Question de Mme ARCHIMBAUD Aline (Seine-Saint-Denis - SOC-EELVr-R) publiée le 01/12/2011

Mme Aline Archimbaud attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration sur deux questions déterminantes pour les conditions de vie des migrants Roms en France : la question de la levée des mesures transitoires pour les Roms roumains et bulgares et la question de la stratégie nationale d'intégration des Roms.

La première interrogation porte sur l'état d'avancement de la stratégie nationale d'intégration des Roms visant à l'intégration sociale de ces derniers dans la société ordinaire et à l'élimination des ségrégations existantes. En effet, conformément aux conclusions du Conseil européen des 23 et 24 juin 2011 –EUCO 23/11- et à la communication de la Commission européenne portant sur un « Cadre de l'UE pour les stratégies nationales d'intégration des Roms pour la période allant jusqu'à 2020 » - COM(2011) 173 final-, le Gouvernement doit proposer d'ici à la fin de l'année 2011 une stratégie nationale d'intégration des Roms à la Commission européenne. Ainsi, suivant les prescriptions du paragraphe 4 de la communication de la Commission européenne : « Les stratégies nationales des États membres devraient suivre une approche ciblée qui contribuera activement, conformément aux principes fondamentaux communs en matière d'intégration des Roms, à l'intégration sociale de ces derniers dans la société ordinaire et à l'élimination des ségrégations existantes. »
À ce jour, elle souhaite avoir un retour sur l'état d'avancement de la stratégie nationale d'intégration des Roms :
- prend-t-elle en compte l'ensemble des populations concernées conformément à la communication européenne et ce, qu'elles soient gens du voyage ou Roms migrantes ?
- quels sont les objectifs fixés et les moyens mis à disposition notamment dans les domaines de l'accès à l'éducation, à l'emploi, à la santé et au logement ?
- comment les collectivités territoriales et locales ainsi que les associations vont-elles être associées à son élaboration et à sa mise en œuvre ?
- quels sont les mécanismes de suivi envisagés ?
- quel sera le point de contact national ?

Par ailleurs, elle souhaite l'interroger sur la nécessité de lever les mesures transitoires qui restreignent fortement les possibilités d'intégration des migrants roumains et bulgares et plus particulièrement des Roms. Ces mesures empêchent toute réelle insertion car elles limitent fortement l'accès à l'emploi. De plus, elles pénalisent plus particulièrement les jeunes, auxquels les formations professionnelles ou les formations en alternance sont interdites.
Elle lui demande de ne pas prolonger ces mesures au-delà du 31 décembre 2011 comme le Gouvernement français en a la possibilité.

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Réponse du Ministère chargé de l'outre-mer publiée le 18/01/2012

Réponse apportée en séance publique le 17/01/2012

Mme Aline Archimbaud. Madame la ministre, ma question porte sur l'état d'avancement de la stratégie nationale d'intégration des Roms visant à l'intégration sociale de ces derniers dans la société et à l'élimination des ségrégations existantes.

Conformément aux conclusions du Conseil européen des 23 et 24 juin 2011 et à une communication de la Commission européenne, le Gouvernement devait proposer à la Commission européenne d'ici à la fin de l'année 2011 une stratégie nationale d'intégration des Roms.

La communication de la Commission européenne précise que les États membres doivent fixer des objectifs nationaux d'intégration des Roms, qu'ils soient Roms Français, principalement des gens du voyage, ou Roms migrants, essentiellement des citoyens européens, bulgares et roumains, et ce afin de combler l'écart par rapport au reste de la population.

Ces objectifs devraient porter au moins sur les quatre points suivants : l'accès à l'éducation, l'emploi, les soins de santé et le logement.

La communication de la Commission européenne précise également que les États membres doivent recenser, le cas échéant, les microrégions désavantagées et les quartiers frappés de ségrégation, qu'ils doivent allouer un financement suffisant et inclure des méthodes de suivi solides, ainsi qu'un mécanisme de révision permettant d'adapter la stratégie. En outre, leurs approches doivent être conçues et suivies dans le cadre d'une collaboration étroite et d'un dialogue permanent avec la société civile rom, les autorités régionales et locales. Enfin, les États doivent désigner un point de contact national.

J'aimerais connaître, madame la ministre, l'état d'avancement de la stratégie nationale d'intégration des Roms.

Prend-elle en compte l'ensemble des populations concernées - gens du voyage ou Roms migrants -, conformément à la communication européenne ?

Quels sont les objectifs fixés et les moyens mis à disposition ?

Comment les collectivités territoriales et locales, ainsi que les associations, seront-elles associées à son élaboration et à sa mise en œuvre ?

Quels sont les mécanismes de suivi envisagés ?

Quel sera le point de contact national ?

Par ailleurs, je souhaite interpeller le Gouvernement quant à la nécessité de lever les mesures transitoires, demandées par la France, lesquelles restreignent très fortement, pour ne pas dire totalement, les possibilités d'intégration des migrants roumains et bulgares, plus particulièrement des Roms.

Ces mesures empêchent toute réelle insertion, car elles limitent dramatiquement l'accès à l'emploi. De plus, elles pénalisent plus particulièrement les jeunes, à qui les formations professionnelles et les formations en alternance sont interdites.

Il semblerait que plusieurs pays de l'Union européenne, dont la France, aient demandé à la Commission européenne, à la fin de l'année 2011, la prolongation jusqu'en 2014 de ces mesures transitoires, alors que l'Italie, par exemple, les a suspendues à la fin du mois de décembre 2011. Quand ces mesures transitoires vont-elles être levées, madame la ministre ? Le Gouvernement a-t-il écrit à la Commission européenne ? Si oui, quelle a été la réponse de cette dernière ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Madame la sénatrice, vous interrogez le Gouvernement sur la levée des mesures transitoires pour les ressortissants roumains et bulgares et sur la stratégie nationale d'intégration des Roms.

M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration m'a chargée de vous répondre.

Concernant tout d'abord la stratégie nationale d'intégration des Roms, qui dépend plus particulièrement du ministère des solidarités et de la cohésion sociale, je vous indique que, conformément aux conclusions du Conseil européen des 23 et 24 juin 2011, la France a rédigé une stratégie nationale, intitulée Une place égale dans la société française.

Ce document officiel a été transmis à la Commission européenne le 15 décembre 2011, mais sans être rendu public afin de permettre une période de consultation susceptible de conduire à l'amendement du projet de stratégie. La contribution française ne sera rendue publique qu'à la fin du mois de janvier.

Une première réunion de travail a été organisée le 6 janvier dernier avec les représentants des collectivités locales. La seconde consultation sera organisée le 25 janvier prochain avec le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et la Commission nationale consultative des gens du voyage.

Par respect des organisations consultées, le contenu de notre document stratégique ne peut être divulgué à ce stade. Néanmoins, je peux vous confirmer que les grands thèmes que vous avez évoqués dans votre question - l'éducation, l'emploi, la santé et le logement - y sont bien développés, conformément aux conclusions du Conseil européen.

J'évoquerai maintenant les mesures transitoires. Je vous indique que, depuis l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne, l'accès des travailleurs roumains à une activité professionnelle salariée en France obéit à des règles visant à permettre une ouverture maîtrisée et progressive du marché du travail français.

Ainsi, depuis janvier 2008, cent cinquante métiers, soit 40 % des offres de Pôle emploi, sont ouverts aux ressortissants roumains sans que la situation de l'emploi puisse leur être opposée.

De plus, un ressortissant roumain peut aussi exercer librement une activité indépendante sur le territoire national, dès lors que cette activité lui permet de subvenir à ses besoins. Les ressortissants roumains, qui représentent environ 15 % des attributaires des autorisations de travail délivrées à des travailleurs étrangers et dont le flux a crû de 14 % en 2011, ont donc la possibilité d'exercer une activité professionnelle dans de nombreux domaines, même dans des métiers dans lesquels le niveau de qualification exigé est relativement faible.

En outre, les ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ont aussi accès aux formations professionnelles et aux formations en alternance s'ils résident régulièrement en France. Cependant, pour les professions salariées autres que celles qui sont inscrites sur la liste précitée, la France, comme le traité d'adhésion le lui permet, a maintenu à l'égard des Roumains, pour une période transitoire, le régime de l'opposabilité de la situation de l'emploi.

Ce régime transitoire a été maintenu pour les années 2012 et 2013 en raison de la conjoncture économique, des perspectives d'accroissement du taux de chômage et du taux de chômage déjà élevé des ressortissants roumains, lequel s'établit à 14 %, contre 9 % pour l'ensemble de la population.

En toute hypothèse, ce régime transitoire, conformément au traité d'adhésion, s'achèvera au plus tard à la fin de l'année 2013.

Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse et des précisions apportées.

Permettez-moi de porter à votre connaissance les situations absurdes auxquelles sont confrontées des collectivités locales de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Des populations Roms - et je l'ai vérifié hier encore - admises dans des dispositifs d'insertion ou bénéficiant de contrats aidés, lesquels ont été mis en place avec le soutien du Gouvernement, se voient presque systématiquement refuser un titre de séjour par les préfectures, certaines depuis plus d'un an.

Ces Roms sont donc dans une situation paradoxale : ils peuvent être expulsés alors même qu'ils bénéficient d'un dispositif d'insertion ayant été, au moins au départ, soutenu par le Gouvernement. Les municipalités qui ont eu le courage de s'engager dans des politiques d'insertion en direction de ces populations sont dans une solitude totale et se heurtent à de grandes difficultés, car les parcours d'insertion s'en trouvent extrêmement perturbés.

Selon le Gouvernement, la conjoncture économique rendrait difficile l'ouverture du marché du travail à ces populations européennes. Pourtant, madame la ministre, l'Italie a officiellement informé ses partenaires, le 29 décembre 2011, qu'elle levait les restrictions sur le marché du travail à l'égard des citoyens roumains et bulgares. L'Italie étant frappée par la même crise économique que la France, c'est donc qu'il y a une autre attitude possible que celle qui consiste, de fait, à empêcher ces citoyens, en tout cas un certain nombre d'entre eux, d'avoir accès au travail.

Certes, cent cinquante métiers sont ouverts aux ressortissants roumains. Toutefois, les préfectures mettent aujourd'hui de deux à neuf mois pour répondre aux demandes. Vous imaginez bien que les employeurs ne peuvent pas attendre aussi longtemps !

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