pas une mauvaise gestion mais les graves erreurs de conception de cet équipement hospitalier.

Dans ce cadre, nous devons défendre l'intérêt général, les intérêts de l'hôpital public et non pas ceux d'un groupe privé : à cette fin, la négociation avec le groupe Eiffage doit s'engager au bon niveau, c'est-à-dire non pas à l'échelle de l'établissement en question, mais à celle du ministère qui, voilà cinq ans, a imposé la signature de ce PPP.

Madame la secrétaire d'État, le Gouvernement a-t-il, oui ou non, la volonté politique d'engager une négociation pour l'abandon de ce PPP calamiteux pour les finances publiques ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de mon collègue Xavier Bertrand, qui m'a demandé de vous communiquer la réponse suivante.

Le nouveau centre hospitalier sud-francilien d'Évry joue un rôle majeur pour garantir des soins de qualité à un bassin de population très dynamique sur le plan démographique. Le nouveau bâtiment contient plus de 1 000 lits et places, dont un peu plus de 700 dans les domaines de la médecine, de la chirurgie et de l'obstétrique, la MCO. Ce chantier a été conduit en partenariat avec le groupe Eiffage - vous l'avez souligné - dans le cadre d'un BEH signé le 11 juillet 2006.

L'ouverture de cet établissement aux patients est prévue le 23 janvier 2012. Elle aura lieu en toute sécurité, les locaux répondant parfaitement aux usages et aux préconisations en vigueur.

Comme pour chaque chantier qui arrive à son terme, des réserves ont été exprimées par les futurs utilisateurs de l'édifice à la suite des audits techniques approfondis qui ont été conduits sans pour autant révéler des problèmes importants. Depuis lors, ces réserves ont d'ailleurs été levées et la mise en conformité technique des bâtiments a été réalisée.

La sous-commission départementale pour la sécurité contre les risques d'incendie procédera aux visites réglementaires le 12 janvier prochain. Il est très probable que l'agrément soit accordé, dans la mesure où de nombreux essais ont déjà été menés avec succès, le vendredi 9 décembre dernier. La mise en service sera ensuite échelonnée sur près de trois mois pour garantir aux usagers la continuité des soins entre les édifices existant et les nouveaux bâtiments.

Monsieur le sénateur, Xavier Bertrand comprend l'attention que vous portez au bon usage des ressources publiques et au coût que ce PPP représente pour la collectivité. Si la chambre régionale des comptes d'Île-de-France a jugé le coût du BEH trop élevé, un récent rapport de l'Inspection générale des finances, complété par une nouvelle mission d'expertise, tend à infirmer cette conclusion, dans la mesure où un grand nombre de coûts et de charges n'ont pas été intégrés aux calculs dont elle procède.

Tout d'abord, les coûts des travaux sont identiques à ceux qu'induirait une maîtrise d'ouvrage traditionnelle : le loyer immobilier du BEH est du même ordre de grandeur que le coût des travaux associé aux charges financières liées aux emprunts. En effet, dans ce cadre, les coûts de construction et de financement obtenus sont tout à fait compétitifs.

En outre, la construction a été particulièrement rapide : cinq années seulement se sont écoulées entre la signature du bail et la mise à disposition du bâtiment.

Enfin, cet édifice est certifié HQE, c'est-à-dire « haute qualité environnementale », ce qui signifie qu'il sera particulièrement économe en énergie.

Du reste, concernant la maintenance, l'exploitation et le gros entretien, les loyers sont de facto intégrés au coût du BEH, mais ils n'ont pas été pris en compte par les premières estimations effectuées sur la base d'une maîtrise d'ouvrage classique. Ces dépenses sont cependant importantes et correspondent, dans le cas présent, à des prestations de très bonne qualité, garantissant que le bâtiment sera encore en très bon état lorsqu'il entrera dans le patrimoine public à l'échéance du BEH.

M. le président. La parole est à M. Michel Berson.

M. Michel Berson. Madame la secrétaire d'État, la réponse de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé est à la fois très décevante et particulièrement surprenante. En effet, elle traduit un recul considérable de la position du Gouvernement sur ce grave problème.

Voilà quelques semaines, M. Xavier Bertrand avait pourtant reconnu que la situation exigeait des mesures urgentes. Or vous déduisez des conclusions de l'Inspection générale des finances que tout va bien, en contradiction avec toutes les observations consignées, notamment par la chambre régionale des comptes !

Je fais miens les propos tenus par le ministre lui-même il y a seulement quelques semaines : à ce jour, cet établissement n'est pas viable et il est nécessaire de renégocier au moins les conditions de maintenance et de loyer, si ce n'est la totalité du BEH.

Nous allons au-devant de graves difficultés : l'équilibre financier de cet hôpital n'est plus assuré depuis plusieurs années et, je le répète, cet établissement est dans l'incapacité de supporter toutes les charges qui lui sont imposées par le PPP.

Madame la secrétaire d'État, cette réponse aura pour effet d'alarmer encore davantage les salariés de cet hôpital, les élus locaux qui le défendent et les patients qui y seront bientôt admis.

Nous ne pouvons pas en rester là et nous n'en resterons pas là ! Nous continuerons à agir pour que le Gouvernement prenne réellement conscience de la gravité de cette situation, qui ne peut demeurer inchangée.

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